Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne a donné son premier discours sur l’état de l’Union, mercredi 9 septembre, près d’un an après sa prise de fonction. Son allocution d’une heure et quart, a été largement consacrée à l’urgence face à l’arrivée de nombreux réfugiés aux portes de l’Europe.
Juncker est également revenu sur la situation de la Grèce dans l’Union européenne, en prévenant le prochain gouvernement du pays que la réaction de la Commission serait ferme si l’accord passé avec Tsipras n’était pas respecté. L’ancien premier ministre luxembourgeois a aussi évoqué le travail de la commission spéciale « Luxleaks » et son opposition à la création d’un parlement de la zone euro.
Retour point par point, sur le discours du président de la Commission devant le Parlement européen, à Strasbourg.
« Nous, Européens, devons nous souvenir que l’Europe est un continent où presque chacun a un jour été un réfugié » a lancé Jean-Claude Juncker sous les applaudissements d’une large partie de l’hémicycle. Après un long rappel historique sur les différentes vagues de migration qu’a connu le continent au 20ème siècle, le président de la Commission a proposé un mécanisme d’urgence pour la « relocalisation » de 160 000 personnes, entre les différents pays de l’Union. « La Hongrie, l’Italie et la Grèce ne peuvent pas être laissés seuls pour faire face à ce défi immense » a expliqué Juncker. Le président de la Commission invite les Etats membres à adopter, lors de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l’Intérieur le 14 septembre, cette proposition d’urgence.
#Juncker centre son premier discours sur l'état de l'Union sur la crise des réfugiés. pic.twitter.com/Hq8adCfZkx
— Ismaël Halissat (@ismaelhat) 9 Septembre 2015
Mais Jean-Claude Juncker propose également une refonte plus profonde de la gestion par l’Union des demandes d’asile avec la création d’un « mécanisme permanent de relocalisation » ainsi que la constitution de « canaux légaux de migration ». Ces mesures demanderaient la remise en cause du système européen de Dublin, adopté en 2003 et prévoyant que la demande d’asile doit être déposée dans le pays d’arrivée.
L’ex-premier ministre luxembourgeois souhaite aussi renforcer le budget accordé à Frontex, estimant que c’est de l’argent « bien investi ». De même, Juncker souhaite la mise en place d’un fond d’1,8 milliards d’euros provenant des moyens financiers de l’Union pour « lutter contre la crise au Sahel », une des causes des migrations vers l’Europe selon lui. Le président de la Commission a aussi exprimé sa volonté d’ouvrir des relations diplomatiques avec la Syrie et la Libye, menée par Frederica Mogherini, Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
« Nous devons faire la distinction plus nette entre les personnes » a également estimé Juncker en soumettant la constitution d’une liste de pays « sûr », permettant aux pays « d’accélérer les procédures » pour refuser les dossiers concernés. Une telle mesure, ne remettrait pas en cause le « droit fondamental à l’asile » selon le président de la Commission mais permettrait de se « concentrer sur les réfugiés qui ont le plus de chance » de se voir accorder cette protection. Juncker s’est également dit favorable à ce que les demandeurs d’asile puissent commencer à travailler dés le dépôt de leur dossier.
Le président de la Commission est revenu rapidement sur l’épisode estival de la crise grecque. « Il fallait dire à tout moment que le Grexit (ndlr : une sortie de la Grèce de la zone euro) n’est pas une option, sinon il serait arrivé », a t-il déclaré. Le discours de Jean-Claude Junker est resté néanmoins très ferme vis à vis du premier ministre grec : « J’ai dit à Tsipras qu’il ne fallait pas qu’il pense pour autant qu’ils étaient sauvés » a-t-il prévenu. Justifiant ainsi l’intervention de la Commission, allant jusqu’à l’intrusion pour certains, dans la politique économique grecque.
Dans la suite de son discours, évoquant notamment sur le plan dit Juncker, prévoyant l'investissement de 315 milliards d’euros dans l'Union, il est revenu sur la question de la création d’un parlement de la zone euro. « Le parlement européen est et doit rester le parlement de la zone euro » a-t-il affirmé, s’opposant de fait à la création d’une nouvelle entité européenne.
Jean-Claude Junker a également fait part de sa volonté de voir une zone euro « plus unie » dans ses déclarations extérieures, affirmant que le président de l’Eurogroupe « devrait être le porte-parole naturel de la zone dans les institutions financières internationales telles que le FMI ».
À la veille de son passage devant la commission spéciale Luxleaks du Parlement, Juncker a affirmé qu'il était depuis toujours favorable au principe que « les bénéfices doivent être imposés dans les pays où ils sont réalisés ». L'ancien premier ministre luxembourgeois est l'un des principaux mis en cause dans cette affaire d'évasion fiscale massive organisée, par le biais de rescrits fiscaux, entre son pays et plusieurs grandes sociétés.
I.H. et V.E.