Le confinement entraîne une menace accrue de violences sexuelles, d’autant plus que les services d’aide aux victimes déviennent plus difficiles d’accès.
219 000. C’est le nombre de femmes victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint, en 2018 en France. Selon la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), 68% d’entre elles vivent avec leur partenaire violent. L’épidémie de coronavirus et les mesures de confinement annoncées par le président de la République, le 17 mars, n’arrangent rien. Une situation qui inquiète Yvette Palatino, fondatrice d’Allez les filles Alsace, une association de boxe féminine et de prévention contre les violences faites aux femmes. “J’ai tout de suite pensé à elles, explique la boxeuse. Plus ça dure, et plus c’est compliqué. Des fois, les femmes crient, essaient de se défendre, de prendre la fuite, mais là elles ne peuvent pas fuir”. Un constat partagé par Bonnie, membre du collectif NousToutes 67 : “Il y a un risque majeur que les violences psychologiques deviennent des violences physiques, puis que ces violences physiques deviennent des violences sexuelles à cause du confinement.” Le collectif a lancé une vaste campagne de prévention sur les réseaux sociaux, pour aider les victimes à s’en sortir.
Parmi les solutions, il y a le 39 19, un numéro dédié aux victimes de leur conjoint. Il est géré par la FNSF. Mais avec le confinement, le service a dû basculer en télétravail. La ligne a été suspendue, vendredi 20 mars, puis réactivée le 23 mars avec des horaires réduits du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures. Une décision qui s’explique aussi par la baisse du nombre d’appels. “Le 39 19 reçoit 100 appels par jour contre 400 habituellement, affirme le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans un communiqué du 19 mars. On observe la même chose dans les autres pays européens confinés.” Cela ne signifie pas que les violences conjugales s'amoindrissent. Au contraire, il est peut-être le signal d’une impossibilité des femmes de joindre le service.
S'adapter au confinement
À Strasbourg, le centre Flora Tristan, qui accueille en journée les femmes victimes de violences, a réduit les rendez-vous physiques. En raison du coronavirus, ce lieu géré par SOS Femmes Solidarité a suspendu ses permanences collectives. Thomas Foehrlé, directeur de SOS Femmes Solidarité Strasbourg, tente de rassurer : “Si une femme appelle, elle peut se rendre sur place. Il y a d’abord un pré-acte téléphonique et notre personnel s'adapte aux besoins de chacune d’entre elles. S’il faut la rencontrer, cela peut se faire.”
Du côté de la justice, les tribunaux sont fermés depuis le 16 mars sauf en ce qui concerne les contentieux essentiels. Face à la menace d’une hausse des violences conjugales, les affaires urgentes liées à l’éviction d’un(e) conjoint(e) violent(e) figurent dans la liste des activités maintenues par l’État. L’ordre des avocats de Strasbourg s’est également mobilisé. Il a mis en place une permanence téléphonique à disposition des femmes battues. “Notre clientèle est principalement féminine, témoigne Florence Dole, avocate spécialisée dans le contentieux pénal. Nous avons beaucoup de dossiers de femmes victimes de violences qui se prolongent au familial.” En effet, lorsqu’un conjoint est condamné pénalement pour avoir battu sa femme, le dossier est transmis ensuite au juge aux affaires familiales, pour une demande de divorce, de retrait de la garde des enfants ou bien pour que la victime obtienne une ordonnance de protection. Ces dernières visent à protéger les victimes de violences conjugales, en ordonnant la résidence séparée du couple ou en interdisant au conjoint d’entrer en contact avec la victime. En dépit de la crise sanitaire, le tribunal judiciaire de Strasbourg reste ouvert a minima les jeudis, pour une séance consacrée à ce dispositif.
Antoine Cazabonne