L’initiatrice de Radio Clito, Raphaëlle Garcia, donne de la voix pour parler de sexualité féminine.
Un feu. Une explosion de joie. Raphaëlle Garcia est à l’image du podcast qu’elle a créé : pétillante, vivante et captivante. Une minute assise, l’autre debout, impossible de tenir en place. Avec deux amies, elle a lancé en février Radio Clito, “un podcast sur la sexualité féminine et la liberté”. Parce qu’à 32 ans, “bientôt 33”, c’est une femme qui s’assume. “Une trentenaire à la Sex and the City, totalement décomplexée”, dixit Laura Fix, son amie et collègue de podcast.
Lovée dans un pull, frange auburn sur le front, la Strasbourgeoise ne peut pas passer plus de cinq minutes sans rire aux éclats. Un rire chaleureux, communicatif, qui se diffuse tout autour d’elle. Parce qu’elle est comme ça, Raphaëlle Garcia. “Très joyeuse, toujours de bonne humeur”, affirme Laura Fix. “Ça fait du bien d’être entourée de personnes qui ont cette énergie-là”, abonde Elise Walter, son amie rencontrée il y a 14 ans sur les bancs du lycée Le Corbusier, à Illkirch, à l’occasion d’une Mise à niveau en arts appliqués (MANAA).
Après des études en communication visuelle à l’Ecole de design et d’arts appliqués de Strasbourg, Raphaëlle Garcia devient graphiste avant de se tourner vers la communication. Puis elle exerce dans la restauration, pendant quatre ans.
Un domaine qui lui plaît, mais “physique, ingrat. On travaille quand tout le monde s’amuse”, constate la jeune femme. Alors à la fin de la saison estivale 2019, au chômage, elle rêve d’un ailleurs. “Je n’avais plus envie qu’on me dise ce que je dois faire”, explique la trentenaire. Une idée lui trotte dans la tête depuis un bout de temps. Une envie de podcast.
La radio, une histoire d’enfance
Raphaëlle Garcia veut tendre son micro au plus grand nombre pour échanger sur la sexualité féminine, trop longtemps restée tabou. © Raphaëlle Garcia
Fille unique, elle dessine, peint, et se raconte des histoires. “Petite, j’avais un enregistreur cassette avec un micro. Je faisais déjà de la radio à ce moment-là. J’inventais des histoires, je parlais comme s’il y avait un public !”, se souvient-elle de sa voix grave de fumeuse.
Un amour de la création et du contact avec l’autre que la jeune femme a voulu retrouver : “La voix permet de faire travailler l’imagination. J’aime parler, échanger, rencontrer de nouvelles personnes”. Elle aime tant les gens, qu’elle a d’abord voulu en faire le sujet de son projet. Un podcast sur les parcours de vie, sur ceux qui nous entourent et auxquels on peut s’identifier. “Je me posais des questions sur mon parcours. Je voulais savoir ce qui pouvait me rendre heureuse, me faire vibrer, et je me suis dit qu’en interviewant d’autres personnes j’aurais peut-être des réponses”, confie Raphaëlle Garcia, plus sérieuse cette fois.
"On attend toujours la suite de ses aventures"
C’est là que deux de ses amies, Laura et Emilie, lui suggèrent de parler de sexualité féminine.
“Raphaëlle c’est un feuilleton. Elle a toujours des petites histoires à nous raconter avec les garçons. On attend toujours la suite de ses aventures. Elle parle de sexualité de manière débridée.
On s’est dit que c’est là qu’elle devait aller, sur ce terrain”, relate Laura Fix qui l’assure : “Elle a vraiment ce truc pour raconter des histoires !” La concernée accepte, à la condition que ses complices l’accompagnent, l’amitié étant une valeur sacrée pour elle.
Un thème qui ne surprend pas du tout Elise Walter : “Quand elle m’a dit que ça serait sur la sexualité féminine, ça ne m’a pas du tout étonnée. J’ai trouvé cela cohérent avec sa personnalité.” Le choix de la raison pour Raphaëlle Garcia qui écoute Les couilles sur la table et suit des comptes Instagram comme Le gang du clito ou Quoi de meuf. Une femme dans l’air du temps qui érige en modèles celles qui prennent la parole, qui osent, qui assument ce qu’elles pensent, à l’instar de Florence Foresti.
“Ma mère ne m’a jamais parlé de sexualité”
Pour l’initiatrice de Radio Clito, la parole se libère de plus en plus. Reste que les choses bougent trop lentement à ses yeux. “Dans les livres d’école, l’organe génital de la femme n’est pas du tout décrit, on ne voit que l’utérus. La sexualité féminine, c’est important, insiste Raphaëlle Garcia en jouant avec son briquet jaune. Moi, ma mère ne m’a jamais parlé de sexualité, à part pour me dire de me protéger. C’est vrai que j’avais un peu peur de la sexualité au départ. Est-ce que ça fait mal, comment ça se passe ?
Je n’avais jamais vu un sexe masculin, donc la première fois c’était un peu bizarre.”
La maman de la créatrice du podcast a plutôt bien pris le projet de sa fille. Elle la soutient, comme son entourage, et a même adoré le premier épisode sur le Kamasutra, qui comptabilise 1400 écoutes. “Je me suis dit, non mais attends, elle ne m’en a jamais parlé et elle me dit que c’est bien d’en parler ?”, s’esclaffe la trentenaire.
Consciente de ne pas être une experte, la célibataire n’entend pas délivrer la bonne parole. “Chacun a sa manière de voir les choses. Il n’y a pas de vérité absolue, assure-t-elle. Je pense qu’on n’est pas obligée de se marier et de faire des enfants pour être une femme accomplie. Mais je n’ai pas envie de répondre pour les autres.” Et entend pour cela donner la parole à tous et à toutes, celles et ceux qui vivent leur sexualité au quotidien, pour que chacun puisse se forger son avis.
La liberté, Raphaëlle Garcia y tient. C’est pour cela qu’en dépit d’avoir récolté les 3000 euros nécessaires sur Ulule, elle n’a pas cherché d’autre financement pour son projet. Pour l’instant, les trois amies animent la radio bénévolement, Laura et Emilie disposant du matériel adéquat grâce à leurs métiers dans l’audiovisuel. “J’aimerais bien pouvoir me consacrer à ça entièrement. Mais si ça n’est pas le cas, je continuerais à le faire bénévolement puisque cela me plait”, sourit la jeune femme qui ne manque pas de s’adapter à l’actualité, avec un prochain épisode consacré à la sexualité pendant le confinement.
Marylou Czaplicki