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« Fermée à partir du 13 août » : un grand panneau annonce la couleur, face à la déchèterie de Koenigshoffen, momentanément fermée pour rénovation. Tractopelles à l’arrêt, dalle neuve et tout juste coulée, friches sur le côté de la route. Dans ce décor post-apocalyptique, un samedi en fin d’après-midi, pas âme qui vive. A première vue.
Des riffs de metal s’élèvent dans le ciel, un homme dodeline en rythme de la tête, assis sur une chaise, son bolide — une twingo bleue — garé sur le bord de la route. Sur sa casquette noire au-dessus de son tee-shirt noir, pas d’image d’ACDC ou de Metallica, mais le mot « sécurité ». Voici le gardien de la déchèterie fermée.
Sa mission, puisqu’il l’a acceptée : veiller, entre autres, à la non-multiplication des déchets sauvages. « Quand des personnes tentent le coup, je leur dis de les déposer au moins à côté de la poubelle, afin que les déchets soient ramassés », décrit-il. Ils les oriente aussi vers la déchèterie de la Meinau. Compter 2,6 km en voiture, soit environ sept minutes, dixit Google Maps.
Des permanences mixtes monopolisées par les hommes
Proposer des rencontres informelles dédiées aux femmes, que ce soit dans les locaux d’Opali-Ne ou à l’extérieur, c’est un moyen pour l’organisation d’attirer ce public spécifique. « Nos permanences sont mixtes, mais aucune femme ne vient car elles ne veulent pas croiser les hommes du quartier qu’elles connaissent », explique Julie Guignard. C’est justement pour pallier cette absence que la psychologue a été embauchée il y a deux ans. Et ce n’est pas une mince affaire.
« Les hommes viennent entre amis pour se retrouver dans un lieu chaleureux, d’écoute et de bienveillance. La loi de la rue n'a pas sa place ici et ce cadre très stable et structuré les rassure, détaillent Céline Braune et Julie Guignard. Ici, ils touchent à la normalité. » Si l’accueil est inconditionnel, « le seul interdit, c’est de consommer ». Seulement, les femmes n’y trouvent pas leur place. « Il n’y en a qu’une seule qui vient dans le cadre du programme d’échange de seringues, mais elle ne s’approprie pas les lieux, commente Céline Braune. Elle reste dans le couloir en attendant qu’on s’occupe d’elle. » Selon l’éducatrice spécialisée, « la mixité pose problème ».
Avec les femmes, « on est dans le contact »
Entre la peur du jugement et les stigmatisations que subissent les injecteurs, difficile de franchir le pas pour ces femmes, qui consommeraient davantage dans l’intimité de leur foyer. « Aller vers elles dans les squares, c’est OK, mais dans leurs logements c’est très, très, compliqué, déplore Céline Braune. Pour le moment, on tente des choses, on découvre. » Julie Guignard ajoute : « On n’est pas encore dans le lien, comme avec les hommes par exemple, on est dans le contact. »
Si le profil des hommes est clairement établi - 37 ans en moyenne, très précaire, souvent atteint d’une pathologie psychiatrique -, celui des femmes reste inconnu. « On ne connaît même leurs consommations. On a déjà observé des femmes qui s’alcoolisent dans l’espace public, mais en général il y a une autre problématique, comme le mésusage de médicament. » D’après les observations des deux professionnels, les femmes ne reconnaitraient pas les effets néfastes des substances sur leur santé. « Pour elles, un médicament, ça soigne, indique Céline. Elles n’ont pas l’impression de surconsommer. »
Une des missions d’Opali-Ne est de sensibiliser tous les publics, consommateur comme non-consommateur, pour prévenir les risques de manière optimale. Tout cela passe par le dialogue. « Le lien est difficile à entretenir, explique Céline Braune. Ces derniers mois, à de nombreuses reprises, la permanence n’a pas pu être assurée pour cause d’absence de personnel. » Résultat : la confiance des consommateurs s’est considérablement fragilisée, ce que déplore l’éducatrice: « S’il n’y a pas d’accueil ou de travail de rue, on perd le lien, le contact avec les gens. » Au point de menacer la pérennité du projet dédié aux femmes ?
Juliette Mariage et Sophie Wlodarczak
(*) Lorsque Opali-NE a vu le jour en 2012, le but était de prévenir et réduire les risques liés aux addictions. Née d’une coopération entre trois associations spécialisées sur ces questions, OPI (Orientation, Prévention, Insertion) , Alt et Ithaque (deux associations dédiées aux soins, à l’accompagnement et à la prévention en addictologie), Opaline-Ne est un dispositif unique et pensé sur mesure pour le quartier du Neuhof.
Un vide-dressing pour attirer les femmes
Dans le square proche du Norma, sur les coups du midi, pas de traces d’enfants. Les bancs sont occupés par une dizaine d’habitants du quartier, en majorité des hommes entre quarante et cinquante ans, réunis autour de bières achetées dans le supermarché du coin. Ce rituel se répète tous les jours, à toute heure. Céline Braune et Julie Guignard s’aventurent dans le petit parc, à la rencontre des deux seules femmes assises à l’écart du groupe d’hommes.
« Salut Christine ! Vous allez bien ? », lance Julie Guignard à l’une des deux. Sourire aux lèvres, Christine s’avance vers la psychologue et lui claque la bise. La conversation s’engage, avant que la fille de Christine, 23 ans, n'arrive à vélo, demandant qui sont ces personnes qui accostent sa mère. « Ce sont les gens d'Opali-Ne, elles s'occupent de nos problèmes d'addiction, tout ça... ». Sa fille la coupe en rigolant : « Ah oui, ça ne me regarde pas, les drogues, c'est pour toi ! » Christine s'en défend, arguant : « Les drogues, j'ai arrêté ! Il n'y a plus que l'alcool maintenant. » Personne ne relève cette quasi-confession, lancée au détour de la conversation.
Ce n'est que plus tard, quand nous quittons le parc, que Céline Braune s'enthousiasme : « C'est la première fois qu'elle évoque l'arrêt de la drogue. C'est au cours de ce genre de discussions informelles qu'on en apprend plus sur eux. » Et qu'elles approchent de nouveaux consommateurs. « Ça vous dirait qu’on organise un vide dressing le mois prochain à Opali-Ne, interroge Julie Guignard. Comme celui qu’on avait fait au début de l’été ? » La proposition attire une seconde femme, installée sur un banc avec Christine. Cheveux bruns courts, lunettes de soleil aviateur sur le nez, elle laisse son numéro aux spécialistes pour être avertie de la date de l’événement.
Un quartier en manque de commerces
L’implantation de Carrefour au Port du Rhin pourrait pourtant soulager les employés de Chez Abdel, qui seuls font face à la demande alimentaire de la zone. « On a une vraie masse de travail depuis que le quartier s’est agrandi », souligne Aderrahim Hallous. « Avant, c’était pépère. » Cette surcharge salariale est aussi due à la disparation progressive des commerces des alentours. Marie-Pia Meyer, gérante de Au Port’Unes, une entreprise d’insertion dans le quartier, regrette l'époque où ce dernier était plus animé: « Avant, il y avait deux boulangeries, deux boucheries et un coiffeur. » Même son de cloche Chez Abdel : « Quand on va dans un commerce qui rassemble tout, c’est par obligation. Quand on est jeune, on ne fait pas attention à ce qu’il y a dans le quartier, en grandissant on se rend compte qu’il manque des choses. »
Face à ce constat, Au Port’Unes, décide en 1999, de créer un commerce de proximité, la Com’Au Rhin, «à la demande de Jean-Claude Petitmange, adjoint au maire de l’époque», se souvient Marie-Pia Meyer. Gérante du magasin aujourd’hui fermé, elle raconte : « L’objectif a toujours été de faire de lien social. » La volonté est là, mais l’histoire du magasin va se ponctuer de fermetures, d’incivilités et de vols.
« On a essayé un tas de trucs », résume Marie-Pia Meyer. « Ce magasin n’a jamais été rentable, ni même équilibré dans les comptes. » Après 18 ans de présence au Port du Rhin, la Com’Au Rhin ferme définitivement ses portes en mai 2017. La date de fin de son engagement avec le Fonds social européen (FSE) devait correspondre avec l’arrivée du tram dans le quartier et d’un nouveau commerce de proximité, mais « le Carrefour a mis un peu plus de temps ».
Un Carrefour Express loin de faire l’unanimité
Toujours gérante d’Au Port’Unes, Marie-Pia Meyer reste toutefois pessimiste face à l’implantation du nouveau magasin : « Le Carrefour ne marchera pas. Ils visent une autre clientèle que celle du quartier historique, une clientèle active, les tarifs seront élevés. » Abderrahim Hallous n’est pas plus enthousiaste. Selon lui, la demande n’est pas assez élevée pour que l’enseigne rentre dans ses frais. Autre problématique qui pourrait empêcher le magasin de fonctionner, selon Marie-Pia Meyer : le manque de places pour se garer. Un avis qui n’est pas partagé par Vincent Richart : « En se basant sur la clientèle à 5 minutes à pied du magasin, il sera viable. »
Tifenn Clinkemaillié et Corentin Parbaud
Un magasin de 220m2, trois emplois et un renouveau pour le quartier du Port du Rhin. C’est ce que promet d’apporter, le 28 novembre prochain, l’ouverture d’un Carrefour Express, rue de l'Abbé François-Xavier-Scherer. L’entreprise relève le défi de s’installer dans ce quartier où les commerces de proximité peinent à s’implanter durablement.
« Il n’y a rien au Port du Rhin, aucun magasin alimentaire, résume Vincent Richart, futur gérant du Carrefour Express, quand on voit la densité de population, c’est dommage. » C’est pour répondre à l’expansion du quartier, dont la population a augmenté de 25% depuis 2009, mais aussi pour «créer un lieu de vie», que Carrefour a décidé d’ouvrir son magasin. Installé entre la Poste et le Crédit Mutuel, à deux pas du tram, le commerce proposera avant tout des produits alimentaires. « Il n’y aura que très peu de produits d’hygiène, ce sera surtout du dépannage », explique Vincent Richart.
Face à la concurrence des grandes surfaces allemandes, à une station de tram de là, l’enseigne adapte son offre. « Dans les magasins allemands, les produits alimentaires ne sont pas forcément donnés, la France a la chance d’avoir une force agricole, on va donc être capables de tirer notre épingle du jeu », note le futur gérant. « Les gens ne viendront pas acheter un gros panier de courses, mais le lait qu’ils ont oublié pour faire des crêpes à leurs enfants. »
Si 70% des habitants du quartier vivent des minima sociaux, la question du prix des produits ne l’inquiète pas : « Je m’adapterai aux clients. Si par exemple je me rends compte que le riz Lustucru ne marche pas, je proposerai du riz premier prix. »
À une rue de là, de l’autre côté du tram, dans l’épicerie historique du quartier, Chez Abdel, on ne partage pas l’enthousiasme du gérant. Abderrahim Hallous, habitant du Port du Rhin, explique derrière son comptoir : « Je sais qu’ils ont fait leur étude de marché, mais ils ne connaissent pas le quartier. » Autour de ce magasin ouvert depuis 38 ans, tous les commerces de proximité ont fermé. Pour lui, qui a passé toute sa vie dans le quartier, l’explication est simple : « Les gens au début du mois vont acheter un certain volume en Allemagne, cela leur tient dix jours, après ils viennent chez nous, et à partir du 25, on leur fait crédit. C’est ça qui fait la différence, cela leur donne envie de revenir. »
Depuis septembre, l’artiste Difracto a intégré la pépinière musicale de l’espace Django-Reinhardt au Neuhof. Ce jeune talent de la scène électro bénéficie d’un accompagnement privilégié pour développer son réseau et sa musique. Rencontre.
Ce vendredi soir au Mudd, club strasbourgeois, François Delamarre, alias Difracto, met l’ambiance. Devant une cinquantaine de personnes, il enchaîne sons, rythmes et mouvements de danse. François fait depuis une dizaine d'années de la musique électronique, dans la lignée de Flume et de Fakear. La sortie de son premier EP a officiellement lancé Difracto l'an dernier.
Depuis septembre, le jeune homme de 27 ans a intégré la pépinière musicale de l’espace Django-Reinhardt au Neuhof. Au programme : accompagnement, conseils, critiques… « Dans tous les projets musicaux, il n'y a pas d'école qui t'explique comment développer ton projet, comment tout gérer. Il y a des choses qu'on peut trouver sur internet, mais avec la pépinière ce sont des professionnels de la musique qui te prennent en charge. Moi qui suis seul aux manettes de Difracto, c'est d'autant plus intéressant par rapport à des groupes », ajoute-t-il.
Difracto n’en est pas à son premier coup d’essai. Il y a deux ans, l’artiste avait déjà postulé à la pépinière, mais en raison d’un projet encore trop embryonnaire, sa candidature avait été refusée. Deux ans plus tard, un EP sorti et plusieurs dates de bookées, dont certaines dans des festivals, sa persévérance a payé.
Photos: CUEJ/Martin Greenacre
Camille Battinger