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«Lex Paciferat». Que la loi conduise à la paix. Telle est la devise de la force de gendarmerie européenne (FGE) qui est un exemple de coopérations mixtes, civiles et militaires, encouragées par le nouveau traité européen et souhaitées par la France. Elle effectue actuellement sa première mission en Bosnie-Herzégovine. D'ici janvier, près de 130 hommes de cette unité, composée de gendarmes français, espagnols, portugais, italiens et néerlandais, seront déployés en Bosnie, douze ans après la fin de la guerre. Ils auront pour tâche le maintien de l'ordre, la recherche de renseignements et la lutte contre le crime organisé. Dernièrement, la FGE a mis en place l'état-major à Sarajevo.
Pour cette mission, trois pays ont rejoint les cinq membres de la FGE : la gendarmerie militaire polonaise, qui a un statut de partenaire, et les gendarmeries roumaine et turque, candidates au statut d'observateur. La Lituanie a fait une demande officielle en avril 2007 pour obtenir le statut d'observateur au sein de la FGE. Mais pour le moment, aucune décision n'a été prise. Selon le lieutenant-colonel Fabrice Grandi, «la France pourrait éventuellement profiter de la future présidence de l'Union pour mettre en avant le concept de la FGE dont elle est à l'origine. Dans cette éventualité, si ses efforts sont positivement accueillis par les 27, cela pourrait alors se traduire concrètement par un second engagement opérationnel de la FGE en 2008-2009.»
Un atout pour la PESD
La force de gendarmerie européenne, créée en 2004, est née officiellement le 18 octobre 2007 lors de la signature du traité de la FGE par les ministres de la Défense des cinq pays fondateurs. «Cette signature constitue une avancée fondamentale pour doter l'Union européenne d'un instrument conjoint de riposte policière aux scénarios de crise», a déclaré Rui Pereira, le ministre de l'Intérieur portugais. L'atout principal de la FGE : la possibilité de déployer une force de réaction rapide de 800 hommes dans un délai maximum de 30 jours, au profit de l'Union, ou sous mandat de l'Otan, de l'ONU, ou d'une coalition. Initiée par la France, cette structure dispose d'un état-major permanent basé à Vicenza, en Italie. Pour Karl von Wogau, président de la commission défense du Parlement européen, cette force est une initiative très utile. «Dans des situations comme celle en Bosnie, c'est très important qu'il y ait des gendarmes avec une formation policière et militaire. En Allemagne, nous avons une autre tradition, avec une séparation entre la tâche du policier et du soldat.»
Emmanuelle Ferrandini à Paris
Le ministre de l'Agriculture observera avec attention les avancées en matière de protection civile. En 2006, il avait rendu un rapport préconisant la création d'une force européenne d'intervention en cas de catastrophe.
«Améliorer la prévention des crises en Europe sera l’une des priorités de la présidence française», a déclaré Michel Barnier, le 13 décembre à Bruxelles en marge du sommet européen.
Le lendemain, les conclusions de la présidence portugaise se sont félicitées de l’adoption au mois de novembre d’une nouvelle législation sur la protection civile. Il s’agit de la mise en place d’unités spécialisées appelées «modules» dont l’objectif est de rassembler les éléments nécessaires à la gestion d’un risque précis. Pour les incendies par exemple, des ensembles comprenant camions, canadairs, hélicoptères, etc., seront constitués par certains pays. Une première étape conforme à la vision exprimée par Michel Barnier dans le rapport «Pour une force européenne de protection civile : europe aid» qu'il a présenté en mai 2006. «Il faut absolument mutualiser les moyens nationaux qui existent : pompiers, infirmiers électriciens... afin qu’en cas de grandes catastrophes, nous puissions agir ensemble. Il faut se préparer aux crises plutôt que d’improviser», souligne l’ancien ministre des Affaires étrangères, encore marqué par le tsunami de décembre 2004 en Asie du sud-est.
A l’heure actuelle, l’essentiel du système européen de réponse aux crises repose sur le Monitoring information center (MIC), une cellule d’information qui fonctionne 24 heures sur 24.
Lorsqu’un Etat frappé par une catastrophe naturelle fait appel à la solidarité européenne, c’est dans cette petite salle située au coeur de la Commission que retentit l’alerte. Dans les secondes qui suivent celle-ci, un fax est envoyé aux trente ministères de l’Intérieur des pays membres du dispositif européen de protection civile (les 27 Etats membres, la Norvège, le Lichtenstein, et l’Islande).
Les pays volontaires se font alors connaître et annoncent par exemple l’envoi de deux canadairs, de 60 pompiers ou encore de 400 kg de médicaments. Le MIC coordonne l’ensemble, mais agit dans l’urgence et sans aucune planification.
« Les Français devront être réalistes et avancer pas à pas »
Ce manque de préparation a largement été commenté lors des incendies qui ont ravagé les forêts grecques l’été dernier.
«Dans ma proposition qui est soutenue par la France, il y a l’idée de transformer le MIC. C’est une structure très souple, qui fait bien son travail mais qui intervient après la catastrophe pour dire «qu’est-ce que vous êtes prêts à mettre à disposition du pays qui est touché ?» Ce qu’il faudrait c’est un centre opérationnel à Bruxelles avec des experts qui préparent les protocoles de réponse aux crises. Je souhaite que la Commission fasse des propositions dans ce sens», poursuit Michel Barnier.
Stavros Dimas, commissaire à l’Environnement, avait annoncé le 22 novembre dernier, lors du forum de protection civile auquel assistait Michel Barnier, que la Commission s’apprêtait à faire de nouvelles propositions. «On peut par exemple envisager la création d’un centre de formation et d’entraînement, la mise en place de consuls européens... indique Martijn Quinn, membre du cabinet de Stavros Dimas, en charge de la protection civile. Nous allons nous appuyer sur les propositions du plan Barnier qui est la seule vraie réflexion en la matière. Mais les Français devront être réalistes et avancer pas à pas», prévient-il.
Anne-Louise Sautreuil à Bruxelles
Créée en 2004 par le Conseil européen dans le but de mettre en place un marché commun de la défense, l’Agence Européenne de Défense (AED) ne dispose toujours pas d’un budget suffisant pour pour satisfaire à ses objectifs.
«Il y a 25 véhicules blindés de transport différents au sein de l’Union Européenne, explique Patrick Lefort, membre de la direction Industrie et Marché de l’AED, il faut forcer les États membres à coopérer.»
Coopérer, c’est le mot d’ordre de l’AED installée Rue de Drapiers, au coeur de Bruxelles. Forte de 100 personnes mises à disposition et payées par les États membres, elle travaille sous l’autorité du Conseil européen et de Javier Solana, le haut représentant pour la PESC, en collaboration avec les industriels européens de la défense et la Commission européenne pour, à terme, conduire une véritable politique européenne en matière d’armement.
France et Royaume-Uni: 60% des dépenses
Le budget alloué par les États membres à la défense ne représente que 46% de celui des États-Unis. La France et le Royaume-Uni sont les plus gros investisseurs en consacrant environ 2 % de leur PIB soit au total 60% des dépenses européennes pour la défense.
Pour économiser et concurrencer les États-Unis, l’AED travaille sur une harmonisation des matériels de défense. Il existe déjà, au niveau intergouvernemental, des coopérations en matière d’équipement de défense comme le Tigre, l’hélicoptère franco-allemand, mais il faudrait les étendre au niveau communautaire.
Dans le domaine de la Recherche et Technologie (R&T), les pays de l’Union dépensent deux milliards d’euros par an. Mais Il s’agit de l'addition de 27 programmes de recherche distincts qui font souvent doublon. Pour faire des économies, l’agence prône une mise en commun de ces investissements, mais le concept de finance commune de la R&T est difficile à accepter. Les bons payeurs sont réticents à l’idée d’aider les industries d’autres membres sans obtenir un “juste-retour” équivalent à leur investissement. Pour cette raison, la contribution des Etats membres à la réalisation des objectifs de l’AED se fait sur une base volontaire.
27 marchés nationaux
«Par tradition, la défense reste un domaine national», explique David Oppenheimer, assistant d’Ana Gomes, membre de la commission défense au Parlement européen. Il existe aujourd’hui dans l’Union européenne 27 marchés de la défense nationaux très cloisonnés. C’est dans l’optique de créer un marché commun compétitif que l’AED a mis en place en 2006 un Code de conduite en matière d’acquisition d’armement. Un “tournant” pour l’agence puisque les pays souscripteurs doivent désormais donner des opportunités égales et loyales à tous les industriels européens lorsqu’ils souhaitent acheter du matériel de défense: fini -sur le papier- le favoritisme envers les industries nationales. Les membres publient leurs appels d’offre sur un bulletin électronique, nommé EBB (Electronic Bulletin Board for European Defence Contract Opportunities) et hébergé par l’AED censé donner de la transparence au choix et à l’attribution des contrats.
Ce Code de conduite permet de limiter le champ d’application de l’article 296 du Traité du Rome qui indique que “tout Etat membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre”. Les Etats abusaient de cet article pour attribuer systématiquement leurs commandes à leurs industries.
Selon David Oppenheimer, les pays comme l’Espagne, la République Tchèque et la Pologne qui possèdent de petites industries sont réticents à ce mode de fonctionnement puisque ils craignent, à terme, de les perdre. «De manière générale, un certain nombre d’industries veut garder son marché national et conquérir celui des autres pays. Officiellement toutes les industries soutiennent un marché commun de la défense mais toutes usent de manoeuvres pour retarder le processus», explique un employé de l’AED. Seules les entreprises multinationales comme EADS, très compétitives, trouvent un réel intérêt à un marché commun de la défense.
Le paquet de la Commission
Pour simplifier les procédures liées à une ouverture des marchés nationaux vers un marché communautaire de l’armement, la Commission européenne a proposé le 5 décembre deux directives. La première concerne les marchés publics dans le domaine de la défense, la seconde vise à réduire les obstacles aux échanges commerciaux des produits de défense dans l’Union. Elles seront étudiée par le Parlement et le Conseil au cours de la Présidence française.
Pour 2008, l’AED dispose d’un budget de 32 millions d’euros sensiblement plus élevé qu’en 2007 même si l’organe n’a toujours pas réussi à obtenir la planification budgétaire pluriannuelle (sur trois ans) qui lui offrirait une visibilité suffisante. « Visiblement tous les pays n’ont pas d'intérêt à voir une Europe de la défense se développer trop vite», commente Patrick Lefort.
Seul membre à opposer son veto à l’adoption d’un tel budget, le Royaume-Uni fait planer un doute sur sa volonté de renforcer l’Europe de la Défense. Pour lui, l’agence n’a pas encore fait preuve de son efficacité et il n’est pas question d’investir à moyen terme.
Mélior Mouamma à Bruxelles
«On ne peut avancer dans un domaine aussi sensible que la défense sans une légitimité démocratique complète, écrit Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin sur son site Internet. Le contrôle national ne peut suffire.» L'envoi des troupes à l'étranger, l'évaluation de l'effort budgétaire, le choix de l'équipement... Autant d'éléments de la politique européenne de sécurité et de défense européenne (PESD) qui, actuellement, ne bénéficient d'aucun contrôle parlementaire conjoint. Chaque parlement national vote actuellement les crédits affectés à la défense et aux missions internationales, sans aucune procédure de concertation. «Au Tchad, par exemple, il manque des forces logistiques, rappelle Corinne Caballero-Bourdot, en charge des relations extérieurs de l’Assemblée de l’UEO. Un contrôle parlementaire adéquat permettrait d'avoir une vision globale des besoins.»
Parlement européen, parlements nationaux ou encore Assemblée de l'UEO : diverses institutions sont évoquées pour assurer un contrôle démocratique de la PESD. Pour Karl von Wogau, «l'unique solution est une coopération étroite entre les parlements nationaux et le Parlement européen». Dans cet esprit, le président de la commission Défense du Parlement européen est en train de créer une fondation en collaboration avec Guy Tessier, président de la commission parlementaire de l'Assemblée. La première réunion a eu lieu le 27 novembre 2007. Pourtant, aucun élément dans les déclarations de la future présidence française ne laisse présager le traitement de cette question.
Emmanuelle Ferrandini
Il manquerait dix hélicoptères et trois avions. Voilà ce qui expliquerait que la force européenne ne soit toujours pas déployée au Tchad et en République centrafricaine. Mandatée par l’ONU le 15 octobre pour y sécuriser les alentours des 11 camps de réfugiés des conflits soudanais, la mission Eufor aurait dû arriver sur place au début du mois de décembre. La plupart des Etats affirment désormais que leurs capacités militaires sont saturées et qu’ils sont dans l’impossibilité de fournir davantage de matériel. «Pure prétexte» rétorque t-on à la représentation permanente française à Bruxelles.«Il y a 1300 hélicoptères en Europe. C’est un manque de volonté. Tout est politique».
La France fournira le plus gros des troupes avec 1700 hommes, suivie de la Pologne, de l’Irlande (400 chacun), de la Suède (250), de la Roumanie (150), de la Belgique et de l’ Autriche (100 chacun). Côté matériel, l’Espagne mettra deux avions à disposition de l’opération et les Italiens se sont récemment engagés à fournir l’hopital d’Abéché. Deux pays majeurs, l’Allemagne et le Royaume-Uni restent absents.
Si les Anglais ont d’abord soutenu l’opération a l’ONU aux côtés de la France, ils refusent aujourd’hui d’y participer concrètement. «Les Anglais, c’est presque dogmatique, ils refusent de voir se développer la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) affirme le colonel Cyrille Claver, responsable de la gestion militaire de la crise au Tchad à la représentation française. «Quant à l’Allemagne, elle nous fait payer de l’avoir emmenée en République démocratique du Congo l’an dernier. Les Allemands ne veulent plus venir en Afrique avec nous».
«Nous arriverons encore des millions de morts trop tard»
Sur les 100 millions d’euros de fonds commun votés par le Conseil pour l’opération Eufor Tchad RCA, l’Allemagne contribuera à hauteur de 20 millions, le Royaume-Uni donnera 17 millions et la France 16 millions, selon le principe des clés de répartition qui impose que les grands pays paient plus que les petits. Le pot commun ne tient cependant pas compte des coûts de fonctionnement des troupes sur le terrain (déplacement, nourriture, salaire...). Et comme chacun paie pour ses soldats, le déploiement de 1700 hommes au Tchad et en Centrafrique pendant un an coutera près de 200 millions d’euros à la France. «L’Allemagne raconte qu’elle est le plus gros contributeur, c’est pervers car elle présente comme un cadeau sa contibution obligatoire au fonds commun. La vérité c’est qu’elle ne veut pas mettre un seul soldat sur le terrain, Angela Merkel l’a répété à Nicolas Sarkozy récemment", indique le colonel Claver.
Si les blocages persistent c’est aussi en raison des doutes régulièrement émis par les Etats membres concernant les motivations françaises. L’Autriche a ouvertement soupçonné la France de vouloir soutenir Idriss Déby, le président tchadien en proie à une rebellion. Selon un haut gradé belge,«les Français vont aussi chercher des contrats au Tchad. Quand il faudra reconstruire, ce sera autant de contrats potentiels pour leurs entreprises. Et puis s’ils sont si pressés, ils n’ont qu’à fournir les hélicoptères, ils ont les moyens d’y aller seuls.» Quant aux petits pays, comme la République tchèque, leur principale crainte serait de déplaire à l’Otan en fournissant des moyens aériens pour le Tchad plutôt que pour l’Afghanistan. Selon certains observateurs, les Français auraient pu se contenter de renforcer le dispositif Épervier présent au Tchad depuis 1986 et qui soutient le gouvernement tchadien dans les domaines du renseignement, de la logistique et de la santé. «Si la France a refusé de fournir plus de 50% des besoins de cette mission, c’est pour ne pas être accusée de soutenir Idriss Déby, racontent les militaires français. Sur place il y a déjà beaucoup de Français dans le cadre de la mission Épervier. Si les Français étaient considérés comme affiliés à Déby, les hommes mais aussi les organisations non gouvernementales seraient en danger» préviennent-ils.
Bien plus que le manque d’hommes et de matériel, c’est l’absence de confiance entre les partenaires européens qui entrave le développement des missions de sécurité et de défense européennes. Et tandis que l’ère du soupçon règne sur Bruxelles, les parlementaires européens s’inquiétent du résultat. «Nous arriverons encore des millions de morts trop tard», s’insurge la député portugaise, Ana Maria Gomes.
Anne-Louise Sautreuil à Bruxelles
Installée au sein de l’Etat-major, la cellule civile-militaire ne fait pas l’unanimité au sein des Etats membres. Elle affiche cependant la volonté de l’UE d’être autonome en matière opérationnelle.
150, avenue de Cortenbergh, à Bruxelles. Siège de l’Etat-major de l’union européenne (EMUE). Les mesures de sécurité y sont draconiennes. Passage aux rayons X puis fouille. Caméras, appareils photos et clefs usb doivent être laissés dans un casier. Les murs des couloirs sont couverts d’insignes et de photos militaires. Dans les bureaux, il n’y a que des hommes, en uniforme, penchés sur les ordinateurs. Impossible d’en savoir davantage car il est formellement interdit aux visiteurs de se promener seuls.
C’est dans ce bâtiment que se trouve le centre d’opérations, conçu pour conduire des actions militaires et civiles de l’Union européenne.
Secret défense oblige, il est impossible d’y pénétrer. «C’est une grande pièce, avec 56 ordinateurs, des systèmes radars et une partie aménagée pour les visioconférences afin de communiquer avec les hommes sur le terrain, décrit le général Giovanni Manione, directeur de la cellule civile-militaire, dont dépend le centre d’opérations. Il est prévu pour conduire des opérations de 2000 hommes.»
Pas de doublon avec le Shape
Même s’il n’est pas activé (il l’a été seulement une fois dans le cadre de l’exercice Milex 2007), huit militaires sont chargés de maintenir les structures : c’est-à-dire de veiller au bon fonctionnement des installations techniques et de mettre à jour les données des Etats membres. Le 23 septembre, dans un discours pronconcé à l’Institut français des relations internationales, Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes a déclaré qu’il fallait «aller plus loin à travers l’activation d’un centre de planification et de conduite d’opérations permanent de l’Union européenne à Bruxelles».
Décidée en avril 2003 lors d’un sommet Défense à Bruxelles, la cellule civile-militaire a été mise en place en juin 2005 à l’issue d’un compromis. «Initiée par la Belgique, l’idée était de créer un quartier général permanent à Tervuren (20 km à l’est de Bruxelles)», indique Claude-France Arnould, directrice pour les questions Défense au Secrétariat général du Conseil de l’UE.
«L’Allemagne, la France et le Luxembourg ont soutenu le projet mais la Grande-Bretagne était contre, note Didier Lenoir de la direction «Questions Défense» au Secrétariat général du Conseil. Elle voyait dans cette idée une duplication du quartier général de l’Otan, le Shape.»
L’objectif était de coordonner le civil et le militaire pour avoir une approche plus cohérente dans le cadre des actions de prévention ou de gestion de crise.
Marier civil et militaire
Pour certains experts qui souhaitent garder l’anonymat, aujourd’hui, «le centre d’opérations est une coquille vide», pour d’autres c’est une structure qui a besoin de temps «car l’Europe de la défense est encore jeune.»
«Le problème du centre d’opérations c’est qu’il ponctionne les ressources en homme de l’EMUE, note Christine Roger, Ambassadeur de France au Comité Politique et de Sécurité (COPS). Au final, c’est l’Etat-major qui ne peut plus tourner. Lors de la présidence française nous souhaitons discuter avec les Etats membres pour augmenter les capacités humaines et financières.» L’EMUE rassemble 150 hommes dont seulement une vingtaine travaillent pour la cellule.
Elle a aussi pour mission de planifier les opérations. «Planifer c’est trouver comment coordonner l’action de la cellule (et donc du Conseil) avec celle de la Commission», explique le général Manione.
Une fois que le Conseil des ministres de l’UE a adopté le concept de gestion de crise, le document politique décrivant les grandes options stratégiques pour répondre à une crise donnée, la cellule propose différentes options stratégiques : intervention civile, militaire, mixte ou de police. «Aujourd’hui tout cela ne fonctionne pas encore parfaitement, souligne le général Manione. Le texte qui établit ce que fait la cellule est peu clair. Par exemple, elle devait établir des scénarios de crises. Jusqu'à présent elle ne l’a pas encore réalisée.»
Des moyens d’opérations existent. Faut-il encore pouvoir les activer ? Cela suppose de convaincre les partenaires et nécessite un effort de coordination car, comme se lamente le général Manione, «jamais un plan n’a été préparé avec les militaires et le support de la Commission pour l’aspect civil. Or pour qu’une opération soit pleinement efficace, il faut que les deux travaillent ensemble.» Ceci est un des enjeux de la politique européenne de sécurité et de défense, une priorité de la future présidence française.
Stéphanie De Silguy
à Bruxelles
Partisan d’une Europe de la défense, Alain Lamassoure, se réjouit de l’évolution des relations diplomatiques de la France avec les Etats-Unis et de la signature du traité de Lisbonne. Député européen et secrétaire national de l’UMP pour les affaires européennes, il estime qu’une coopération renforcée, regroupant les pays prêts à avancer plus vite que leurs partenaires, pourrait créer un effet d’entraînement.
La présidence française de l’Union européenne sera-t-elle un temps fort pour la construction d’une Europe de la défense ?
Nicolas Sarkozy a compris qu’on ne pourra faire progresser l’Europe de la défense qu’en relation avec les Etats-Unis et non pas contre eux, comme ont eu tendance à le faire ses prédécesseurs. Mais pour avancer avec les Américains, il faudra attendre la prochaine élection présidentielle et la mise en place de la nouvelle administration, opérationnelle au premier semestre 2009.
Il y a aussi un problème de calendrier avec les Britanniques. Gordon Brown, tout comme Tony Blair avant lui, est très intéressé par le développement d’une Europe de la défense. Mais il devra attendre la ratification du nouveau traité par son pays et peut-être même les prochaines élections pour disposer de réelles initiatives dans ce domaine. Ces blocages avec ces deux acteurs majeurs expliquent pourquoi nous n’avancerons pas autant que nous pourrions le vouloir pendant la présidence française de l’UE sur les questions de défense.
Des progrès plus nets auront sans doute lieu quand on bénéficiera du nouveau cadre apporté par le traité de Lisbonne, notamment en ce qui concerne les coopérations renforcées sans exigence de nombre minimal de participants.
Donc, pour vous, l’avenir de l’Europe de la défense passera par ces coopérations renforcées ?
Certainement. Pour une Europe de la défense, il va falloir bâtir une relation de confiance entre la France et les Etats-Unis et, à l’intérieur de l’Union européenne, il faudra lancer une initiative à quelques pays avec au moins la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Sans les Britanniques, ça ne serait pas sérieux. Après, nous pourrons espérer un effet d’entraînement.
Ce n’est pas un secret : tous les pays de l’Union ne sont pas prêts à accepter la même chose en matière de défense. Certains sont attachés à leur neutralité, d’autres sont très atlantistes et il ne faut jamais perdre de vue que nous n’avancerons qu’avec Washington. Il faudra se partager les tâches entre l’Union européenne et l’Otan, c’est une question de bon sens. Nous le faisons déjà sur certains terrains d’action. Dans l’intérêt de tous, l’Union devra pouvoir assurer elle-même sa défense. Les Américains ont assez à faire partout dans le monde.
Afin de rassurer Américains, Britanniques et Allemands, et dans l’objectif de construire une Europe de la défense, pensez-vous que la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Otan soit indispensable ?
C’est une évidence. Je suis totalement d’accord avec la position de Nicolas Sarkozy : il faut négocier avec Washington et nos partenaires pour définir la nouvelle position de la France dans l’Alliance atlantique. En contrepartie, les Etats-Unis pourront accepter le développement d’une défense européenne qui travaillera en bonne intelligence avec l’Otan. Un véritable état-major européen pourrait ainsi exister, ce qui posait problème jusque-là.
Guillemette Jolain
avec Pierre-Louis Lensel à Strasbourg