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Des permanences contre les addictions
Une paupérisation observée sur le terrain par les professionnels de santé, qui notent également une hausse des dépendances à l’alcool et aux drogues illicites sur le territoire. « Chez nous, la majorité des patients viennent pour des problèmes d’alcoolisme. Est-ce parce que la communication est plus efficace et qu’ils sont de moins en moins dans le déni ? Est-ce parce qu’il y a plus de personnes dépendantes à l’alcool ? Je pense que les deux raisons sont recevables. Avec la création de deux nouveaux centres, nos capacités d’accueil ont aussi augmenté, ce qui joue sur nos statistiques », affirme Delphine Rémy, au centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie de Remiremont. Là, le nombre de patients suivis est passé de 306 en 2006 à 998 en 2011. Installées également à Saint-Dié et Épinal, ces structures associatives traitent des addictions de tout ordre en partenariat avec les hôpitaux. Des permanences de proximité sont proposées dans les centres communaux d’action sociale afin d’atteindre une population venant des zones rurales.
« Les catégories sociales que l’on retrouve souvent dans nos centres sont les ouvriers, les employés et les personnes sans emploi », ajoute Delphine Rémy. Si les hommes sont les plus touchés par la dépendance à l’alcool, une hausse chez les femmes est notable. Elles étaient 62 en 2006 et 227 en 2011.
Terre rurale, les Vosges n’en sont pas pour autant un désert médical. L’infrastructure hospitalière est même l’un des points forts du département : près de 30 hôpitaux et cliniques, soit deux 2 lits pour 1000 habitants, le même niveau que la moyenne nationale et 38 pharmacies pour 100 000 habitants contre 37 pour la France. Le docteur Jean-Jacques Maglia, médecin au centre hospitalier d’Épinal, confirme : « D’une manière générale, nous sommes assez bien lotis en équipements et en professionnels de santé. Toutefois, pour les personnes éloignées des zones urbaines, comme dans l’est des Vosges, l’accès est plus difficile. Les professionnels de santé sont aussi amenés à se déplacer chez les patients qui ont des problèmes de mobilité. »
La CMU couvre 9253 Vosgiens
Du côté des praticiens, l’offre est également non négligeable : 93 médecins généralistes pour 100 000 habitants, un chiffre correct mais inférieur à la moyenne nationale (102). Cependant, les spécialistes, concentrés autour d’Épinal, sont moins bien répartis sur le territoire. Contrairement aux généralistes qui offrent souvent des tarifs pris en charge par la sécurité sociale, les spécialistes pratiquent des dépassements d’honoraires, ce qui constitue un frein pour les personnes précaires. Une étude de l’UFC Que choisir démontre ainsi qu’aucun ophtalmologue vosgien ne propose les tarifs de la sécurité sociale. Les consultations chez le dentiste ou le gynécologue, par exemple, sont alors retardées, voire évitées pour des raisons financières. Chez ces spécialistes des hôpitaux publics, les listes d’attente s’allongent, confirmant le phénomène.
Autre indicateur de paupérisation, le nombre de bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) a augmenté. Ce dispositif, qui permet à toute personne qui réside en France de manière stable et régulière et qui ne peut s’ouvrir des droits à l’Assurance maladie à un autre titre, de couvrir ses frais médicaux, concerne 9253 Vosgiens en 2011. Chiffre en hausse depuis 2007, la part de bénéficiaires de la CMU est passée de 1,04% de la population à 2,17%, suivant la courbe observée au niveau national (2,17% en 2007 contre 3,33% en 2011).
Face à la pauvreté, les pouvoirs publics ont déployé plusieurs outils : le revenu minimum d’insertion devenu le revenu de solidarité active, la couverture maladie universelle font partie des mesures mises en place pour aider les populations les plus défavorisées. Le budget de la dépense d’aide sociale du conseil général des Vosges a augmenté de 27,45% en sept ans. C’est le département français qui a connu la plus forte augmentation. Les associations caritatives, nombreuses, font ce qu’elles peuvent tout en se désolant de voir la précarité gagner de nouvelles populations.
Pour tous, le plus difficile à combattre est sans conteste la détresse sociale. Car elle n’a pas de mesure et se vit parfois cachée. Si le lien avec la précarité n’est pas facile à établir, personne ne peut nier qu’elle est un facteur aggravant : augmentation des personnes dépendantes à l’alcool, aux drogues, hausse des enfants placés et des tentatives de suicides… la facture sociale devient lourde.
La facture sociale
« Il faudra répondre
à des problèmes sociaux extrêmement graves
avec de moins en moins de crédits publics »
Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental
En1981, le groupe Boussac est mis en liquidation judiciaire. Symbole du textile vosgien autrefois florissant, le groupe emploie encore 5000 salariés à cette époque. Mais entre la mort de son fondateur Marcel Boussac, et les rachats successifs, le tout sur fond de crise industrielle, le groupe était à l’agonie depuis plusieurs années. Trois ans auparavant, à l’Assemblée nationale, le groupe Boussac et l’économie vosgienne faisaient déjà l’objet d’une question au gouvernement. Le nouveau député de la première circonscription des Vosges, un certain Philippe Séguin, s’inquiétait de l’avenir de son département d’élection. « Un plan Vosges est en cours de préparation, lui répond André Giraud, ministre de l’industrie, iI s’agira d’abord de faciliter la modernisation des industries vosgiennes ».
Au delà du groupe Boussac, c’est déjà toute l’industrie vosgienne traditionnelle qui s’enfonce dans le déclin. Avec leurs grosses unités de production, les sociétés du secteur textile ou métallurgique, arc-boutés sur un modèle fordiste teinté de paternalisme, peinent à se moderniser et à diversifier leur production. Les 657 millions de francs (100 millions d’euros) du plan Vosges ne suffiront pas à sauver Boussac, et l’industrie textile continuera de s’enfoncer dans la crise. Elle perdra 10 000 emplois entre 1989 et 2005, date à laquelle la fin des quotas d’importation lui donnera un coup presque fatal.
La filière bois ne compense pas
D’autres entreprises (plasturgie, construction mécanique) prennent le relais, permettant au département de rester l’un des territoires les plus industrialisés de France. Avant d’être à leur tour balayées par la crise des années 2000 et des stratégies parfois risquées. « Certains des fabricants de plastique qui se sont installés travaillaient exclusivement avec l’industrie automobile. Ils étaient trop dépendants d’un seul donneur d’ordre. Et si ce donneur d’ordre s’en va, ce qui est arrivé, la situation devient impossible. C’est ce qui s’est passé avec la Cimest, ou TRW », explique Cyrille Thiery, de la CCI. La filière bois, elle, n’a pas tenu toutes ses promesses, mal défendue sans doute à l’échelle nationale (la balance commerciale française du secteur est déficitaire de plus de 6 milliards d’euros). Le département est pourtant l’un des plus boisés de France. Mais faute de cohérence nationale, la filière tarde à décoller.
François Chevré, Vincent Di Grande et David Métreau
Embauches et pertes d’emplois dans le département depuis 2008.
L’industrie vosgienne a connu au moins 55 plans de suppression d’emplois entre 2008 et aujourd’hui. En tout, 3309 salariés ont perdu leur travail. Nestlé-Waters, à Vittel, a détruit 600 postes. Novacare à Laval-sur-Vologne et Faurecia à Nompetalize ont respectivement réduit la voilure de 189 et 150 emplois. Les 1063 embauches, notamment par KDG Energy à Saint-Dié-des-Vosges (150) et Pavatex (100), ne suffisent pas à préserver les Vosges d’une hausse massive du chômage. Sur cette période, l’industrie a perdu 2157 postes.