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A l'issue du sommet européen du 9 décembre, les Etats de l'Union européenne ont annoncé un accord sur le refinancement du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 200 milliards d'euros. Un véritable pied-de-nez à la Banque centrale européenne, gardienne d'un traité qui interdit tout renflouement d'un Etat membre. Car le but de ce renflouement est ouvertement de venir en aide aux pays de l'Eurozone les plus menacés, à savoir l'Espagne et l'Italie. Le FMI endosserait ainsi le rôle de prêteur en dernier ressort.
Selon le FMI, 150 milliards seraient apportés par les pays de la zone euro, le reste par les autres pays de l'Union européenne. Ces nouvelles ressources proviendraient directement des banques centrales nationales.
La Bundesbank, banque centrale allemande, a fait savoir dès le 11 décembre que sa part s'élèverait à 45 milliards d'euros. Elle a cependant posé une condition : que les autres grands pays de l'UE mais aussi d'autres pays non européens, comme les Etats-Unis ou la Chine, contribuent au renflouement du fonds.
Pour ce qui est des autres pays de l'Union européenne, le Royaume-Uni a déjà averti de ne pas compter sur les 30 milliards qu'on attendait de lui. David Cameron serait néanmoins prêt, à l'occasion du prochain G20, à mettre 10 milliards sur la table, déjà autorisés par son Parlement. Le Premier ministre danois, Helle Thorning-Schmidt, a annoncé que son pays se tenait prêt à contribuer à hauteur de 5,4 milliards d'euros.
Le conduit du FMI
Les objectifs recherchés sont multiples : premièrement, utiliser le FMI comme un conduit pour canaliser les réserves de change venant des banques centrales nationales, avant de les réinjecter sur le dispositif européen d'intervention. L'opération permettrait de contourner les traités européens qui interdisent à la banque centrale européenne (BCE) et à ses membres de renflouer un Etat. Mario Draghi, président de la BCE, a manifesté son irritation devant cette manœuvre: ''N'oublions pas que la BCE n'est pas membre du FMI...plus généralement, le mécanisme par lequel l'argent est canalisé vers les pays européens ne doit pas masquer le fait que nous avons un taité qui dit: pas de financement monétaire des gouvernements". En exposant leurs réserves, les banques centrales nationales prennent de gros risques, que les marchés savent parfaitement anticiper. Car si cette opération n'a aucun effet comptable sur le budget des Etats, ce serait à eux en dernière instance et donc aux contribuables de recapitaliser les banques centrales en cas de défaut sur les prêts du FMI.
Deuxièmement, accroître les ressources appelables en cas de nécessité de secourir l'Espagne ou de l'Italie. Avec 290 milliards d'euros, le FMI ne dispose pas aujourd'hui des moyens de faire face aux côtés du FESF, pour les soustraire au marché. Or les deux pays auront besoin de lever au moins 600 milliards d'euros dans les deux ans à venir pour refinancer leur dette.
Senior creditor
Troisièmement, bénéficier de la crédibilité du FMI. Le Fonds ne prête d'argent qu'en imposant des mesures strictes de réduction des dépenses publiques. C'est une garantie pour les pays contributeurs. Il bénéficie également du statut de « senior creditor », c'est à dire qu'il est le premier des prêteurs à être remboursé. Agir à travers lui, c'est minimiser les risques par rapport aux autres bailleurs.
Quatrièmement, s'appuyer sur cette crédibilité pour susciter un effet d'entraînement. L'objectif est d' inciter les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et d'autres puissances à emprunter ce canal, pour venir soutenir les moyens du FESF. La méthode choisie répond à la demande de garantie qu'ils avaiant réclamé lors d'une précédente tentative d'augmenter grâce à leur aide la force de frappe du FESF. Le Brésil, la Chine, la Russie et l'Inde ont annoncé leur participation sans en préciser les modalités.
Les Etats-Unis et le Canada ont, quant à eux, d'ores et déjà fait connaître qu'ils ne participeraient pas à cette opération, estimant que les européens sont assez riches pour résoudre la crise seuls. Le Japon, lui, a déclaré qu'il ne s'y joindrait pas tant que les européens ne présenteraient pas un plan plus convaincant..
Brice Lambert et Jessica Trochet
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Dès juillet 2012, les Etats en détresse financière pourront être aidés par le mécanisme européen de stabilité (MES). Il s’apparentera à un fonds monétaire européen relevant du droit international, là ou son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) était une société anonyme de droit luxembourgeois. Lors du Conseil européen des 8 et 9 décembre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé d’avancer l’entrée en vigueur du MES d’un an par rapport à la date initialement prévue.
Il cohabitera donc avec le FESF jusqu’en juillet 2013, date à laquelle ce dernier disparaîtra. Pendant cette phase transitoire, les deux organisations auront une capacité commune de prêts plafonnée à 500 milliards d'euros. Un montant dont la renégociation est prévue pour mars prochain, mais Angela Merkel, la chancelière allemande, a d’ores et déjà fait savoir qu’elle s’opposera à toute augmentation du plafond.
Procédure simplifiée
A la différence du FESF, qui ne bénéficie que de garanties publiques sur ses émissions, le MES sera doté à terme d'un capital de 80 milliards d'euros, apportés par les Etats. La France y contribuera, par exemple, à hauteur de 16 milliards d’euros (soit 20% du capital). La montée en charge sera progressive, mais l’effort pèsera donc sur les finances publiques des Etats. Les débats parlementaires promettent d’être animés dans plusieurs pays lors de la ratification du traité.
Sur le fond, des changements importants au projet de traité approuvé en juillet 2011 ont été décidés lors du sommet de Bruxelles des 8 et 9 décembre.
Le mode de décision du MES a été modifié. Le but : réagir d’urgence sans être entravé par le poids de l’unanimité. L’intervention du MES pourra être déclenchée par un vote positif ayant réuni 85% des voix du conseil des gouverneurs. Chaque Etat membre du MES disposant d’un nombre de voix correspondant au capital qu’il apporte, la France et l’Allemagne auront donc un droit de véto (respectivement 20% et 27% du capital).
«La BCE apportera un soutien technique et logistique»
Le principe d'une participation systématique des créanciers privés au coût d'une éventuelle restructuration de dette publique qui, à l'insistance de la chancelière allemande, figurait dans la première mouture du traité, a finalement était abandonné par les chefs d’Etat et de gouvernements, au grand soulagement de la BCE. Le MES, précisera son préambule, s'alignera en la matière sur les usages du Fonds monétaire international (FMI). Les dirigeants européens ont ainsi voulu envoyer un signal fort aux investisseurs privés, douchés par l'expérience grecque: ils ont du accepter le principe d'une décote de 50% des titres de dette publique grecque en leur possession dont les modalités sont en cours de négociation (l). Le cas grec, c'est promis, est une exception qui se reproduira pas . Toutefois,la décision d’assortir des «clauses d'action collective» tous les bons du trésor émis par les Etats de la zone euro n’a pas été abandonnée. De telles dispositions visent à définir contractuellement, au cas par cas, les conditions de participation du secteur privé en cas de défaillance d’un Etat.
Cerise sur la gâteau: la Banque centrale européenne (BCE), pour donner des gages de confiance aux investisseurs, a accepté d'être « l’agent des opérations de marché du MES», et de le devenir dès maintenant pour le FESF. Cette formule signifie, selon un diplomate, que la BCE « apporter un soutien technique et logistique au MES. La BCE pilotera les opérations de levée de fonds. Elle mettra sa salle de marché et ses spécialistes à disposition du MES mais les deux organisations conserveront des mandats bien distincts ». De fait, la plaquette du FESF diffusée le 13 décembre annonce que la BCE interviendra en son nom sur les marchés primaires et secondaires de la dette publique.
Néanmois, la proposition d’ Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, n’a pas été retenue. Il souhaitait voir octroyer une licence bancaire au MES. Ce statut lui aurait permis d’accéder au réservoir de liquidités de la BCE pour racheter massivement de la dette publique. Il aurait alors bénéficier de ce qu’on appelle l’effet bazooka, c’est-à-dire une capacité d'intervention illimitée sur les marchés.
Valentine Joubin et Arthur de Laborde-Noguez
La régulation financière est, depuis la crise de 2007, l'enjeu d'une guerre où les adversaires ne combattent pas à armes égales. Le but du jeu, mettre les décideurs politiques de son côté : la Commission, le Parlement, le Conseil. D'un côté, les lobbies de l'industrie financière qui veulent minimiser le poids des nouvelles règles. De l'autre, les partisans d'une régulation stricte : certaines forces politiques, certaines ONG. Intéressons-nous à CRD IV, le règlement qui transpose dans le droit européen les règles de Bale III. Il définit en particulier les nouveaux ratios prudentiels que devront oberver les établissements financiers: fonds propres, liquidités, effet de levier. Le texte de 582 pages a été adopté par la Commission le 20 juillet dernier, et devrait être soumis au vote du Parlement en juin 2012. La bataille, c'est maintenant.
Premier round : Le Conseil
Le Conseil, qui représente les gouvernements, est sous influence. « Depuis une quinzaine d'années, les dirigeants des grandes banques européennes ont l'oreille des gouvernements, parce que les Etats sont endettés auprès des banquiers. Michel Pébereau, ancien directeur de BNP Paribas, est le conseiller en chef de Xavier Musca, (secrétaire général de l'Elysée et ancien directeur du Trésor) et de Nicolas Sarkozy en ce qui concerne les questions financières. C'est la même chose pour Joseph Ackermann, directeur de la Deutsche Bank, auprès de la chancelière allemande Angela Merkel. Ces gens donnent forme à la pensée des politiciens, qui ne sont pas des économistes », avance Philippe Lamberts, député européen belge des Verts et rapporteur fantôme pour CRD IV. Cette influence, jusque là officieuse, s'est révélé au grand jour lors du Conseil européen du 21 juillet où des banquiers siégeaient au milieu des chefs d'Etat et de gouvernement.
Second round : La Commission.
En matière de régulation financière, la Commission a l'initiative de la législation. Pour cela elle utilise des comités d'experts qu'elle nomme. « En novembre, 85% des experts non gouvernementaux provenaient de l'industrie financière. Depuis 1999 et le marché unique, l'industrie financière met elle-même en place le cadre de sa propre régulation, c'est le phénomène de capture du régulateur », affirme Yiorgos Vassilios de Corporate Europe, une association qui s'est assigné la mission de traquer l'influence des lobbies et de rendre visible leur pouvoir. Des voix commencent à s'élever contre cette mainmise de l'industrie financière sur les comités d'experts : le Parlement a voté, le mois dernier, le gel des subventions de ces groupes à hauteur de 20% de leurs budgets. Ils exigent que la sélection des experts soit plus transparente.
Pour CRD IV, ce groupe nommé GEBI (Groupe d'experts sur les questions bancaires) est composé de 39 personnalités issues de l'industrie bancaire sur les 51 qu'il comporte. Dissous en octobre, le groupe va être recomposé. « Une femme de l'ONG Somo, représentant la société civile, ne figurera plus dans cette liste d'experts, car elle a ouvertement critiqué la composition du groupe dans les médias », affirme Yiorgos Vassalos.
Florence Rançon, chargée de communication de la Fédération européenne des banques (FEB), un des plus gros lobbies financiers, l'admet : « Nous essayons de faire nommer des experts de chez nous. Certains comités ont un pouvoir quasi législatif, car les sujets abordés sont tellement techniques que les membres de la Commission n'y comprennent rien eux-même. Pour 450 millions de citoyens, la Commission ne dispose que de 12000 fonctionnaires, une administration de la taille de celle de la ville de Francfort. Ce n'est pas étonnant qu'ils aient besoin de nous ». Avec l'aide de ces comités d'experts, la Commission publie une première ébauche de proposition, et laisse un temps de consultation pour tous les acteurs concernés : industries, syndicats, consommateurs... Puis publie une proposition remaniée. Depuis le 20 juillet, CRD IV est dans les tuyaux législatifs du Conseil et du Parlement.
Clothilde Hazard