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En cause dans la crise des subprimes, les agences de notation sont la cible des régulateurs. Si elles sont surtout connues du grand public pour les notes qu'elles donnent aux Etats, leur principale activité reste de noter des entreprises et des produits financiers. Les investisseurs s'appuient sur ces notations, faisant des agences un acteur majeur du marché financier.
Au 31 octobre 2011, 28 agences de notation ont été agréées par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) afin de pouvoir exercer leur activité au sein de l'Union européenne. Cette institution est en charge de leur contrôle et dispose d'un pouvoir de sanction. Elle peut les suspendre voire leur interdire de poursuivre leur activité, réaliser des contrôles sur place, ou décider de sanctions pécuniaires à l'encontre de celles qui ne respecteraient pas le règlement.
Dès 2009, l'Union européenne a adopté deux lois visant à encadrer les agences. Elles cherchent d'abord à lutter contre les conflits d'intérêts. La nouvelle législation exige par exemple une stricte séparation entre les activités de notation et les négociations commerciales, et interdit aux analystes d’être rémunérés en fonction du chiffre d’affaires de leur agence.
Les agences sont aussi soumises à des règles de transparence qui prévoient notamment la publication de leurs méthodes, procédures, et notations. Elles sont tenues d'informer tout investisseur noté sans qu'il en ait fait la demande.
Le règlement européen introduit davantage de contrôle interne dans leur administration, en les obligeant par exemple à compter un tiers d’administrateurs indépendants au sein de leur conseil d’administration.
Les agences de notations sont l'objet de quatre principales critiques :
Clothilde Hazard et Marion Garreau
Bienvenue dans un univers étrange, aux codes complexes, au langage exotique. Ici, les agents financiers masquent leur visage afin d'échapper aux règles du jeu des marchés. Ils utilisent des techniques informatiques ultra-performantes pour acheter et vendre des actions à une vitesse intersidérale. Le nombril de ce monde, la City de Londres, essaye de contourner la police de Bruxelles. Face à certaines dérives, des économistes plaident pour de nouvelles règles.
Les agences de notation sont-elles nécessaires aux marchés financiers ?
Elles sont devenues indispensables sur les marchés de capitaux. Elles guident les investisseurs pour lever de l'argent sur les marchés financiers. En notant les produits, elles leur indiquent quels sont les plus intéressants pour eux. Certes des gestionnaires d'actifs développent leurs propres expertises, alternatives à celles des agences. Mais elles se limitent à certains Etats et entreprises, contrairement aux agences de notation qui évaluent tous les acteurs. Comme le guide Michelin, elles donnent une idée du prix et de la qualité avec une opinion, qui n'est pas infaillible.
Leurs notes ne prennent-elle pas une importance exagérée ?
C'est ce que les régulateurs bancaires disent. Ils critiquent les agences de notation et veulent limiter leur impact. Mais c'est d’une hypocrisie fondamentale ! Qui a conféré un tel pouvoir aux agences de notation ? Rappelons que lorsque les autorités ont voulu encadrer les banques, elles ont intégré les notes des agences dans leurs critères de régulation. Je pense qu’il faudrait supprimer toutes les références aux agences de notation dans les outils de régulation.
Récemment, Michel Barnier (commissaire européen aux marchés interieurs et aux services) a voulu interdire aux agences de notation de noter les pays qui bénéficiaient d'un plan d'aide financière. Interdire à une agence de noter un pays, c’est interdire une opinion. C’est donc un danger pour la liberté d’expression.
Les erreurs du passé ne justifient-t-elles pas la méfiance ?
C'est vrai que sur la crise des subprimes, agences de notation et banquiers ont commis des erreurs. Les mathématiques et les modélisations excessives de produits ont conduit à une illusion scientifique. Les établissements financiers ont crée des produits compliqués, hors sol, en pensant qu'ils seraient robustes. Tout cela reposait sur une hypothèse macroéconomique fondamentale, partagée par les agences de notation : le marché immobilier américain ne pouvait pas s’effondrer. Ce qui s'est pourtant réalisé. Aujourd’hui ces produits structurés ne sont plus aussi bien notés. C’est comme lorsque General Motors retire des voitures de la vente : les agences de notation le font avec les produits structurés.
Le système de l'émetteur-payeur crée des conflits d'intérêt. Comment faire autrement ?
Les régulateurs ont l’illusion qu’ils peuvent supprimer la perception de conflit d’intérêt. Ce n’est pas possible. Le conflit d’intérêt est inhérent au fait qu’il y ait des acheteurs et des vendeurs. Les agences de notation sont des intermédiaires. Par exemple si on prend un des plus gros client de Moody’s qui détient des titres de la dette française. Si Moody's abaisse la note de la dette, c'est ce client qui perd une fortune. La question pour les agences de notation n’est donc pas de supprimer les conflits d’intérêt mais de les gérer. Déjà, les services commerciaux qui s'occupent des transactions avec les clients, et ceux qui analysent le crédit sont séparés. Cela évite aux analystes d'avoir une idée du prix de leur notation. Tout doit être clair.
Propos recueillis à Paris par Clothilde Hazard et Marion Garreau
Des dettes colossales et des déficits abyssaux : malgré les critères inscrits dans le marbre du traité de Maastricht, les gouvernements successifs de l'Union européenne ont laissé leurs finances publiques se dégrader avant même le choc de la crise. Ils se sont donc résolus à l'adoption d' un Pacte de stabilité et de croissance renforcé, avec des critères plus stricts et des sanctions plus automatiques. La surveillance mutuelle est élargie aux déséquilibres économiques entre les membres de l'eurozone, lisibles sur Target 2, le système de paiement transfrontalier des banques centrales de l'Eurosystème. José Barroso a renforcé la position d'Olli Rehn, nouveau ministre des finances informel des 17. De leur côté, les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro s'engagent à appliquer une règle d'or commune, qui pourrait être inscrite dans les constitutions nationales.
La crise des subprimes de 2008 a mis à jour l’existence d’un gigantesque système bancaire parallèle. Comment expliquez-vous son émergence ?
Il faut revenir à la fin des années 1980. Le comité de Bâle (qui regroupe les banquiers centraux et les autorités de réglementation et de surveillance bancaire des principaux pays industrialisés) a demandé aux établissements bancaires de constituer une réserve de fonds propres proportionnelle à l’ensemble des crédits octroyés à leurs clients. Pour contourner ces règles, les banques se sont détournées de l’épargne traditionnelle, celle des ménages, et se sont tournées vers les marchés pour trouver de l’argent. Elles ont « titrisé » toutes sortes de crédits, c’est-à-dire qu'elles les ont découpés en plusieurs tranches et les ont compilés dans différents produits structurés pour répartir les risques. Au cours de leur transformation, ces titres sortent du bilan des banques et passent par des canaux, des structures créées de toutes pièces qui ne sont juridiquement pas des banques et ne sont donc pas soumises aux mêmes contraintes. Le système bancaire parallèle au sens large regroupe tous ces instruments, structures, intervenants, marchés… qui font le métier de banquier - fabriquer des crédits à long terme à partir de ressources à court terme, sans avoir le statut et donc sans avoir à respecter les normes auxquelles sont soumis les établissements bancaires traditionnels.
A partir de 1995, il y a plus d'argent qui circule par le système bancaire parallèle que par les banques traditionnelles aux Etats-Unis. Comment expliquer le laisser-faire des autorités ?
On s’est imaginé que ces acteurs participeraient à la stabilité du système bancaire et financier en permettant un meilleur partage du risque. Mais cela a incité les banques à prendre plus de risques. Alors que le risque disséminé entre tous s'est finalement révélé bien moins contrôlé. Nous sommes passés d’un système où les banques assument le risque à un système où les acheteurs de ces titres assument le risque. Il faut réintégrer la prise de risque dans le bilan des banques. Et limiter la quantité de crédits qu’elles gèrent en fonction de leurs ressources.