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En Jordanie, l’histoire est partout. « Chaque période de l’humanité a laissé sa trace, depuis la préhistoire », s’enorgueillit le Département des Antiquités (DoA), qui accorde chaque permis de fouilles dans le pays.
Dans le nuage de fumée ambiant, les humoristes défilent les uns devant les autres. Ça ne vole pas bien haut. « Avant, j’avais des abdos. Maintenant, j’ai une bouée à la place, c’est plus pratique » ; des histoires de chiens hystériques ; gros succès pour l’autodérision de Mohammed, non-voyant : « La seule chose que j’aime c’est l’amour car il rend aveugle. » On rit fort pour soutenir les copains et oublier les chaises vides. Mais pas un mot sur Gaza. « Les gens viennent ici pour déconnecter pendant une heure et ne rien faire d’autre que rire. On ne veut pas parler uniquement de la Palestine, on n'est pas là pour être des activistes politiques », justifie le patron des lieux. Loin donc de Bassem Youssef et de l’humour qui dénonce.
Dans l’ouest de la capitale, en bordure de rocade, le gérant du supermarché Abu Odeh a lui aussi senti les conséquences du boycott. Dans les rayons, les produits stars occidentaux sont devenus des fardeaux car indésirables. « La vente de Pepsi a chuté de 90 % depuis le 7 Octobre », assure Muhammad Behzad, gérant du magasin. Les consommateurs se sont emparés de nouveaux outils numériques pour se repérer dans la jungle marketing. Échange entre amis sur des boucles Whatsapp, sites internet qui répertorient les enseignes à boycotter, applications permettant de tout savoir de l’engagement d’une marque en scannant le code-barre : la société jordanienne s’est organisée. « Le mouvement a conduit à une meilleure sensibilisation des consommateurs. Ils se sont rendu compte que beaucoup de produits jordaniens existaient déjà. Cela les a aussi conduit à davantage se préoccuper de l’origine des produits », analyse l’économiste Hussam Ayech.
Icône sportive dans le monde arabe, la taekwondoïste participera aux Jeux de Paris 2024. Actuellement numéro deux mondiale dans la catégorie des moins de 67 kg, elle est une des principales rivales de la Française Magda Wiet-Hénin.
Chez les humoristes locaux, le retour de la guerre a clairsemé l’auditoire. Trois jours après la salle comble de Mo Amer, la soirée « seuls en scène » prévue par l’unique Comedy Club de Jordanie a pris des allures de « seuls en salle ». Avec une quinzaine de comédiens dans la petite pièce d’un café théâtre. Et deux, trois spectateurs habitués tout au plus. Depuis 2019, le club organise des ateliers et des scènes ouvertes pour « former le futur de l’humour » et « faire oublier le cliché des sourcils froncés des Jordaniens qui ne rient pas », dixit Yazan Ab Al Rous, cofondateur du Amman Comedy Club. Et la formule est un succès selon lui : « Une véritable cohésion s’est créée entre les stand-uppers. » Un peu moins avec le public ce soir-là.
Un boom du made in Jordan
Des appels incitant les entreprises jordaniennes à recruter les salariés des enseignes interdites ont aussi été lancés. Mais tout le monde n’a pas l’opportunité de changer d’employeur. Certains salariés sont face à un conflit intérieur, entre gagner leur vie et défendre leurs convictions. « C’est compliqué de travailler ici mais je ne peux pas démissionner, témoigne un manager d’une enseigne française boycottée qui souhaite préserver son anonymat. C’est une sensation très inconfortable, les gens parlent dans mon dos. Dans mon magasin, on a réduit le nombre d’employés. J’aimerais bien partir, mais en Jordanie, c’est très difficile de trouver un job. »
Parmi les sept archéologues franco-belges en mission de fouilles autour du temple Qasr al-Bint de Pétra, construit par les Nabatéens au Ier siècle, on préfère ne pas s’épancher sur l’épisode. « À quoi bon ? se lamente Thibaud Fournet, rattaché au CNRS. Le PAP ne comprend pas ce qui vient de disparaître. Pour eux, seul compte le nombre de visiteurs et ce qu’ils rapportent. L’antiquité est leur planche à billets mais nos fouilles les ennuient : c’est de la terre remuée et des sites excavés à entretenir en plus. »
Assis sur un tronçon de colonne antique sorti de terre la veille, il pointe du doigt le temple qui couvre de son ombre les « sondages » – les trous de fouilles. « Ça fait cinq ans qu’on prévient le PAP que le mur est en train de s’effondrer. » Comme si elle l’entendait, une corniche le nargue, penchée dans le vide. En Jordanie, l’histoire est partout. « Chaque période de l’humanité a laissé sa trace, depuis la préhistoire », s’enorgueillit le Département des Antiquités (DoA), qui accorde chaque permis de fouilles dans le pays.
Devant la Grande mosquée Husseini au centre d’Amman, des centaines de croyants prient. Sur le béton, à côté de leurs genoux, des pancartes « Rafah : arrêtez la guerre ». À la fin de l’office du vendredi 17 mai, l’imam adresse une prière pour les morts de Gaza. Le camion avec la tribune est prêt, les enceintes sont déjà en place. À peine la prière terminée, la manifestation s’élance : « Dieu est grand ; Remercions Dieu pour le Hamas ; Remercions-le qu’il se batte contre Israël. » Dans le cortège, les signes de la branche palestinienne des Frères musulmans sont visibles partout aux côtés du drapeau palestinien : bandeaux verts, drapeaux du Hamas, casquettes avec l’inscription « Déluge d’Al-Aqsa », le nom de l’attaque du 7 octobre 2023.
Les orateurs se relaient, tous proches du Front d’action islamique (FAI), parti jordanien des Frères musulmans. Sur fond de références religieuses, ils affirment aussi leur soutien aux chefs du Hamas. Ils demandent l’annulation du traité de paix israélo-jordanien de 1994 qui établit des relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays. Les manifestants sont plus frileux pour critiquer le pouvoir jordanien. Tous les slogans sont soit dirigés contre les États-Unis et Israël, soit louent le Hamas. Le mouvement palestinien a eu pendant des années son siège en Jordanie. Son dirigeant y a été la cible d’une tentative d’assassinat israélienne en 1997. En 1999 son bureau d’Amman est fermé par le pouvoir et ses dirigeants sont exclus du pays.
Les restaurants se vident. Alors les cuisines aussi. Début 2024, Starbucks a annoncé la suppression de 2 000 emplois dans tout le Moyen Orient. Dans le centre-ville d’Amman, une enseigne a définitivement fermé. Une conséquence risquée pour un pays qui compte plus de 20 % de chômeurs. Les Jordanien.nes ne se tireraient-ils pas une balle dans le pied ? Pourtant, la résurgence du mouvement « n’a pas conduit à une augmentation du taux de chômage, observe Hussam Ayesh, économiste. Il a baissé de 0,9 % au quatrième trimestre par rapport au troisième trimestre de 2023. » Des appels incitant les entreprises jordaniennes à recruter les salariés des enseignes interdites ont aussi été lancés. Mais tout le monde n’a pas l’opportunité de changer d’employeur. Certains salariés sont face à un conflit intérieur, entre gagner leur vie et défendre leurs convictions. « C’est compliqué de travailler ici mais je ne peux pas démissionner, témoigne un manager d’une enseigne française boycottée qui souhaite préserver son anonymat. C’est une sensation très inconfortable, les gens parlent dans mon dos. Dans mon magasin, on a réduit le nombre d’employés. J’aimerais bien partir, mais en Jordanie, c’est très difficile de trouver un job. »