Vous êtes ici

Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.

Part de voitures ré-exportées par la Géorgie après leur importation des États-Unis. © Christina Genet

[ Plein écran ]

Devenue psychologue, Tsira a refait sa vie aux États-Unis. Elle entretient la culture de son pays natal en parlant géorgien avec son conjoint, expatrié lui aussi, et en cuisinant des plats typiques géorgiens. © Tsira Svanadze

Pas moins de neuf grues s'affairent autour du stade pour construire de nouveaux bâtiments. © Julien Rossignol

Des complexes hôteliers comme l'Alliance Palace et le Marriott se sont implantés à Batoumi. © Julien Rossignol

En 2020, Batoumi inaugurait l’Adjarabet Arena, symbole du virage moderniste pris par la ville pour rendre le quartier attractif en Géorgie et au-delà.

Dans un petit salon de coiffure sommaire, brosses et ciseaux s’entassent pêle-mêle. Un rideau soigneusement fermé cache le reste de la pièce, comme si un client pouvait arriver à tout moment. « Mon fils Jimi coupait les cheveux aux gens d’Argokhi et des villages alentours », explique Anna Korbesashvili.

Aujourd’hui c’est ici que la septuagénaire reçoit de la visite – des photos de son fils toujours à portée de main. On la sent très affectée par son départ vers la capitale, il y a trois ans.

Jimi Korbesashvili fait partie de la centaine de personnes parties d’Argokhi depuis 2002. Son départ est l’illustration de l’exode rural qui touche la Géorgie. Si la population de Tbilissi augmente de façon constante depuis 2005, celle des régions rurales diminue. Toutefois, elle représente encore 40 % de la population totale.

Absence de perspectives

Devant la maison, un chien se met à aboyer. Otari Korbesashvili, le mari d’Anna, rentre en chantant dans le jardin. Pour lui, l’explication est toute trouvée : « Les jeunes Géorgiens ne veulent pas travailler. La terre d’ici nous offre de multiples possibilités pour l’élevage ou la vigne, mais personne n’en profite, regrette-t-il. Les jeunes préfèrent aller dans les grandes villes et travailler dans les bureaux. »

En dehors de l’école maternelle et primaire et du seul commerce d’Argokhi, les personnes qui n’ont pas d’exploitation agricole ou de terres ont pourtant peu d’opportunités d’emploi. « Il n’y a pas d’espoir pour les jeunes ici », lâche Dodika Vanishvili.

Le trentenaire est assis à l’abri de la pluie sur la place centrale avec son père et un ami. « Birsha », c’est le mot d’origine russe utilisé en Géorgie pour désigner les hommes comme eux, traînant dehors sans rien faire. « Les jeunes qui restent vont bientôt s’asseoir ici avec nous », prédit-il.

120 km - Fin de saison à la station de ski de Gudauri 

À quelques 2 000 mètres d’altitude, la route passe en plein milieu d’une station de ski avant d’atteindre son point culminant au Col de la Croix, où les touristes se bousculent en hiver. Les sommets enneigés du Caucase, dont certains culminent à 5 000 mètres, servent de toile de fond aux installations touristiques qui sortent de terre à un rythme effréné.

Appartements à vendre, hôtels et spas fleurissent le long d’une chaussée défoncée et jonchée de déchets. Des loueurs de quads prennent leur aise sur des parcelles d’herbes. Alors qu’à Tbilissi, les caractères russes sont de moins en moins tolérés, ici, des dizaines d’affiches sont rédigées dans les deux langues. 

Chaque nouveau propriétaire de véhicule doit passer en personne dans le centre administratif de Roustavi pour récupérer sa plaque d’immatriculation. © Corentin Chabot-Agnesina

[ Plein écran ]

Des étudiants de Tbilissi âgés de 18 à 30 ans assistent chaque semaine au cours d'éducation aux médias dans les locaux de la Media Development Foundation (MDF).  © Matei Danes

« ll y avait une réelle volonté de l'État de promouvoir ce commerce, analyse Yaroslava Babych, l’objectif était de se rapprocher des frontières de l’Arménie et de l'Azerbaïdjan. » Au-delà de sa situation géographique stratégique, le marché automobile géorgien séduit par la facilité à acquérir un véhicule. « En seulement un ou deux jours, il est possible d’acheter une voiture, d’obtenir les papiers, de l’immatriculer et de rentrer dans son pays avec », indique l’homme d’affaires. Il en importe environ 7 000 par mois.

De plus en plus de Russes à Roustavi

Aujourd’hui, Caucasus Auto Import achète exclusivement des véhicules américains, car le marché de l’occasion dispose de nombreux atouts : « On peut y trouver rapidement des bagnoles accidentées, et leur historique est accessible », confirme Kaxa Lomidze. Surtout, le marché américain est le moins cher. Le Japon a auparavant été un important partenaire. Mais en janvier 2017, une loi géorgienne change la donne pour le commercial : « Les voitures dont le volant est à droite deviennent trois fois plus taxées que les autres. » 

Les grands constructeurs automobiles s’étant retirés de Russie avec la guerre en Ukraine, de plus en plus de citoyens russes se tournent vers Roustavi. « J’ai le numéro 120 et ils en sont à peine au numéro 20. Ça fait déjà une heure que j’attends. » Adam, 27 ans, patiente pour récupérer sa confirmation d’achat. Ce Moscovite est venu pour acheter une berline allemande à un revendeur géorgien, pour 15 000 dollars (14 550 euros), « en comptant les frais de transport », raconte le mécanicien. Il rentrera en Russie au volant de son nouveau bolide, dans la soirée. 

Si Kaxa Lomidze affirme que le conflit n’a pas eu d’impact sur ses ventes de voitures, le onzième paquet de sanctions prévu par la Commission européenne contre la Russie ne devrait pas le desservir : une interdiction totale d’y exporter des automobiles est envisagée, ce qui pourrait inciter davantage de citoyens russes à se rendre, eux aussi, à Roustavi, pour contourner ces sanctions, et aller chercher eux-mêmes leur nouveau véhicule.

Corentin Chabot-Agnesina
Christina Genet

Pages