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Les comptages de l’Eurométropole ont révélé qu’il était emprunté par environ 1400 véhicules et 17 vélos par jour en semaine avant sa fermeture. Des chiffres peu représentatifs, pour l’un comme pour l’autre moyen de transport, car ils ont été réalisés en plein hiver de pandémie, lorsque de nombreux habitants étaient en télétravail et les cycles au garage. « Franchement, c’est bidon, tout ça pour 17 vélos par jour… » déplore néanmoins un entrepreneur du quartier.

Une circulation qui va s’intensifier

Le micro circule, et chacun y va de son commentaire. « Et la pollution que ça engendre les bouchons, vous y avez pensé ? » « Ça va devenir un dépôt d'ordures et un squat de gens pas très conseillés ! » « Les secours, pour venir sauver une vieille dame d’un arrêt cardiaque, ils mettront aussi un quart d’heure de plus ? » 

D'autant que la circulation dans le secteur va s’intensifier : en plus de l’arrivée du tramway en 2026, les quartiers sont en plein développement de part et d’autres du tunnel. Une nouvelle zone d’habitation voit le jour côté Schilick, le quartier Fischer, et la zone d’activité autour du Marché Gare côté Cronenbourg est toujours plus fréquentée. « Ça rime à quoi de mettre une piste cyclable en face du Ikea, vous croyez qu’on peut foutre un canapé sur un porte-bagage ? » s'agace l’entrepreneur.

Lire aussi : Tunnel de Rungis : des opposants à la fermeture ont manifesté devant la mairie

Le ton monte encore d’un cran au premier rang lorsque les solutions envisagées par l’Eurométropole sont présentées. Rouvrir le tunnel aux voitures n’en fait pas partie : elle propose d’améliorer les aménagements autour du passage des Deux-Ponts pour fluidifier le trafic, toutes mobilités confondues. Mais les délais de commande ne permettent pas de les installer immédiatement : « Vous pouvez fermer le tunnel tout de suite mais va vous falloir trois mois pour nous mettre un feu rouge ? » Impossible pour Danielle Dambach de terminer ses phrases sans être interrompue par des représentants de l’association du quartier du Nouvel Abattoir de Cronenbourg (AHQNAC). 

C’est à Béatrice Bulou, vice-présidente de l’EMS chargée de la voirie et l’aménagement de l'espace public, que la maire confie le mot de la fin. Un rappel des solutions proposées qui seront mises en place prochainement : « C’était juste une présentation de votre projet, pas une consultation démocratique », constatent plusieurs riverains. Lorsqu’elle évoque la nouvelle ligne de bus envisagée pour désenclaver l’est du tunnel, présentée par le président de la CTS (également adjoint au maire), Béatrice Boulu est instantanément huée par le premier rang. « Bon, visiblement ils n’en veulent pas de cette ligne, donc ce n’est pas la peine de vous fatiguer à la CTS. Merci beaucoup et bonne soirée à tous. » C’est dans ce dialogue de sourds que la salle se vide, avant que les esprits ne s’échauffent à l’extérieur.

Camille Lowagie

« De toute façon, les décisions sont déjà prises donc on n'a rien à dire » : le cri traverse la salle paroissiale de Schiltigheim, sous les applaudissements de l’assemblée. Plus de 150 personnes sont présentes à la réunion publique organisée par la municipalité, à 18 heures ce mardi. Pour la maire, Danielle Dambach, soutenue par l’Eurométropole, il s’agit de poser le bilan de l’expérimentation de fermeture aux véhicules du tunnel de Rungis, qui relie Cronenbourg et Schiltigheim. Dans une salle comble, riverains, usagers, associations et travailleurs se dressent face aux élus, témoignant de l’impact sur leur quotidien. Les débats sont vifs, les opposants massés à l’avant et les adhérents à l’arrière, le tout dans une ambiance de foire aux mécontentements.

« Vous avez interdit la circulation des voitures sans rien demander à personne, vous trouvez ça normal ? lance un habitant du quartier à la maire.  Votre décision était brutale, fallait s’attendre à ce que la réponse soit brutale ! » Danielle Dambach reconnaît l’avoir décidé le 13 décembre sans consultation citoyenne, afin d’assurer « la sécurité de tous ». Quelques mois plus tôt, un accident - pour la mairie, une altercation selon un opposant -, impliquant un conseiller municipal et un chauffard avait précipité sa fermeture aux voitures.

Ouvert depuis 1852 sous les voies ferrées, le tunnel « n’est pas tout à fait conforme » aux normes de sécurité actuelles. Il y fait noir, le passage est si étroit qu’une voiture n’y croise pas un vélo (avec une moyenne de 4,20 mètres de large) et débouche sur un virage. Dans ce boyau que tous reconnaissent très dangereux, piétons, cyclistes et automobilistes devaient coexister.

Trouver une solution immédiate

Élargir le tunnel n’est pas une solution envisagée par la mairie, puisqu’il faudrait des années pour que la SNCF réalise les travaux (si toutefois elle l’accepte), et les riverains ont besoin d’une solution rapide. Les associations cyclistes le défendent : il faut dédier le tunnel aux mobilités douces, pour apaiser la circulation des piétons, des familles en poussettes, des personnes à mobilité réduite et, bien sûr, des vélos. Un cycliste qui emprunte le tunnel quotidiennement atteste que ces usagers « craignent pour leur vie dès qu’ils entendent une voiture s’engouffrer dedans ». Applaudissements au fond de la salle.

Pour les automobilistes, qui doivent maintenant emprunter l’unique autre point de passage entre ces deux quartiers, le tunnel des Deux-Ponts, c’est une autre histoire : « Un enfer, on met jusqu’à vingt minutes de plus pour faire le même trajet », dénonce une riveraine, dont le parcours est allongé de 800 mètres. Ce constat est implacable, même pour l’Eurométropole : le trafic est congestionné aux heures de pointe. Le petit tunnel de Rungis est un raccourci à travers la zone résidentielle pour éviter ce nœud routier.

Dans le centre commercial de Kehl, les affiches se sont accumulées au rythme des mesures sanitaires sur la porte d'un glacier, désert.  © Yasmine Guénard-Monin

La proposition aurait pu passer inaperçue. Mardi, la candidate à la présidentielle Christiane Taubira a annoncé sa volonté d’instaurer un chèque alimentaire de 150 euros à destination des plus précaires. Et inciter par la même occasion à l’achat de produits alimentaires bio, plus durables. Une annonce bienvenue mais largement inaboutie.

Une mesure à l’allure de « premier pas » pour Marie Drique, spécialiste de l’accès à une alimentation digne au sein de l’association Secours Catholique-Caritas. « Ce dispositif montre une prise de conscience des enjeux liés à l’accès à l’alimentation, explique-t-elle à Cuej-info. De plus, le format chèque peut être intéressant sur l'aide d'urgence : on voit qu'il est apprécié par les ménages en difficulté. » En effet, il permet de faire ses courses « comme tout le monde » et de moins recourir aux autres dispositifs comme les distributions alimentaires. « Il ne faut pas oublier que l’alimentation est un sujet intime. De nombreuses personnes peuvent ressentir de la honte à demander de l’aide ».

Si la mesure a le mérite de mettre en lumière un véritable enjeu de société, « attention cependant à la multiplication des aides disparates sans réelle concertation avec les personnes impliquées », souligne Marie Drique. Où les chèques seront-ils valables ? Ces établissements sont-ils à disposition partout sur le territoire ? Quels seront les produits éligibles ? Est-ce qu’ils répondent aux besoins des personnes en situation de précarité, à leurs habitudes et envies alimentaires ? Autant de questions auxquelles la proposition de Christiane Taubira ne répond pas - pour l’instant -, pourtant essentielles pour éradiquer la précarité alimentaire.

S’il est une preuve de confiance envers les ménages en situation de précarité, ce chèque est loin d’être suffisant pour lutter contre un fléau structurel. Ainsi, le Secours-Catholique-Caritas appelle plutôt à une prise en charge globale du problème. « Sans opter pour un chèque fléché aujourd'hui, nous pensons qu'il y a trois grands leviers d’action que nous pensons déterminants : les ressources financières, assurer la disponibilité d'une offre alimentaire durable et accessible physiquement, et l’implication des ménages dans leurs choix alimentaires », détaille Marie Drique.

Rehausser le RSA

En effet, dans son rapport sur l’état de la pauvreté en France en 2020, le Secours Catholique-Caritas plaide pour la mise en place de minimas sociaux plus conséquents, avec une révision du RSA de 500 à 900 euros. Représentant ainsi la moitié du niveau de vie médian des Français, évalué à un peu plus de 1 800 euros. « 50% des personnes que nous avons interrogées pour notre rapport se sentent en incapacité d’agir sur leurs choix alimentaires pour des raisons financières », alerte Marie Drique.

Autre enjeu d’importance et pourtant bien souvent oublié des débats politiques : la question d’une alimentation saine et durable. « On pense souvent à la quantité lorsque l’on parle de la précarité alimentaire et on omet de mentionner la qualité et surtout le lien social derrière nos manières de nous alimenter », rappelle Marie Drique. Selon le rapport du Secours Catholique-Caritas, « plus le revenu faiblit, plus on risque d’être victime de maladies ‘alimentaires’ : on retrouve une plus forte prévalence de maladies chroniques (hypertension artérielle, diabète, etc.), de surpoids et d’obésité parmi les populations défavorisées ». Aussi, 82% des personnes ayant reçu une aide d'urgence de l'association en 2020 se disaient préoccupées des effets de leur alimentation - souvent low-cost - sur leur santé.

L’alimentation durable, grande oubliée de la précarité

D’autre part, à l’heure du réchauffement climatique, l’enjeu environnemental de l’alimentation est extrêmement fort. « Il faut une approche globale : comment peut-on mettre en place un système plus durable pour les écosystèmes et les populations ? » Sans surprise, cela passe par une véritable transition alimentaire et agricole et un meilleur maillage territorial des offres alimentaires de qualité.

Enfin, dernier levier d’action : l’implication des personnes dans leurs choix alimentaires, qui tient à la dignité citoyenne. « Il y a un enjeu social très fort à ne pas nier la capacité des personnes en situation de précarité à prendre leurs propres décisions. Nous tenons à faire de l’éducation populaire pour former à la prise de parole et redonner confiance aux personnes qui ont souvent une image dégradée d’elles-mêmes. » Partir de l’expérience des personnes concernées, pour changer efficacement les choses. « Il faut une appropriation collective des enjeux alimentaires, main dans la main avec les premiers intéressés. Ils représentent les acteurs essentiels de la lutte contre la précarité. »

Eléonore Disdero

Le communiqué de la préfecture de police de Paris interdisant l'action des hijabeuses. © @leshijabeuses

Le collectif des hijabeuses a reçu le soutien de certaines associations féministes comme Nous Toutes. © @leshijabeuses

Des arguments que le collectif,  juge « scandaleux » et reposant sur « une confusion politique délibérément entretenue ».

La décision intervient dans une ambiance agitée. L’Assemblée nationale doit examiner ce mercredi une proposition de loi portant sur le sport. Le débat se concentre particulièrement sur un amendement interdisant les signes religieux apparents en compétition. Le sujet fait depuis plusieurs semaines l’objet d’une passe d’armes entre députés et sénateurs, qui s’opposent sur la question.

Originellement voté en chambre haute le 19 janvier, l’amendement a été rejeté lors du vote à l’Assemblée. En l’absence de consensus, une nouvelle lecture est prévue dans l’hémicycle parlementaire. Les sénateurs devront à leur tour réexaminer le projet de loi le 16 février.

La question avait déjà surgi lors des débats autour du  projet de loi sur le séparatisme, en mai 2021. Les sénateurs souhaitaient étendre au sport les dispositions de la loi de 2004, qui interdit le port de signes religieux ostensibles à l’école. Une disposition à laquelle la ministre des sports Roxana Maracineanu s’était opposée, préférant laisser aux fédérations le soin de trancher.

Que dit la loi sur le port du hijab ?

Selon les textes, l’obligation de laïcité s'applique principalement aux agents des services publics. Considérés comme des représentants de l'État, ces derniers s’engagent à respecter une neutralité religieuse pendant leurs horaires de service. Le port de signes religieux ostensibles par les usagers est autorisé. Seules deux limitations sont prévues par la loi : les signes discrets sont autorisés dans les établissements scolaires (de la maternelle au lycée), et la dissimulation du visage est prohibée dans l’espace public. 

Pour le moment, les clubs sportifs sont libres d’encadrer ou non le port de signes visibles dans le cadre d’une pratique sportive. Les opposants à l’interdiction du hijab lors des compétitions craignent une mise à l’écart des musulmanes voilées, qui seraient limitées dans leur accès au sport. 

Leïna Magne

Debout derrière son comptoir entre les valises et les ceintures, son masque retroussé sur le menton le temps d’une pause déjeuner express, Luigi est seul dans sa boutique, qui donne pourtant sur la rue principale de Kehl. Quand on lui demande ce qu’il pense de l’assouplissement des mesures sanitaires dans le Bade-Wurtemberg, sa réponse est sans appel : « Das Beste ! », « le meilleur ». Le maroquinier soutient qu’il a perdu 60% de sa clientèle depuis décembre et l’entrée en vigueur, pour les commerces de détail, de la règle des 3G (« geimpft, genesen, getestet », pour « vacciné, guéri, testé »), qui imposait aux clients de présenter une preuve de vaccination ou de guérison ou un test négatif au Covid-19.

Le 8 février, à la surprise générale, le gouvernement de ce Land du sud-ouest de l’Allemagne, frontalier de la France, a annoncé la levée des restrictions d’accès aux commerces de détail dès le lendemain. La raison : malgré l’incidence élevée du Covid-19 dans la région (1 540 sur sept jours mardi 8 février), les services de soins intensifs ne sont plus saturés grâce à la prédominance du variant Omicron, qui, couplé à la vaccination, provoquerait moins de formes graves. D’autres allégements ont été décidés, comme l’augmentation des jauges pour les manifestations publiques et la fin des tests obligatoires dans les écoles pour les enseignants et élèves vaccinés. L’accès aux cafés et restaurants reste, en revanche, réservé aux seuls vaccinés.

À Kehl, les commerçants sont unanimes : la fin de la règle des 3G est « un soulagement pour tout le monde ». Du maroquinier à une vendeuse de glaces, tous témoignent d’une baisse drastique de la fréquentation et du chiffre d’affaires depuis qu’ils doivent scanner le passe sanitaire des clients à l’entrée de leur boutique. Et espèrent des relations apaisées avec leur clientèle.

Traité d'Arschloch

« Gardez vos distances », « Masque obligatoire », « Ici 3G »… Les portes vitrées des boutiques sont recouvertes d’affichettes, ratifiées à la main au gré de l’évolution des règles, qui informent d’une réglementation parfois obsolète. La complexité des règles, leur modification selon les taux d’incidence et des listes d’exemptions longues comme le bras ont compliqué la tâche des commerçants. Certains endroits étant exemptés des 3G, comme les supermarchés, les traiteurs ou même un copy shop, au motif qu’il disposait d’une boîte postale, les commerçants de détail ont souvent dû refuser l’entrée à des personnes surprises et mécontentes. 

« Beaucoup de clients sont devenus agressifs, raconte Karolina, vendeuse dans une boutique de prêt-à-porter. Nous, les employés, avons été plusieurs fois agressés verbalement par des clients. Ils ont dirigé contre nous leur colère envers le gouvernement. » Luigi corrobore : « Un client m’a même traité de trou du cul ! » (« Arschloch » en V.O.). En Allemagne, 74% de la population est totalement vaccinée, ce qui la place au 15e rang des pays européens. Chaque lundi soir, des dizaines de milliers de personnes, toujours plus nombreuses et plus énervées, battent le pavé pour protester contre les mesures sanitaires.

Désormais, pour faire du shopping à Kehl, seul un masque FFP2 est nécessaire. Vaccinés ou non, les clients du centre commercial s’en réjouissent. Luigi aussi, qui garde quelques masques sous son comptoir pour ne pas avoir à fermer sa porte aux acheteurs, surtout français, qui n’en auraient pas.

Yasmine Guénard-Monin

 

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