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Après le bac, direction Strasbourg
Une idée que tout le monde ne partage pas. « Ça ne sert à rien de construire plus de logements, on n’aime pas Wissembourg », critique Halenur, 17 ans. Son amie, Marion, 17 ans également, est d’accord. « On va tous aller à Strasbourg après le bac », dit-elle. C'est une phrase que l'on entend souvent chez les jeunes qui discutent dans les rues et les magasins, près du lycée, à midi pour acheter leur repas. Trop peu de choix de filières, pas assez de choses à faire en ville. C'est clair pour la plupart : ils veulent partir d'ici.
« Le maire n’a pas assez fait pour cette génération », dit André Krieger, d’un ton sérieux. Il ajoute : « On les a oubliés pendant les six années précédentes. » Sandra Fischer-Junck, infirmière et candidate, partage cet avis. « Pour les adolescents, Christian Gliech n’a rien fait », s’énerve-t-elle. Cette mère de deux adolescents âgés de 14 et 15 ans explique que le maire sortant n’est jamais venu parler à cette génération.
André Krieger et Sandra Fischer-Junck veulent faire les choses différemment. « Réunion publique, spécial jeunes » est écrit sur une pancarte jaune, à côté d'une affiche électorale d'André Krieger. Il justifie cette réunion : « J’ai besoin de leur écoute ». Il veut également que son équipe organise un micro-trottoir pour demander à cette génération ce qu’elle attend de la politique. Sandra Fischer-Junck s'est organisée de la même manière : « Début janvier, on a fait du porte à porte et on a dit : "Donnez-nous des idées, dites-nous ce qu’on peut améliorer".»
"Pour l'instant, le lieu de rencontre, c'est le MacDo"
Après une réflexion menée entre les jeunes et leurs équipes, ils veulent maintenant faire en sorte que les premiers concernés se sentent plus à l'aise à Wissembourg. André Krieger veut ouvrir une salle pour eux, où « ils pourront s’éclater et se détendre ». Une idée aussi évoquée par Sandra Fischer-Junck, car « pour l’instant, le lieu de rencontre, c’est le MacDo ».
En 2017, Les Républicains ont connu à Strasbourg les mêmes tiraillements que partout en France, lorsque Emmanuel Macron a pris un rejeton d’Alain Juppé comme Premier ministre. Devant l’hymen qui se profilait au conseil municipal entre une partie de l’opposition de droite et la majorité de Roland Ries acquise aux Marcheurs, une bande de LR a décidé de faire scission. Et de créer un nouveau groupe politique, « sans même prévenir Jean-Philippe Vetter de la formation du nouveau groupe, croit savoir Thierry Roos. Ils ont cherché à se démarquer de Fabienne Keller dans l’optique des municipales à venir. » Jean-Philippe Vetter est donc resté avec les centristes kellériens, et siégeait jusqu’à présent dans un groupe Agir-LR-MoDem, dont tous les membres applaudissent aujourd’hui Fontanel - à l’exception de lui-même, de Martine Calderi-Lotz, qui ne s’est pas prononcée… et de Fabienne Keller, murée dans un silence prudent sur les brigues strasbourgeoises, mais tout sourire auprès de la candidate LREM de Schiltigheim lors de la journée du 8 mars.
Une liste composée avec les barons de la droite locale
C’est pourtant Jean-Philippe Vetter qui a remporté la commission nationale d’investiture des Républicains en octobre, contre Jean-Philippe Maurer, de vingt ans son aîné, ancien député entre 2007 et 2012 et implanté depuis des lustres à la Meinau. « Il a réussi à rassembler derrière lui sa famille politique », lui reconnaît Thierry Roos. En ménageant, certes, des places de choix sur sa liste aux barons de la droite locale : Maurer en troisième position, Pascal Mangin, conseiller régional en numéro cinq, Jean-Emmanuel Robert en septième, juste avant Pascale Jurdant-Pfeiffer, vice-présidente du conseil départemental. Que des noms bien connus de la droite alsacienne. « Manque de renouvellement », fustige Thierry Roos ; « Solidité, lui oppose Vetter. J’ai fait le choix de l’expérience et de la compétence, des personnes qui puissent se mettre au travail dès maintenant. »
Pour la liste citoyenne menée par les Gilets jaunes, il faut avant tout « réguler le tourisme, ramener le nombre de visiteurs annuels à deux millions », explique Benoît Legrand. Tristan Denéchaud (Modem), veut développer un « tourisme qualitatif, avec des touristes qui ne viendraient pas seulement voir les maisons à colombages ». Pour lui, il s’agit de mettre en avant les quartiers de Colmar situés en dehors du centre historique et d’inciter les visiteurs à rester plus longtemps. « Le centre-ville ne doit pas devenir un Disneyland alsacien. »
Un scénario également redouté par les commerçants du centre-ville. « Les touristes apportent du chiffre d’affaires. Mais la ville ne doit pas devenir seulement une attraction touristique. La municipalité doit faire en sorte qu’il y ait toujours une offre destinée aux habitants du centre-ville », explique Vincent Houlle, ancien président des Vitrines de Colmar, l’association des commerçants.
Les gilets jaunes évoquent un autre problème : les appartements du centre-ville réservés aux locations touristiques, toujours plus nombreux. « Nous voulons mettre en place un contrat avec les propriétaires pour qu’ils louent leurs logements aux Colmariens », explique Alice Bass, n°2 sur la liste. Leur objectif : lutter contre la désertification du centre. Ou plutôt, lutter contre la colonisation touristique.
Alors qu’ils manifestent ensemble depuis plus d’un an au sein des gilets jaunes, des Colmariens ont décidé de monter une liste citoyenne pour les municipales. Avec LFI en embuscade.
Il est onze heures et demie. De nombreux élèves du lycée de Wissembourg se précipitent dans les rues sous une pluie battante, pour acheter quelque chose à manger chez le boulanger ou dans les magasins des environs. Partout, des filles et des garçons, avec leur sac à dos discutent de l’endroit où prendre leur prochain repas. On pourrait penser qu’à Wissembourg, commune de 7 600 habitants, il y a beaucoup d’adolescents. Mais les apparences sont trompeuses. À quelques centaines de mètres, le calme revient. Des personnes âgées avec des parapluies et des sacs de courses se promènent dans les rues et se retrouvent dans les cafés.
Fuite des ados
C'est là qu'apparaît le véritable problème de la ville : 25% des habitants ont plus de 65 ans, peu de 15-29 ans vivent à Wissembourg. Ils ne représentent que 14,8 % de la population. Après le bac, ils déménagent à Strasbourg pour commencer leurs études et ne reviennent pas. La commune a perdu entre 600 et 800 habitants au cours des dix dernières années. La ville vieillit, un vrai sujet de préoccupation pour les Wissembourgeois.
La commune a besoin de jeunes qui rendent Wissembourg plus vivante. Ce sont les jeunes qui peuvent aussi fonder des familles et assurer l’avenir de la commune. « Car plus il y a de personnes âgées, plus la productivité économique diminue », explique André Krieger, comptable et candidat. Actuellement, plus de 30% des habitants sont des retraités. « Je veux vraiment que les jeunes restent là », assure André Krieger pour lequel ce groupe de personnes est une « priorité ». Le maire actuel, Christian Gliech, dit que pour lui, « ils ont toujours été un sujet ». Il est agacé par ces questions, qui reviennent sans cesse, sur le vieillissement de la ville et la fuite des adolescents. « C’est une politique qui prend du temps », dit-il, convaincu par son idée de construire plus de logements pour résoudre le problème. « Sinon, on perd la population, c’est mécanique », résume-t-il. Sur son ordinateur, il montre une infographie à ce sujet. Alors qu'en 1968, un ménage de Wissembourg et ses communes comptait 3,7 personnes, en 2015, il n'y en avait plus que 2,4. À Wissembourg, le problème est même « plus flagrant » : 2,1 personnes vivent dans un même ménage. Une première explication, d’après le maire, tient aux personnes âgées, toujours plus nombreuses à Wissembourg, et à la diminution des familles avec enfants.
Elle est devenue leur symbole. Sur les tracts de campagne, sur les affiches, mais aussi sur les pin’s accrochés à leurs vestes : elle est partout, comme un rappel de leur mouvement. La statue de la Liberté. Celle qui trône sur leur rond-point, là où les gilets jaunes de Colmar se sont retrouvés.
Tous les deux proches de La France insoumise (LFI), Alice Bass et Benoît Legrand se sont rencontrés là il y a un an et demi. « En 2017, j’ai tracté à Colmar pour Jean-Luc Mélenchon », raconte Alice Bass, qui s’était déjà engagée en politique. Mais en novembre 2018, au début des protestations, ils l’assurent : il n’était pas question de se lancer dans la campagne des municipales.
Aujourd’hui, ils occupent pourtant la deuxième et la troisième place de la liste Ouverture citoyenne, qui regroupe gilets jaunes, syndicalistes, écologistes, insoumis et communistes. Tous sont emmenés par Michaël Meguellati, lui aussi gilet jaune et présent sur les ronds-points dès le début du mouvement.
« C’est en janvier 2019 que nous avons eu l’idée de nous présenter, après avoir été délogés du rond-point de la Liberté [le 18 décembre 2018] ». Ce qui les a décidé à se lancer, ce sont les « méthodes autoritaires » employées alors par le maire, Gilbert Meyer.
Une victoire utopique
Les gilets jaunes n’imaginaient pas non plus mener leur propre liste. Jusqu’à novembre 2019, ils pensaient pouvoir travailler avec Frédéric Hilbert, le candidat des Verts à Colmar. Mais Benoît Legrand évoque des points de vue divergents : « Frédéric Hilbert devait forcément être tête de liste, nous ne pouvions pas revenir dessus. Et puis, nous n’étions pas d’accord sur le programme, nous avions l’impression de ne pas pouvoir donner nos idées ».
Ils n’approuvaient pas non plus le rôle de leader endossé par la tête de liste. Si Michaël Meguellati occupe aujourd’hui la première position d’Ouverture citoyenne, ses colistiers l’assurent : il ne s’agit que d’une formalité, il n’a pas vocation à prendre le commandement de la campagne. Et en cas de victoire ? Autour de la table, chacun se regarde, un peu gêné, sans vraiment savoir comment répondre à la question.
« C’est une question qui fâche. » Benoît Legrand reconnaît ne pas s’être projeté aussi loin, ne pas avoir envisagé la victoire. « Nous n’avons pas anticipé cette éventualité, il faudrait que nous discutions entre nous pour savoir quoi faire. »
Michaël Meguellati finit par suggérer : « Il pourrait y avoir un maire tournant, avec des personnes différentes qui se succèdent pendant 6 ans. » De son côté, Alice Bass, la numéro deux, avoue que la victoire « reste de toute façon utopique ».
Encore quelques balbutiements
Au-delà de la liste, c’est le programme qu’il a fallu élaborer. À défaut d’une permanence de campagne, les colistiers se sont retrouvés dans les bars pour discuter et formuler leurs propositions. « Plusieurs réunions ont été nécessaires. Il ne s’agit finalement pas d’un programme pour les six prochaines années, mais d’une base de travail », explique Benoît Legrand.
Principale revendication des gilets jaunes, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), à l’échelle locale, est au cœur de leurs engagements. Pour Ouverture citoyenne, ce sont les Colmariens qui devront saisir le conseil municipal afin de soumettre leurs idées et définir l’agenda. « Nous nous sommes aussi inspirés de L’Avenir en commun [le programme de LFI, NDLR] », précise Michaël Meguellati. Ils ont aussi pioché des idées chez les communistes ou les écologistes, finit par reconnaître la tête de liste.
Puis il a fallu lancer la campagne. Là où toute une équipe, souvent rodée, se tient derrière chaque candidat, les colistiers d’Ouverture citoyenne, novices en politique, gèrent seuls le tractage, la conception et le collage des affiches. « Comme certains étaient déjà engagés, ils avaient un peu d’expérience, notamment dans la distribution de tracts, ce qui a pu nous aider », précise Benoît Legrand. Et d’ajouter : « Nous avons tous nos propres connaissances, chacun contribue à la campagne en fonction de ses compétences ».
Une campagne qui ne fait pas consensus
Mais la création d’une liste pour les municipales ne fait pas l’unanimité chez les gilets jaunes colmariens. Surtout chez ceux qui prônent un mouvement apolitique. D’autant qu’Ouverture citoyenne affiche une certaine proximité avec LFI. Si le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a fourni plusieurs idées pour le programme, il s’est aussi abstenu de monter sa propre liste à Colmar en appelant à voter pour la liste citoyenne.
Ce soutien de LFI soulève aussi un problème de taille pour la suite. Le mouvement interdisant tout rapprochement avec certaines listes, l’évocation d’une fusion après le premier tour fait déjà débat.
« C’est la seconde question qui fâche, annonce Benoît Legrand, sourire aux lèvres. Certains ne veulent pas entendre parler de rapprochement, avec aucune liste. D’autres pensent que c’est possible, avec Frédéric Hilbert (EELV) ou Tristan Denéchaud (MoDem). » Deux rapprochements pourtant difficilement envisageables : en novembre, les gilets jaunes ont claqué la porte de Frédéric Hilbert, qui leur en veut d’avoir repris certaines de ses propositions. Et Tristan Denéchaud est issu du MoDem, parti allié de la majorité en froid avec LFI depuis toujours.
Quel que soit le résultat de ces élections, les colistiers d’Ouverture citoyenne n’ont pas l’intention de ranger leur gilet jaune, « même si nous sommes élus », assure Benoît Legrand. Leurs idées, ils ne les défendront pas seulement au conseil municipal. Mais dans la rue aussi.
Aurélien Gerbeault
On peut y découvrir ce qu’il confie à tous sur le marché et dans les réunions publiques : « Je viens d’un milieu populaire, mon père était boulanger, il est orphelin. » S’ensuit la comptine classique de la droite sur la valeur travail et le mérite : « Mon père n’hésitait jamais à se lever de table pour servir un client. » De quoi charmer les commerçants, qu’il cajole dans son programme, en promettant par exemple le stationnement gratuit entre midi et deux. S’il met l’accent sur ses origines familiales, Vetter fait moins l’étalage de sa vie conjugale – à la différence de son concurrent dans le rôle du gendre idéal, Alain Fontanel. Le candidat LR, contact facile, sourire charmeur et brushing impeccable, a certes moins besoin de paraître humain aux yeux des électeurs que le premier adjoint sortant.
L’argument sportif
Pour engranger les voix, Jean-Philippe Vetter mise aussi sur son passé de sportif. « Chaque fois que je suis entré sur un terrain de tennis, c’était pour gagner », a-t-il métaphorisé sur le plateau de France 3. Titulaire d’une maîtrise en STAPS, il renvoie une image de battant : « Il a remporté l’investiture de LR au tie-break [un jeu décisif lors d’un match de tennis NDLR] », souffle d’admiration son ami Thierry Roos, ancien camarade de parti ayant rejoint la liste marcheuse en 2019.
De son parcours de joueur de tennis – avorté pour cause de tendinite à 18 ans – il tire argument pour séduire les électeurs de la Robertsau. Mais pour draguer les quartiers populaires, il affiche sa proximité avec Marc Keller, le patron du Racing de Strasbourg. Loin des médias, il arpente aussi les terrains de foot. Lors du World café de Hautepierre, le 13 février, Ali-Martin Lamri, président de l’association cronenbourgeoise Au Carrefour des idées, lui en a su gré publiquement : « Vous, Monsieur Vetter, vous êtes venus nous voir il y a un an sur le terrain alors qu’aucun autre candidat n’est venu. » En privé, l’associatif qui a depuis rejoint la liste citoyenne de Patrick Arbogast (divers), évoque un « mec sympa, vraiment intéressé par le sport ».
Pro de la politique
Vetter se raconte comme un Alsacien du terroir : « Je ne viens pas d’en haut, je n’ai pas fait mes gammes à Paris », écrit-il sur son site à propos de son passé militant à l’UMP, commencé en 2004. Contrairement à Alain Fontanel, énarque et ex apparatchik du parti socialiste à Solférino, qui fait office de cible régulière : « Il y en a qui pensent que Strasbourg, c’est le quai des Bateliers », glisse-t-il sur le marché de Hautepierre, en référence au QG de campagne du candidat macroniste, situé en plein centre-ville. Un scud un peu bas : au même moment, son concurrent tracte au marché de Neudorf, un autre quartier populaire de Strasbourg.
À lire son autobiographie sur son site et à l’entendre en campagne, on en oublierait presque que Vetter est un professionnel de la politique. À se demander s’il sait faire autre chose : assistant parlementaire de la sénatrice Fabienne Keller de 2011 à 2017, il essaie, en vain, de créer sa start-up, pointe au chômage pendant un temps, et revient dans les jupons de sa famille politique un an plus tard. Laquelle lui retrouve un travail d’assistant parlementaire, cette fois du député européen LR Geoffroy Didier, réélu en 2019.
Keller or not Keller ?
La fidélité nourricière de son parti peut-elle expliquer pourquoi ce partisan de Fabienne Keller, plutôt centriste de formation, n’a pas suivi son mentor lorsqu’elle a créé son mouvement Agir ? Lequel soutient aujourd’hui la candidature d’Alain Fontanel : « C’est un repositionnement idéologique qui n’est pas en cohérence avec ses combats passés », considère Pierre Jakubowicz, chef de file d’Agir en Alsace et ancien collaborateur de la maire de Strasbourg, quand Vetter était, lui, son assistant parlementaire. Neuvième sur la liste de Fontanel, Jakubowicz s’étonne de voir son ancien collègue frayer désormais avec « des gens comme Jean-Philippe Maurer ou Jean-Emmanuel Robert, auxquels il s’est opposé et qui appartiennent à une droite plus dure que lui ».
« Strasbourg est un cas d’étude pour les Verts en France » : le 6 mars, c’est un article du Financial Times qui met en avant Jeanne Barseghian. La femme de 39 ans rassemble une coalition comprenant des colistiers d’origines très diverses dont le parti Europe écologie les verts (EELV). Les derniers sondages donnent cette candidate, encore peu connue il y a quelques mois, au coude-à-coude avec Alain Fontanel (LREM), premier adjoint et favori à la succession du maire Roland Ries.
« Jeanne Barseghian n’est pas dans la politique pour obtenir un quelconque pouvoir personnel mais pour qu’on prenne au sérieux la démarche écologique. Elle a compris que c’était le bon moment pour les Verts », estime Laurène, une de ses amies de longue date. C’est aussi l’avis d’Alain Jund, tête de liste des Verts en 2014 : « Les dernières élections européennes ont porté les enjeux écologistes ».
Nouveau visage et pourtant déjà élue
Si Alain Jund a décidé de ne pas se présenter cette année, il est plus connu dans le paysage politique strasbourgeois que la nouvelle numéro 1 de la liste Strasbourg écologiste et citoyenne. « Jeanne Barseghian est souvent décriée pour son manque de notoriété, le déficit de charisme dont elle souffrirait. À titre personnel, je n’y vois pas quelque chose de rédhibitoire, d’autant qu’elle paraît apprendre vite », estime Jean Faivre, numéro 4 d’une liste concurrente conduite par Chantal Cutajar.
Joris Castiglione, engagé au Parti communiste depuis 2011 et présent sur la liste portée par Jeanne Barseghian, reconnaît avoir rencontré sur le terrain « des personnes qui expliquaient avoir toujours voté écologiste, mais ne pas connaître Jeanne Barseghian ». La candidate en convient en souriant, « on m’a beaucoup interrogée et interviewée sur ce "déficit de notoriété" », un déficit initial qui a surtout généré de la « curiosité » autour de sa personne plutôt que de la critique.
Pour preuve, les recherches internet associées à son nom comportent en majorité les mots « CV », « Linkedin » ou « Wikipedia », tandis que le nom des autres principaux candidats est au contraire plus régulièrement associé à des termes comme « 2020 », « municipales » ou « programme ». Et si une page wikipedia a brièvement existé à son nom, elle a été supprimée le 18 janvier dernier, pour le motif suivant : « Le ton de cet article est trop promotionnel ou publicitaire ».
Juguler la déferlante du marché de Noël
À gauche et au centre, la mesure phare des candidats est claire : arrêter de communiquer à l’étranger pour faire venir toujours plus de visiteurs. Tous critiquent aussi l’afflux massif en décembre. Tout le monde est donc d’accord, il faut continuer de faire venir des touristes, mais pas tous en même temps.
Au débat entre les principales têtes de liste pour la mairie de Strasbourg, mercredi soir, on n’a pas reconnu le jeune poulain surexcité, croisé deux semaines plus tôt sur le marché de Hautepierre. À l’époque, Jean-Philippe Vetter serre des mains à tout va (« Allez, le coronavirus on s’en fout ! »), fond sur le moindre porteur de jogging (« Vous êtes sportif ? Vous savez, moi j’ai fait STAPS ! »), et s'émerveille de tout jusqu’à la transe (« Ici, c’est le meilleur marché de France »).
« La tornade Vetter »
Le dynamique candidat LR donne alors l’impression d’être parfaitement à l’aise avec le terrain (« Moi, j’aime les gens et ça se voit »), quand son concurrent Alain Fontanel (LREM), aussi raide que poli, est un habitué des silences embarrassés. Surtout, le conseiller municipal d’opposition mène son train sur un rythme effréné, au point qu’on a d’abord imaginé titrer ce portrait « la tornade Vetter ».
Mais en fait de tornade, ce mercredi soir, sur le plateau de France 3, Vetter fait l’effet d’un tiède sirocco. Il a préféré joué la partition du candidat sérieux, aussi calme que souriant, la voix posée, basse, peut-être même un peu trop. Pour un peu, on l’aurait confondu avec Alain Fontanel, la tête de liste de la République en Marche, loin devant lui dans les sondages - le premier adjoint sortant est crédité de 27% des intentions de vote dimanche, quand Vetter accuse les 15%, et la dernière place d’une éventuelle quadrangulaire.
Valeur travail
Face à une dynamique qui ne prend pas, le jeune premier a-t-il voulu montrer qu’il avait les épaules pour le job, et adopter un train sénatorial, quitte à perdre de sa singularité ? Dans tous les cas, le candidat LR n’a pas déroulé ce mercredi soir l’habituel storytelling dont il rebat pourtant les oreilles de qui veut l’entendre depuis près d’un an et demi de campagne. Un récit de sa vie qui s’étale sur son site Vetter 2020 en un interminable diaporama de 26 photos commentées.