BILLET « Les Français en grève, un pléonasme. » Une petite douceur un peu banale que l'on nous attribue. Nous, ces râleurs de l'hexagone, toujours à quémander plus d'avantages sociaux. Des remarques que l'on accepte avec fierté puisque, pour une fois, nous serions les plus performants dans un domaine.
Mais quand même. Lorsqu'hier, la compagnie aérienne allemande Lufthansa entame sa treizième grève en dix-huit mois, les échos médiatiques sont sobres. Pourquoi les grèves allemandes ne résonnent-elles que brièvement ?
Là-bas, les arrêts de travail ne sont plus anecdotiques, ni même insolites. D'autant plus qu'un Allemand qui fait grève, il le fait bien. Mille vols annulés sur 1520 prévus, et 140 000 passagers concernés. Dans la journée bien sûr.
Alors oui, il y a une différence. En France, lorsque la SNCF s'ennuie et décide de paralyser le trafic ferroviaire, la gare Saint-Lazare prend les allures tragiques d'un exode rural. Outre-Rhin, moins de désordre, plus de retenue.
Le goût de la grève
Mais en 2015, l' « Arbeit » germanique est un peu terni. La locomotive économique de l'Europe, secouée par une annulation massive de trains en mai, a vu le concept de la grève se propager avec un enthousiasme contagieux. En juin, la Deustche Post et ses 24 000 facteurs par exemple. Ou les aides-soignants de la Charité - le principal hôpital universitaire de Berlin, qui organisent une grève illimitée, répandue par la suite dans près de 1000 établissements publics du pays. Pour être synthétique (et plaire à nos voisins rhénans), les cinq premiers mois de l'année ont compté deux fois plus de jours de grève que l'année 2014. L'Institut de recherche économique de Cologne a calculé pour nous : 600 000 journées de travail perdues au premier semestre 2015. Un petit accroc sur le costume taillé sur mesure du grand modèle allemand.
Encore un petit effort
Soyons fair-play, chez Merkel, le Bundestag réagit vite. Parce qu'il n'aime pas se sentir las. Et encore moins laxiste. Avec la loi de l'unité tarifaire, adoptée en mai, la surenchère entre les partenaires sociaux, petits et grands, est désormais restreinte. Si les syndicats sont en désaccord lors de négociations dans une entreprise, c'est celui disposant du plus grand nombre de salariés qui sera écouté. La législation désamorce ainsi les risques de grèves interminables.
Amis allemands, soyez ambitieux. Pour nous atteindre, nous Français et notre réputation, il vous faudra de la persévérance, du métier et de l'arrogance. Car avec nos 139 jours de grève pour 100 000 salariés entre 2005 et 2012 - contre 16 jours en Allemagne, la France a les secrets de l'exploit.
Hélène Gully