Le 28 février, les Suisses seront consultés sur un projet lancé par l’Union du Centre (UDC), qui, s'il est approuvé, instaurerait une politique d’expulsion systématique des étrangers jugés coupables d’une ou plusieurs infractions. Ce qui inquiète ceux qui n'ont pas de passeport suisse.
Mirella M., 25 ans, hongroise, vit à Bâle depuis six ans. Elle est arrivée en Suisse un matin d’octobre 2009 avec un plan bien précis : travailler une année comme fille au pair auprès d’une riche famille résidant à Muttenz, dans le canton de Bâle-Campagne. Elle se souvient du froid qui l’a saisie une fois descendue de l’avion. "Mes doigts étaient tout rouges", se remémore-t-elle.
Depuis, beaucoup de choses ont changé. Mirella a quitté la famille qui l'employait et s’est inscrite à l’université de Bâle, où elle étudie l'allemand et l'ethnologie. Elle habite en colocation dans un petit quartier du nord de la ville. "J’aime bien cette zone, elle est tranquille, je n’ai pas peur de rentrer le soir à vélo", savoure-t-elle. Elle rit, en secouant ses boucles blondes : "Rien à voir avec la Hongrie. Un tel niveau de sécurité serait impensable chez moi."
Mirella habite à Bâle depuis six ans.
Une votation qui stigmatise
La Suisse plaît à Mirella. Sa propreté. Son organisation. Elle a beaucoup d’amis et l’allemand n’a plus de secrets pour elle. "Chez moi, c’est ici maintenant."
Elle s’imagine bien passer toute sa vie ici, y avoir des enfants, un jour. Mais le sentiment xénophobe lui fait peur. Le 28 février, les Suisses seront appelés à voter sur un projet lancé par l’Union du Centre (UDC), parti de droite suisse. Le but de la votation est d’instaurer une politique d’expulsion systématique des étrangers jugés coupables d’une ou plusieurs infractions.
Selon Mirella, la proposition de l’UDC stigmatise les étrangers résidant en Suisse. "Les gens votent toujours plus à droite. Il est faux de suspecter tous les étrangers, comme s’ils étaient tous des criminels. L’UDC n’aime pas les non Suisses."
Une expulsion pour circulation à vélo en état d’ivresse
Si le texte sur l’expulsion des criminels étrangers était approuvé, la vie que Mirella avait imaginée pourrait devenir une exténuante lutte au quotidien. Les délits listés dans le projet sont nombreux et d’importance mineure : outre la condamnation pour des crimes majeurs, on retrouve les menaces contre une autorité, les blessures corporelles légères et même la circulation à vélo en état d’ivresse. Commettre deux de ces délits sur une période de dix ans suffirait à être expulsé.
Dans le cas d’une approbation du texte en votation, Mirella étudiera l’idée de quitter la Suisse. Devenir citoyenne helvétique, en assurant à elle-même et à ses futurs enfants une vie plus tranquille, n’a jamais été son vœu. "Pour moi, c’est important de pouvoir rester ici, mais le passeport suisse ne m’intéresse pas."
« Il s’agit de petits délits »
Kingsley O. a 37 ans et vient du Nigéria. Il est arrivé en Suisse il y a dix ans. Aujourd’hui, il habite avec sa copine dans le nord de Bâle, pas loin de l’Euro-Airport. Il a deux enfants, de 6 et 10 ans, qui habitent désormais avec son ex-femme, une Suisse, et Kingsley les voit régulièrement.
Au contraire de Mirella, Kingsley voudrait bien acquérir la citoyenneté suisse. Lui qui est orgueilleux de sa bonne conduite en Suisse –"Je n’ai jamais eu de problèmes avec les autorités, jamais"- , sent qu’est arrivé le moment de posséder le passeport rouge : "Je vis ici depuis longtemps, il est temps de le faire."
Cependant, Kingsley rejette aussi le projet proposé par l’UDC : "Il s’agit de petits délits. On les commet vite. Il peut arriver à chacun de boire une bière de trop et de prendre le vélo." Il trouve qu’il n’est pas toujours simple de s’adapter aux normes en vigueur sur le sol helvétique.
Mais, malgré cela, il reste positif : "Si on ne se trouve pas bien dans un pays, on part. Il n’y a pas que la Suisse."
Michela Seggiani, vice-présidente du Parti Socialiste de Bâle-Ville, condamne la dureté des termes du projet proposé par l'UDC.
Même Pascal Messerli, président des Jeunes UDC de Bâle-Ville, trouve certains points de la liste discutables.
Anna Riva