Jerry Brown, gouverneur démocrate de Californie, a ratifié lundi 10 septembre une loi qui engage son État à passer à une énergie 100% propre d'ici 27 ans.
« Ce ne sera pas facile, ce ne sera pas immédiat, mais ce doit être fait ». Ce sont les mots prononcés par le gouverneur de Californie Jerry Brown qui vient d'engager, lundi 10 septembre, son État à passer à une électricité décarbonisée d'ici 2045. Le Golden State a donc 27 ans pour produire et n'utiliser qu'une électricité dite « verte », se basant sur les énergies renouvelables comme l’éolien, le solaire ou la géothermie. Pour ce faire, la Californie devra produire une électricité à 50% issue de ces énergies d'ici 2025, et 60% en 2030, contre 44% aujourd'hui aujourd'hui. Un objectif ambitieux : l'industrie électrique est responsable à elle seule de 16% des émissions de gaz à effet de serre de l'État.
A contre-pied de l'administration Trump
Il s'agit d'un engagement majeur : si la Californie était indépendante, elle représenterait la cinquième économie mondiale. Cette avancée en matière de politique climatique est un véritable pied de nez à l'administration Trump, qui s'était retiré de l'Accord de Paris en juin 2017. Ce dernier, ratifié par 195 pays, vise à « contenir l'élévation de la température de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels », pour éviter des catastrophes climatiques à grande échelle.
Le soir de l'annonce du retrait de l'Accord de Paris, les gouverneurs de sept Etats américains avaient déclaré qu'ils continueraient à respecter leurs engagements climatiques. À ce jour, seul Hawaï avait pris des mesures aussi avancées en matière d'énergie verte que la Californie, pour se préserver de la montée du niveau de la mer et des catastrophe naturelles qui pourraient ravager ses côtes et ses fonds marins. D'après un sondage du Yale Program On Climate Change Communication, près de 70% des américains interrogés demeurent favorables à l'accord de Paris. La loi climatique de Jerry Brown, à contre courant du climato-scepticisme du gouvernement, reflète l'opinion d'une grande partie des citoyens américains. Cet engagement, désigné par les sénateurs qui ont porté le projet de loi comme un « Green New Deal », dépasse même les clauses de l'accord de Paris. Jerry Brown a ainsi appelé les puissances de l'Union européenne à lui emboîter le pas : « j'espère que la France et l'Allemagne relèveront aussi leurs ambitions, car nous devons tous faire davantage ».
Les catastrophes climatiques déclenchent une prise de conscience
La ratification de cette nouvelle loi fait écho à la multiplication de catastrophes naturelles qui ont frappé les États-Unis récemment. La tempête Florence, élevée lundi au rang de catégorie 4, avec des bourrasques à 195 km/h, devrait frapper la côte est du pays dans la semaine. Cet été, la Californie a connu quant à elle les incendies les plus dévastateurs et meurtriers de son histoire. D'après un rapport de l'ONU intitulé « Le coût humain des catastrophes liées au climat » datant de 2015, 90% des catastrophes naturelles depuis 20 ans seraient liées au réchauffement climatique. Selon les experts, les incendies géants seraient dus à la hausse des températures dans les villes californiennes et à l'importante quantité de végétaux secs, facilement inflammables. La déforestation est aussi responsable d'une augmentation des émissions de CO2, les arbres absorbant les particules de carbone. À long terme, cela participe à l'effet de serre, à la hausse des températures moyennes et donc à la multiplication des incendies.
Des dizaines de milliers d'emplois pourraient être créés
« La Californie sera toujours à la pointe de la lutte contre le changement climatique, quelle que soit la personne qui occupe la Maison Blanche », a déclaré le sénateur démocrate Kevin De Leon, qui a porté cette proposition de loi novatrice. Le Green New Deal devrait aussi créer des dizaines de milliers d'emplois. « Il y a déjà dix fois plus d'emplois dans ce secteur pour la seule Californie que dans l'exploitation des mines de charbon pour l'ensemble des États-Unis », a ajouté Kevin De Leon. Cette déclaration fait écho à la signature d'un plan de relance de l'industrie du charbon par le président américain le 21 août en Virginie Occidentale. Le Golden State devra investir près de 5,4 milliards de dollars dans des infrastructures pour développer et exploiter les énergies vertes dans la décennie à suivre.
La Silicon Valley, épicentre de l'innovation, pourrait permettre de développer d'avantage l'exploitation des énergies renouvelables et drainer ainsi plus d'emploi en attirant chercheurs et main d'oeuvre ouvrière. L'État de la côte ouest n'a néanmoins pas acté une sortie du nucléaire, mais propose une adaptation et une meilleure gestion de cette forme d'énergie, avec le développement de systèmes de récupérations des particules de CO2 des centrales nucléaires. De nouvelles recherches menées par C40 Cities, une organisation internationale qui lutte contre le réchauffement climatique et présidée par Anne Hidalgo, ont estimé que 13,7 millions d'emplois dans les villes américaines pourraient être générés par de meilleures politiques climatiques et d'urbanisme. Ces dernières pourraient également entrainer une économie de 40 milliards d'heures dans les transports ainsi que des milliards de dollars en moins en dépenses de ménage chaque année.
Mais tous les acteurs économiques du Golden State ne semblent pas convaincus par ces nouvelles directives écologiques. La déléguée de Pacific Gas & Electric, Lynsey Paulo, a exprimé des inquiétude concernant les retombées financières de la transition souhaitée par Brown, en soulignant notamment une possible hausse des prix de l'électricité : « Si ce n'est pas accessible, ce n'est pas durable », a-t-elle dénoncé.
Un nouveau sommet climatique mondial
Immigration, légalisation du cannabis, énergie, réchauffement climatique... la Californie continue de défier la politique de Donald Trump, et profite de sa position de leader de l'opposition pour devancer le reste du pays en matière sociale, économique et environnementale. Cette forme de résistance à Washington n'est pas une première dans l'histoire du pays : sous Obama, c'était le Texas qui s'était placé comme opposant majeur aux politiques du président démocrate.
Pour acter la ratification du Green New Deal, un sommet est organisé du 12 au 14 septembre à San Francisco. Politiques, chefs d'entreprises, responsables d'ONG et célébrités du monde entier y sont conviés. Les sponsors de ce sommet pour le climat incluent l'ONU, mais aussi les géants Facebook et Google. Cet événement est organisé après des manifestations qui ont germé partout sur la planète, chapeautées par le groupe 350.org, qui en recense 900 dans 95 pays. La manifestation parisienne a quant à elle rassemblé entre 18 000 et 50 000 personnes.
Clémentine Rigot