Les jeunes se sentent-ils concernés par le premier tour de la présidentielle tunisienne de dimanche ? L’engouement qui a accompagné la révolution de 2011 a laissé place à la désillusion, assure Zeid Sakka, que Cuej.info a rencontré.
« La révolution du Jasmin vient des jeunes. Mais ils votent moins que les séniors. » Zeid Sakka, Tunisien de 28 ans habitant à Lyon, porte un regard critique sur la politique de son pays, à trois jours de l’élection présidentielle. « Les candidats, nous les connaissons. L’actualité nous intéresse. » Sur Facebook, il recommande « Chnowa Barnemjek ? » ( « C'est quoi ton programme ? », en tunisien ). Ce site internet présente les programmes et propose un quiz, pour aider les jeunes électeurs « démobilisés » à choisir un nom parmi les 26 candidats.
Vidéo de présentation de « Chnowa Barnemjek ? ».
« Il y a davantage de libertés, des têtes ont changé, mais c’est tout »
Installé en France depuis un an, cet informaticien compte bien aller voter. Mais il déplore : « Même si le régime a changé, le personnel de l’administration intermédiaire est toujours le même. Surtout que les politiciens ne respectent pas leurs promesses, certains changent de parti en cours de mandat. »
Plus encore, Zeid Sakka pointe du doigt un pays englué dans la corruption et les difficultés économiques qui selon lui, en découlent. « Dans le régime de Ben Ali, que les jeunes ont fait tomber, tout le monde était obligé de travailler. Désormais nous avons plus de libertés, apprécie-t-il. Mais il y aussi plus de grèves, notamment dans le secteur du phosphate. Financièrement, cela engendre des difficultés. » Dans une telle conjoncture, beaucoup de jeunes se détournent du vote et envisagent, dans les régions les moins favorisées, une seconde révolution.
« Jouer sur les sentiments des Tunisiens »
« Les anciens, eux, ont tendance à être plus conservateurs », considère Zeid Sakka. « Certains sont partisans de candidats pro-Ancien Régime, comme Abir Moussi ou Abdelkarim Zbidi, l’actuel ministre de la défense. Ils jouent sur les sentiments des Tunisiens, en disant : c’était mieux avant. » Il poursuit : « Les séniors choisissent ceux qui sont connus, alors que beaucoup de jeunes veulent de nouveaux visages. »
La religion, elle aussi, continue de cristalliser les oppositions avec, par exemple, la Loi sur l’égalité dans l’héritage. Cette proposition entend réviser la norme en vigueur, basée sur le Coran, qui veut qu’en cas de décès, les hommes héritent plus que les femmes. « Certains font exprès de se positionner sur ces questions, par stratégie, pour jouer sur les sentiments des Tunisiens. Mais je pense que le véritable enjeu de cette présidentielle pour les jeunes, fortement touchés par le chômage, est économique. »
Thémïs Laporte