La surpêche, l'acidification des océans et la pollution plastique font partie des facteurs qui menacent la biodiversité marine. © q phia
De la poudre aux yeux ? Sur le papier, le One Ocean Summit, ce rendez-vous international qui se déroulera à Brest du 9 au 11 février, semble vouloir s’attaquer aux dangers qui pèsent sur les océans. Au programme : nouvelles aires maritimes protégées, traité sur la pollution plastique, sauvegarde des eaux polaires… Nicolas Fournier, directeur de campagne Europe de l’ONG internationale Oceana, basée à Washington, dénonce pourtant des effets d’annonce et un manque cruel d’ambition face à l’urgence climatique.
Quelles sont vos attentes pour le One Ocean Summit ?
Nous en avons très peu, malheureusement. Globalement, c’est une conférence de plus pour dire qu’il faut agir, sans mesures coercitives. Le gouvernement nous a habitués à beaucoup de communication en ce qui concerne les océans et ce sommet n’a pas vocation à être différent. Ce congrès aura au moins le mérite de donner un élan politique sur la question.
Pourtant, la pollution plastique et les aires maritimes protégées, au programme du sommet, sont des enjeux importants…
Bien sûr. Mais les annonces vont être symboliques. Certes, le traité international pour lutter contre la pollution plastique est une bonne nouvelle, mais entre les échéances de négociations et de ratification, l’accord ne verra pas le jour avant 2030. D’ici là, il y aura des zones de l’océan qui seront tout simplement invivables.
Pourquoi considérez-vous que la création de nouvelles aires protégées ne soit pas une mesure suffisante ?
La France va annoncer l’extension de la réserve marine des Terres australes dans l’Océan Indien et une protection partielle de certaines zones en Polynésie Française. C’est très bien au niveau local. Mais ces décisions sont purement politiques en cette période électorale : la France va pouvoir cocher son objectif des 30 % d’aires marines protégées sur son sol. Aussi, le choix territorial pose question : la France préfère protéger des aires éloignées de la métropole où il n’y a presque pas d’activités humaines. C’est la solution de facilité.
Quelles sont les zones maritimes françaises en danger ?
Les écosystèmes qui ont, eux, un besoin vital de protection se trouvent en Méditerranée, dans l’Atlantique ou encore dans la Manche, là où les oppositions sont plus fortes. De plus, 90 % des aires déjà protégées ne le sont que de nom. Pour la plupart de ces zones, il n’y a aucun plan de gestion, aucune restriction des activités humaines. C’est très trompeur. Toutes les études scientifiques le disent : même les aires protégées se dégradent. Finalement, il n’y aucun intérêt pour le gouvernement d’instaurer une protection efficace des espaces qui le sont déjà. À part se mettre à dos les acteurs économiques sur place.
Quels sont les avantages à une véritable sauvegarde des océans ?
Lorsque l’on protège la biodiversité, on améliore la résilience des écosystèmes face au réchauffement climatique. Mais l’enjeu tient aussi sur la sécurité alimentaire. Beaucoup de pays, en Afrique de l’Ouest et en Amérique du Sud notamment dépendent de la pêcherie. Or, plus il y a de refuges pour les espèces, plus celles-ci se développent en taille et en nombre. Selon nos données, une gestion durable de l’océan permettrait à un milliard de personnes de manger chaque jour des produits de la mer sains. Lorsque l’on pêche de façon raisonnée, on a certes moins de prises à court terme, mais au long cours on permet aux stocks de se régénérer, on laisse le temps aux femelles d’être plus fécondes. Ainsi, on peut nourrir plus de monde. De même en Europe, on importerait moins de produits de la mer venus de l’autre bout de la planète si on permettait à nos stocks locaux de se reconstituer. Pourtant, on continue à dépasser sciemment les limites posées par les scientifiques.
Quels sujets de discussion manquent à l’agenda ?
Ils sont nombreux : la surpêche, bien sûr, et le chalutage mais aussi l’exploration des fonds marins que veut relancer Emmanuel Macron à hauteur de deux milliards d'euros de subventions d’ici 2030. Il y aussi les prises « accessoires » des dauphins, dont la France est championne. Ou encore l’exploitation minière comme en Mer de Corail, dans le Pacifique, censée d’ailleurs être une aire protégée… Les sujets sur lesquels la France a une position insoutenable sont délibérément omis du One Ocean Summit.
Qui a répondu présent à ce rendez-vous international ?
Pas grand-monde, il faut bien l’avouer. C’est un sommet très franco-français, voire franco-européen. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commision européenne et quelques nations africaines seront de la partie. Les Nations unies ont elles-aussi planifié un congrès sur les océans, prévu fin juin. Du côté de la société civile, il y aura Oceana et d’autres ONG engagées sur la question pour faire comprendre l’urgence. On n’est pas à l’abri de bonnes surprises.
Recueilli par Eléonore Disdero