En pleine quinzaine olympique, l'épreuve du sprint féminin se déroule ce matin. L’ancien biathlète et entraîneur du tir de l'équipe de France B, Julien Robert, décrypte la réussite tricolore dans la discipline et l’importance du mental dans les différentes courses.
Au biathlon, le tir est un élément central dans la réussite d'une course. © DR
Après le sacre de Quentin Fillon-Maillet, la médaille d’argent au relais mixte et les trois sacres de Martin Fourcade à Sotchi et Pyeongchang, comment expliquer la réussite des biathlètes français ?
C’est un combo entre des athlètes talentueux et travailleurs et le rôle des équipes de France. Le biathlon est un des rares sports où l’on suit les athlètes toute l’année, contrairement à la natation, le vélo ainsi que les sports collectifs, où les sportifs s'entraînent en club et viennent en sélection nationale de temps en temps. Les biathlètes sont en stage du mois de mai jusqu’à la préparation du début d’hiver. Il n’y a que le mois d’avril où ils sont à la maison. Et puis, beaucoup d’anciens biathlètes de haut niveau sont aussi dans l’encadrement. Evidemment, ça fait progresser tout le monde.
Comment analyser la victoire de Quentin Fillon-Maillet, champion olympique après la course du 20 kilomètres de mardi ?
J’ai regardé la course et je me suis dit que ça allait être compliqué pour aller chercher le titre, même une médaille. Finalement, il a fait un énorme temps de ski. Johannes Boe, qui survolait les débats les années précédentes, était moins en forme et Quentin a progressé de son côté. L’un dans l'autre, ça lui a permis de gagner. De plus, la neige est sèche et lente : ça fait encore plus d’écarts pour les athlètes en forme, comme Quentin. Malgré ses deux pénalités au tir, il a tiré le maximum de sa condition physique pour les éponger. Quand on voit l'état de forme qu’il a, on se prend à rêver qu’il puisse ramener d’autres médailles. Mais ce n’est pas le seul à pouvoir le faire, d’autres Français en sont capables et ça va être une belle bataille dès ce week-end, avec les sprints vendredi et samedi. Puis la semaine prochaine, il aura encore trois courses à gérer : la mass-start, le relais et la poursuite.
Et quel est le niveau des autres biathlètes en tir ?
Les pays de l’Europe de l’est (Russie, Ukraine) sont des bonnes nations au tir. Les Norvégiens sont meilleurs en ski, mais ils ont beaucoup travaillé pour revenir sur Martin Fourcade, qui fut un très bon tireur. Que ce soit les frères Boe (Johannes et Tarjei) ou Vetle Christiansen, ils ont maintenant de très bonnes capacités de tir.
Comment les biathlètes français peuvent-ils donc faire la différence sur leurs adversaires ?
Le tir, c’est 90% dans la tête. Voir des balles tirées dans quatre centimètres de diamètre à 50 mètres de distance le cœur à 180 de battements par minute, ça paraît incroyable. Mais c’est leur quotidien. La grosse différence se fait au niveau de la maîtrise de la pression et des petites bêtises, liées à l’enjeu. On peut être très bons à l'entraînement ou lors de compétitions internationales, quand on met le dossard olympique, ce n’est plus du tout la même chose. Et puis, ce sont des courses d’un jour. Par exemple, si on finit quatrième après une course des Jeux olympiques ça ne vaut rien, alors qu’en Coupe du monde, c’est une belle place.
En tant qu’entraîneur de tir, comment préparez-vous les athlètes à de telles courses ?
Déjà, il faut les mettre dans les meilleures dispositions techniques, en vérifiant la position et le contrôle de l’arme. La dimension psychologique se gère en discutant beaucoup avec les biathlètes et en les mettant le plus à l’aise possible. En revanche, quand le début de saison est difficile, ils sont un peu perdus et on se rend compte de l’importance de la confiance dans ce sport. Certains athlètes travaillent aussi avec des préparateurs mentaux pour qu’ils soient plus relaxés derrière leur carabine et qu’ils y croient.
La confiance, justement, elle est plutôt dans le camp des Français après cette première semaine. Vos pronostics pour la suite des Jeux ?
Le biathlon est un sport où il faut prendre beaucoup de paramètres en compte : la condition physique bien sûr, mais aussi la glisse et le résultat au tir. Le vent était la grosse inconnue des premiers jours des Jeux. A priori, il est moins pénible que prévu, par rapport à la première semaine d'entraînement. Quentin Fillon-Maillet est libéré : ce qui lui arrivera derrière c’est du bonus.
Félicien Rondel
Édité par Camille Bluteau