À l’échelle planétaire, le changement climatique n’a pas d’impact sur la fréquence et l’intensité des tremblements de terre, même si ses conséquences peuvent faire varier la sismicité localement et de façon limitée.
Une faille de plusieurs kilomètres est apparue dans la région de Hatay en Turquie. Image d'illustration / Creative Commons.
« Le changement climatique provoque plus de séismes. » C’est le titre d’un article d’opinion publié sur le site anglophone d’Euronews le 9 février dernier, trois jours après les tremblements de terre qui ont secoué le sud de la Turquie et la Syrie. L’auteur y affirme qu’ on « ne sait pas avec certitude ce qui a déclenché cette horrible catastrophe naturelle ». Existe-t-il vraiment un lien entre les bouleversements du climat et les séismes ? Deux sismologues de l’École et observatoire des sciences de la Terre de Strasbourg nous répondent.
Un mécanisme qui vient des profondeurs de la Terre
« Il faut arrêter de vouloir toujours tout relier au changement climatique ! », peste Jérôme Vergne lorsque nous lui posons la question, avant d’ajouter que, « d’une manière générale, les séismes sont une manifestation de l’activité interne de la Terre, [NDLR: noyau et manteau] et non pas de l’activité externe [NDLR: océans et atmosphère] ».
Pour expliquer le mécanisme des tremblements de terre, le chercheur assimile la planète à une énorme « machine thermique ». Tout commence en profondeur, où des réactions radioactives génèrent de la chaleur dans le noyau et le manteau terrestre. Cette chaleur s’échappe vers la surface de la planète par « convection », c’est-à-dire en se déplaçant à travers les fluides. « C’est comme quand on met une casserole d’eau à bouillir : on voit des mouvements circulaires qui font remonter l’eau chaude vers la surface », précise Jérôme Vergne. Ces mouvements de convection dans le manteau entrainent les plaques tectoniques, qui se déplacent de manière « saccadée ». « Des frictions peuvent alors apparaître, et provoquer des séismes », conclut le chercheur.
Pas d'effet sur les gros séismes
Cette règle générale explique la plupart des tremblements de terre, et notamment celui qui a secoué la Turquie et la Syrie. Il existe néanmoins quelques exceptions liées au changement climatique. « Si on veut rentrer dans le détail, il y a des études qui montrent que des variations de l’épaisseur de la glace en Antarctique ou en Arctique peuvent très localement influencer l’activité sismique », illustre Jérôme Vergne. Son collègue Luis Rivera détaille le processus : « les glaciers sont comme des rivières de glace qui glissent doucement vers la mer, puis se déversent dedans de manière abrupte, avec des morceaux qui se détachent ». « On va alors relâcher une force qui s’exerce sur une plaque, ce qui peut faciliter les glissements le long d’une faille et déclencher un peu de sismicité », analyse Jérôme Vergne. « La magnitude dans ce cas-là sera faible, environ 3 ou 4, complète Luis Rivera. Les "vrais" séismes, je n’en connais pas qui soient liés au changement climatique. »
Des études encore très discutées dans la communauté scientifique semblent également montrer que l’eau qui s’infiltre dans une zone de faille lors de fortes précipitations pourrait faciliter les glissements entre plaques.
Si le changement climatique peut faire augmenter localement la sismicité, les deux chercheurs sont unanimes : ces phénomènes sont anecdotiques à l’échelle planétaire. Jérôme Vergne résume: « Il s’agit seulement de petits effets locaux qui n’expliquent pas la sismicité terrestre au sens large. »
Juliette Vienot de Vaublanc
Édité par Quentin Celet