« Les Français sont-ils paresseux ? » titre l’hebdomadaire allemand Der Spiegel sur les contestations de la réforme des retraites, en France. Entre étonnement, critique, et encouragement, le projet de loi interpelle la presse étrangère.
Les médias étrangers sont divisés sur la pertinence des manifestations contre la réforme des retraites en France. © Montage : Luca Salvatore
Depuis que le gouvernement a annoncé une réforme des retraites avec notamment un report de l'âge de départ de 62 à 64 ans d'ici 2030, le pays se tend. Le reste du monde observe l’Hexagone avec curiosité – et une bonne dose d’amusement.
« Partir à la retraite à 64 ans avec une pension complète, beaucoup de personnes en Europe ne peuvent qu'en rêver », constate Die Tageszeitung, quotidien de gauche allemand. L’âge de la retraite en France est beaucoup plus bas que dans la plupart des autres pays européens : l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne ont décidé de le porter à 67 ans, au Royaume-Uni il est de 66 ans.
Die Tageszeitung estime pourtant que la simple comparaison avec l’âge légal de départ dans d’autres pays « n’est toutefois pas pertinente », vu le contexte français très particulier. En effet, depuis que le président socialiste François Mitterrand a abaissé l’âge de départ à 60 ans en 1981, cette retraite plutôt précoce est considérée par une partie des Français comme un acquis social et « une pièce maîtresse » de toute la politique sociale. L’âge de la retraite serait donc devenu « une vache sacrée » – et le relèvement de ce dernier pour les personnes nées après 1961 équivaut donc « à l’abattage annoncé » de l’animal, explique le journal en filant la métaphore.
La presse britannique tacle les grévistes
Même son de cloche dans les colonnes du Spiegel. Si une telle résistance contre une réforme assez « douce » peut être perçue comme « ridicule », Britta Sandberg, journaliste pour cet hebdomadaire de référence allemand, observe qu’il ne s’agit plus, depuis longtemps, d’un combat contre deux années de travail supplémentaires, mais d’une « bataille de crédibilité politique, de promesses non tenues et, comme toujours dans les conflits sociaux en France, de lutte des classes ». On pourrait presque y lire une certaine admiration pour les Français qui ne cessent de s’y opposer.
En revanche, la presse au Royaume-Uni, un pays qui connaît très peu de manifestations, se montre plus dubitative. Le Daily Telegraph, un quotidien conservateur, compare la grève en France à « un sport national », où les travailleurs sont si souvent en grève « qu’ils en oublient pour quel emploi ». La poursuite de la grève dans les transports, les hôpitaux et les dépôts de carburant pourrait « paralyser le pays », souligne la BBC, en évoquant le possible échec d’une « une réforme sérieuse ».
Le New-York Times souligne la productivité des Français
De l’autre côté de l’Atlantique, le New York Times dépeint les Français et leur « mentalité, où la vie active est vue comme une corvée, et la retraite comme une libération. » Les récentes manifestations ne viennent pas sans « un air de déjà-vu », commente l’éditorialiste et historien Robert Zaretski pour le journal américain qui s’interroge également : « Les Français sont-ils tout simplement paresseux ? »
Il reconnaît cependant que la productivité au travail des Français est « largement supérieure » à celle de ses voisins européens, dépassant même la moyenne des pays du G7. Et de conclure : si on critique les Français pour leurs aspirations à une retraite précoce, où il resterait du temps pour les loisirs et le bénévolat, alors cela serait plutôt la preuve d’une « paresse d’esprit » des autres pays.
Lucia Bramert
Édité par Luc Herincx