Onze jours avant les élections législatives en Allemagne, le règne d'Angela Merkel semble incontesté. Mais pour la première fois, les députés de deux nouveaux partis pourraient entrer au Bundestag: le « Piratenpartei » (parti des Pirates) et l' « Alternative für Deutschland » (l'Alternative pour l'Allemagne). Dans les sondages, les deux formations atteignent chacune 3 %, mais pour une victoire ils ont besoin de 5 %. Mais les dernières élections ont démontré que les sondages ne sont pas forcément fiables. Si le 22 septembre, l'un des partis dépasse la barre de 5 %, le rapport de force au Bundestag pourrait être modifié. Mais ces nouveaux partis, qui sont-ils ?
Les Pirates : un bateau avec des capitaines changeants
Fondés en 2006, les Pirates sont le premier parti qui organise sa campagne électorale principalement en ligne. Leur sujet de prédilection est la liberté sur Internet. Le parti soutient un nouveau droit d'auteur permettant les téléchargements des films et de la musique. Ils préconisent un libre accès pour tous les documents scientifiques ou artistiques créés avec un financement public. De plus, ils combattent la conservation des données numériques sur le long terme. En Allemagne, elles peuvent être gardées actuellement pendant six ou sept mois.
Leur électorat est composé de jeunes et de diplômés, en grande majorité masculins, d'où de nombreuses critiques de la part de féministes. En réaction, les Pirates ont fait un effort pour mettre en scène des têtes d'affiche féminines comme Marina Weisband, secrétaire générale du parti de 2010 à 2012. Avant son élection à ce poste, elle demandait à ses amis : « Ne votez pas pour moi parce que je suis une femme. »
Les Pirates défendent une philosophie politique fondée sur la démocratie de base et attirent beaucoup de personnes frustrées par les partis traditionnels. Mais cela rend sa ligne politique instable et les leaders du parti changent sans cesse. Des débats infinis sur des questions de détail sans résultats ont provoqué la raillerie de leurs adversaires politiques. En outre, les Pirates n'ont pas du tout profité du scandale Prism, programme de surveillance électronique de la NSA.
L'alternative douteuse ?
L'Alternative pour l'Allemagne s'est créée en février 2013.et a lancé une campagne pour sortir « de manière ordonnée » de la zone Euro et, éventuellement, de réintroduire le deutsche mark. Ils réclament la sortie des pays sud-européens de la zone Euro pour résoudre la crise des dettes nationales. Quant à la politique d'asile, le parti est en faveur d'une « immigration qualifiée ». Seuls les demandeurs d'asile économiquement utiles peuvent entrer en Allemagne. En revanche, l'Alternative veut leur donner le droit de travailler qui leur est actuellement interdit.
Le nom « Alternative » provient d'une maladresse d'Angela Merkel qui présente certains points de sa politique, notamment ses tentatives de sauver l'Euro, comme « alternativlos » (sans alternative). Les Alternatifs se proclament comme des experts de l'économie. Le chef du parti, Bernd Lucke, est professeur de macro-économie. Le membre typique de l'Alternative provient de la classe moyenne, a un haut niveau d'études et est plutôt âgé. La formation attire d'anciens conservateurs et libéraux déçus, mais, et c'est le grand problème du parti, aussi les bruns.
Bernd Lucke n'arrive pas à démentir les accusations d'infiltration de son parti par des adhérents des partis de l'extrême droite au niveau du Länder. Des cadres de l'Alternative avouent publiquement l'entrée de membres de l'organisation « Die Freiheit » parmi eux.
A première vue, les revendications politiques ne sont pas forcément très à droites. Mais l'électorat ainsi que certains membres défendent souvent des positions xénophobes, homophobes ou racistes. Stefan Milkereit, ancien cadre, a soutenu l'année dernière sur son compte Twitter l'existence d'un « gène multi-culturel » qui mènerait à des « mutations » inévitables « si les races se mélangeaient ». Il a vite démissionné. Beatrix von Storch, candidate à Berlin, a écrit une lettre ouverte à un archevêque dans laquelle elle prône une politique de soutien de la famille qui serait « le germe de la société, donc père, mère, enfant ». Signal clair contre le mariage pour tous.
Un score au-delà de 5 % pour un de ces partis serait sans aucun doute une victoire. Si les Alternatifs réussissent, ils affaibliraient les libéraux du FDP. L'alliance chrétienne-libérale serait mise en danger. Deuxième cas : Les Pirates prennent d'assaut le Bundestag . Les perdants d'un tel succès seraient les Verts, la Gauche et les sociaux-démocrates, l'opposition à Berlin. Les deux blocs politiques ont déjà du mal à constituer des majorités stables et personne ne veulent s'allier avec les Pirates ou avec l'Alternative. Ceci dit, la seule option restante serait une grande coalition entre les conservateurs et les sociaux-démocrates qui existait déjà entre 2005 et 2009. A voir si le 22 septembre apportera une surprise.
Philipp Reichert