Alors que 21 coptes égyptiens ont été assassinés par l'organisation de l'Etat islamique dimanche, la vente éclair du Rafale au gouvernement égyptien est critiquée par plusieurs ONG. Pour le ministre de la défense, la sécurité est "l'élément d'urgence pour ce pays".
La vente des Rafale, un contrat de cinq milliards d'euros, lie diplomatiquement la France et l'Egypte pour quarante ans. (Crédit photo pour la Une et ci-contre : Airwolfhound/Flickr)
Pas d'état d'âme. Alors que plusieurs associations de défense des droits de l'homme dénonçaient la vente d'avions Rafale à l'Egypte, Jean-Yves Le Drian a déclaré ce lundi matin que la sécurité passait avant tout. "Le développement et la démocratie, c'est postérieur à la sécurité. Le maréchal Sissi a été élu par son peuple et prépare des élections législatives. La sécurité est l'élément d'urgence pour ce pays", a expliqué le ministre de la défense sur RMC-BFMTV.
La situation en Egypte est particulièrement tendue. Dimanche, l’organisation de l’État islamique (EI) a diffusé une vidéo montrant la décapitation de 21 chrétiens coptes d'Egypte enlevés par l'organisation terroriste. Dans la foulée, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a annoncé un deuil national de sept jours, et a juré de punir les "assassins" de la manière "adéquate", bombardant quelques heures plus tard des positions de l'organisation terroriste en Libye.
Le président égyptien « est confronté au risque fondamentaliste au Sinaï, et doit lutter contre le fondamentalisme de Daesh. La décapitation spectaculaire, morbide, de chrétiens coptes assassinés en Libye par Daesh est une raison supplémentaire d'avoir des éléments de sécurité", a déclaré Jean-Yves Le Drian.
A sa frontière, la Libye est déchirée par un conflit entre les autorités et les dizaines de milices armées qui font la loi depuis la chute de Kadhafi en 2011. Le fondamentalisme islamiste y gagne du terrain, certaines de ces milices ayant prêté allégeance à l'EI. En Egypte, même, Ansar Beït al-Maqdess, implanté dans le Sinaï, s'est rallié à l'EI en novembre dernier, et revendique régulièrement des attentats spectaculaires contre les forces de l'ordre.
Au-delà de la lutte contre l'islamisme radical, "le président Sissi a une nécessité stratégique, c'est d'assurer la sécurité du canal de Suez, par lequel passe une grande partie du trafic mondial", ajoute le ministre. "C'est la première raison de l'urgence d'avoir à la fois les capacités navales et aériennes pour assurer cette sécurité".
Amnesty International France proteste
Peu avant l'annonce de la signature de ce contrat, Amnesty International France avait appelé Paris à "suspendre tous les transferts d'armes" à l'Egypte en raison de la "répression, sans précédent depuis 30 ans" dans le pays. Au micro de France Culture, lundi matin, un militant égyptien des droits de l'homme dénonce le fait qu'en appuyant le régime, la France "accepte, par conséquent, la corruption et la répression" du gouvernement égyptien, et "oublie les prisonniers politiques". Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d'Etat militaire en juillet 2013, le régime de Sissi a jeté 20 000 opposants politiques en prison et tué 2 400 manifestants.
"Nous ne partageons pas toutes les actions menées par l'Egypte, précise M. Le Drian. Mais l'essentiel c'est d'avoir un grand pays comme l'Egypte stabilisé pour assurer demain la stabilité globale de la zone". Un soutien sans faille, donc, qui sera réaffirmé lundi après-midi, avec la signature du contrat de vente des 24 avions rafales au Caire. Un contrat de cinq milliards d'euros, qui lie diplomatiquement la France et l'Egypte pour quarante ans. Et qui soulage financièrement la France, qui a déjà essuyé six échecs à l'exportation du Rafale alors même que la loi de programmation militaire 2014-2019 misait beaucoup là-dessus pour se maintenir à l'équilibre.
Luana Sarmini-Buonaccorsi