Esther Dabert et Valentine Lécayon
* Le prénom a été modifié.
Consciente de ces préoccupations, la municipalité strasbourgeoise semble pourtant engager une réflexion autour de cette problématique. Dans le projet de territoire dévoilé début juillet visant à redynamiser le quartier, les collectifs d’habitants, associations et services de la mairie se sont entendus sur un renforcement des espaces publics adaptés aux jeunes. Si l’initiative semble répondre aux demandes des citoyens, elle n’en est pour le moment qu’au stade des discussions. D’après Kévin, les moyens alloués au centre socioculturel "viennent d’être diminués de moitié par rapport à l’année dernière", ce qui rend d’autant plus saillant le manque de volonté politique.
Flora, 20 ans, travaille à la boulangerie Carciofi, face aux tours du quartier prioritaire du Molkenbronn. Pour elle, ce n’est pas une question d’espace, ni d’éducation mais une question d’âge. En 2016, sa mère est contrainte de déménager : "Ils faisaient des tirs de mortiers dans les caves, la fumée remontait par les aérations, c’était devenu trop désagréable." Pourtant, elle tempère, amusée : "On a tous fait des conneries !"
Anissa* habite près du parc du Gliesberg depuis plus de vingt ans. Elle adore son quartier et n’en changerait pour rien au monde. Ni elle ni ses deux enfants ne fréquentent le CSC, pourtant, la mère de famille ressent elle aussi les tensions qui animent la Montagne-Verte. D’un œil attentif, la maman surveille son fils qui déambule à travers les allées sur sa trottinette. Elle désigne du doigt un carré d’herbe verte : "Une fois, les enfants ont trouvé un fusil dans le parc et un sachet avec des balles."
À qui la faute ?
Quatorze ans plus tard, les jeunes qui fréquentent désormais le centre n’ont rien connu des incidents de 2010, pourtant, Kévin l’assure : "Je sens encore les tensions." Pour lui, le ressentiment se transmet de génération en génération. Il estime que même si "on fait beaucoup pour eux, on sait pas s’ils pourront oublier le mal qu’on leur a fait à l’époque".
Contrairement au projet annoncé, les 1200 m² prévus sont divisés entre le social et le médical et l'espace jeune se trouve relégué dans un local étroit. "C’est dans le couloir qui mène aux toilettes", lâche Kévin avec amertume. Les ados du quartier avaient pourtant été consultés afin de schématiser leurs attentes à propos du futur lieu. "Les jeunes ils y croient quand ils posent leurs dessins", regrette l’animateur. Leur déception est d’autant plus grande qu’ils "pensaient que tous les étages seraient à eux". Dès l’ouverture du centre, des tensions se manifestent entre les responsables et les jeunes du quartier. "Ça a été un ascenseur émotionnel pour les ados de l’époque. Ça a suffi pour qu’ils pètent les plombs."