En avril dernier, le Parlement a appelé à inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Une résolution restée lettre morte depuis, car toute modification demande l’accord unanime des États membres. Cet objectif est partagé par l’initiative citoyenne européenne « Ma voix, mon choix », qui recueille aujourd’hui 1 200 000 signatures. Les regards se tournent désormais vers cette ICE, qui oblige la Commission à se saisir de la question pour en faire une proposition de législation. Mais le Parlement et le Conseil de l’UE pourront toujours la refuser, une possibilité à ne pas écarter au vu des nouveaux équilibres politiques à Strasbourg.
Cette feuille de route arrive trente ans après la Conférence de Pékin de 1995, qui avait obligé les 187 États signataires à mettre en œuvre des politiques publiques en matière d'égalité femmes-hommes. Elle semble pourtant n’être qu’un pas timide où la protection du droit à l’IVG fait défaut.
La procédure de déficit excessif suit plusieurs étapes. Dans un premier temps, la Commission rédige un rapport, montrant les écueils dans le budget de l'État concerné. En tandem avec le Conseil des ministres, si le déficit excessif est confirmé, elle propose des recommandations pour le combler.L'État membre dispose d’un délai de six mois pour prendre des mesures en conséquence. En cas d'inaction, « si la procédure de déficit excessif est poussée jusqu’au bout, les Etats pourraient se voir infliger des sanctions financières », explique Amandine Crespy, spécialiste de l’économie européenne et enseignante à l’Université libre de Bruxelles. C’est le Conseil de l’UE qui impose les sanctions, à savoir une amende pouvant atteindre 0,05 % du PIB de l’année précédente, qui sera renouvelée tous les six mois jusqu’à ce que des mesures soient mises en place.
Le rôle des institutions européennes en question
William JEAN - Morgane JOULIN - Zoé FRASLIN
Pauline Moyer et Paul Marcille
L’avortement est donc menacé au sein de l’Union. Si la plupart des pays européens l’autorisent aujourd’hui - il est légalisé ou dépénalisé dans 25 des 27 États membres, en dehors de Malte et de la Pologne -, en pratique, l’IVG reste fortement limitée dans certains pays.
En Italie, où gouverne le parti d’extrême-droite de Giorgia Meloni, la Première ministre a par exemple autorisé des associations anti-IVG à entrer dans les services de santé pour décourager les femmes d’avorter. Par ailleurs, l’objection de conscience permet aux gynécologues de refuser de pratiquer l’avortement, c’est le cas pour plus de 70% d’entre eux. Eleonora Cirant, militante italienne à l’Unione femminile nazionale, évoque d’autres problèmes d’accès : « Au manque d'informations stables et institutionnelles s'ajoute le dysfonctionnement des services, qui de plus ne sont pas répartis uniformément : plus de 40% des structures médicales ne pratiquent pas l'IVG. »
Mélissa Camara précise que ne pas protéger l’avortement, « c’est faire preuve d’une frilosité coupable, quand les droits des femmes reculent un peu partout », en Europe, mais aussi aux États-Unis, avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir.
Comment reprendre la main sur son propre continent ? C’est la question que s’est posée l’Union européenne à l'occasion de la session parlementaire du mois de mars. Alors que Washington semblait vouloir abandonner le dossier ukrainien, un accord inattendu sur un potentiel cessez-le-feu est intervenu. Quand son principal allié est capable de tels revirements en si peu de temps, pas le choix : il faut se débrouiller soi-même, se dit-on à Strasbourg.
Au revoir l’écologie et le Pacte vert, priorités absolues de la précédente mandature européenne. Dans l’hémicycle, c’est désormais la défense qui est sur toutes les lèvres. L’Europe veut assurer sa sécurité sans l’aide des Etats-Unis. Washington suspend son aide à la Moldavie ? L’Europe compense avec un soutien record pour permettre à ce petit pays, voisin de l'Ukraine, de lutter contre l’ingérence russe.
Pour faire face à la menace de la Russie, qui s’étend désormais aux portes de l’Europe, la Commission a présenté cette semaine au Parlement son plan ReArmEU, avec pour objectif de se renforcer sur le plan militaire. Quelque 800 milliards d’euros seront mobilisés. Un plan d’une ampleur comparable à celui de la relance post-Covid.
L'urgence de la défense de l’UE a ruisselé sur le reste des débats. Même la célébration de la journée des droits des femmes a été éclaboussée par le sujet. Quand l’opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa et la militante ukrainienne Lenie Umerova se sont exprimées face aux eurodéputés, le droit des femmes n’était pas au cœur du propos. Leur véritable message était : « Faites attention, la guerre et l’oppression sont aux portes de l’Europe. »
Joris Schamberger
Un « effet boule de neige » pour l’industrie de l’armement européenne
Un droit menacé en Europe
Cette situation s’illustre dans l’actualité. Mardi 4 mars, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé un plan de 800 milliards d’euros pour réarmer l’Europe. Martin Schirdewan, coprésident du groupe The Left, dénonce la priorité donnée à la défense dans les budgets européens : « On parle de défense comme si c’était un bien public alors que des mesures d’épargne sont imposées pour les secteurs de la santé. »