La droite pointe tout particulièrement du doigt l’objectif affiché par la Commission européenne de diminuer drastiquement l’usage de produits phytosanitaires de 50% d’ici à 2030.
Autre point de crispation, la réintroduction de haies, d’arbres et de petits étangs en vue de favoriser la présence des insectes et oiseaux. Une hérésie pour ces parlementaires : « Nous sommes en train d’en demander trop aux agriculteurs ! », fulmine Norbert Lins.
« Laissez travailler les agriculteurs ! », tempête Norbert Lins, eurodéputé de la droite européenne.
Furieux et offensifs, lui et ses collègues du Parti populaire européen (PPE) ont réquisitionné l’hémicycle du Parlement européen pour se faire les porte-voix de la cause des agriculteurs. Dans leur viseur : deux législations actuellement en cours de négociation à Strasbourg sur la réduction des pesticides et la promotion de la biodiversité.
« Ça ne va jamais assez loin, assez vite »
Malgré les avancées que représente la proposition, les associations écologistes soulignent certaines lacunes. Rémi Demersseman déplore par exemple le fait que les entreprises puissent continuer à étiqueter leurs produits comme “zéro carbone”, alors qu’elles se contentent de planter des arbres pour compenser leurs émissions de CO2. Pour lui, « planter des arbres pour les couper au bout de cinq ans et faire du bois, c’est une connerie sans nom. L’impact écologique est nul », s’exclame-t-il.
« Comme toute démarche de ce type-là, c’est très bien, mais ça ne va jamais assez loin, assez vite », ajoute le président du collectif de lutte contre l’écoblanchiment. Le texte prenant la forme d’une directive européenne, chaque pays membre sera libre de remplir ces objectifs comme il le souhaite. Si la France dispose d’un système de sanctions plutôt strict (emprisonnement, amendes, ordres de retrait des produits du marché), ce ne sera pas forcément le cas de tous les États. Par ailleurs, le texte faisant consensus au sein des institutions européennes, le reste des négociations ne devrait pas poser de problème, permettant une application rapide.
Lisa Delagneau et Mathilde Lopinski
Car depuis son élection en décembre 2021, Olaf Scholz divise. Décrié pour son manque d’autorité au sein de son gouvernement de coalition et son inaction au niveau international, notamment vis-à-vis de la guerre en Ukraine, il est attendu au tournant lors de ce débat.
Une Europe géopolitique pour s’élargir
« Nous avons besoin d’une Union géopolitique, d’une Union élargie et réformée, et d’une Union ouverte sur l’avenir », débute-t-il. Devant une assemblée qui se remplit doucement, le chancelier défend, au cours d’un bref discours de 20 minutes, sa proposition d’élargissement évoquée lors de son allocution à Prague l’été dernier : celle d’une « Europe géopolitique ». Ce projet, qui vise principalement à faire face à la Russie, veut inclure dans le camp européen les pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie), l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Le chef d’État rappelle la perspective d'adhésion à l’Union européenne pour ces pays. « Une Europe géopolitique se mesure aussi à sa capacité à tenir ses promesses auprès de son environnement immédiat », lance-t-il.
Le chancelier poursuit et met, sans surprise, son cheval de bataille sur le front : la question migratoire et les demandes d’asiles. Il appelle à un accord sur une refonte du système d’asile de l’Union européenne avant les élections européennes de 2024. « Nous sommes unis par l’objectif de mieux gérer et réglementer la migration irrégulière, sans trahir nos valeurs. Nous avons besoin de travailleurs originaires de pays tiers, poursuit-il avant de conclure que le passé ne triomphera pas de l’avenir et notre avenir, c’est l’Union européenne. » Sous les applaudissements, le dirigeant allemand se redirige vers son siège, un sourire aux lèvres qui ne tarde pas à s'effacer.
« Nous avons besoin de courage »
Le chancelier n’est pas épargné par les députés européens, et plus particulièrement par les parlementaires allemands. Son principal opposant en Allemagne et président du PPE (droite), Manfred Weber, ne se prive pas : « Nous n’avons plus besoin de discours, nous avons besoin de courage », avant d’ajouter moins de discussions à huis clos, plus de débats au sein du Parlement européen ». De son côté, Terry Reintke, coprésidente des Verts, décrit une image du chancelier qui s’est « ternie au cours de ces derniers mois », en référence aux difficultés rencontrées à unir les trois partis de sa coalition en Allemagne.
Andrzej Halicki, député polonais du PPE, pointe du doigt le chancelier sur la livraison tardive de chars à l’Ukraine. « Où sont les tanks, où sont les armes ? [...] Ne soyez pas un obstacle ! ». Pendant plus d’une heure, Olaf Scholz prend note des critiques proférées par les eurodéputés à son encontre. C’est à son tour de clôturer les débats en rappelant le soutien inconditionnel de son pays à l’Ukraine. « Nous sommes leur premier soutien et nous voulons le rester », lance-t-il. Avant de conclure : « certains l’ont peut-être oublié parce qu’ils sont trop éloignés de notre réalité ». Après quelques photos aux côtés des parlementaires, le dirigeant allemand repart aussi vite qu’il est venu. Il quitte l’hémicycle sans avoir véritablement convaincu.
Kilian Bigogne, Charlotte Gross-Hohnacker et Esther Suraud
Serrage de main, défilé sur le tapis rouge, photos officielles... Pour sa première au Parlement européen, le chancelier allemand se prépare à un débat houleux. Très pressé, Olaf Scholz se prête brièvement au défilé protocolaire habituel aux côtés de Roberta Metsola, présidente de l’institution. Le social-démocrate ne tarde pas à rejoindre la salle de conférence de presse. Durant dix courtes minutes et sous les objectifs des photographes, le chancelier répond à la presse. Le marathon du dirigeant reprend au pas de course en direction de l’hémicycle, au grand désarroi des journalistes présents, désireux de davantage le questionner.
Quel impact pour les citoyens européens ?
Le groupe des Verts se dit satisfait de l’équilibre global de ce texte, et a même réussi à mettre en avant un point important pour eux : l'obsolescence prématurée. En la distinguant de l’obsolescence programmée, le texte donne la possibilité au consommateur de se retourner légalement contre une entreprise, s’il estime, par exemple, que sa machine à laver a une durée de vie anormalement courte. Jusqu’ici, pour être dédommagé, il devait prouver que l’entreprise a volontairement conçu son produit pour qu’il tombe en panne après un temps défini. La législation réglemente aussi la notion de mise à jour logicielle des appareils numériques, comme les smartphones et ordinateurs, qui peut être à l’origine de leur obsolescence prématurée.
Autre levier d’action pour lutter contre la surconsommation : l’indice de réparabilité. Le but est d’informer sur la durabilité des objets réparables comme les smartphones, ordinateurs ou lave-linges avant de les acheter. Une bonne chose pour Rémi Demersseman, président du collectif We are Greenwatching, qui lutte contre l’écoblanchiment. « En affichant la réparabilité, petit à petit, le grand public se familiarise avec le concept et se dit qu’il a le choix. Sur le long terme, ça change tout. » Si cette mesure est déjà déployée en France depuis 2021 avec la loi anti-gaspillage, l’objectif est de l’imposer dans tous les pays membres de l’UE.
Olaf Scholz a été invité le 9 mai au Parlement européen de Strasbourg pour prendre la parole lors d’un débat. Une allocution controversée qui n’a pas recueilli que des applaudissements.
Azilis Briend, Rémi Casalis, Robin Schmidt