Le voile sur les nouveautés du géant américain Apple est levé mardi 9 septembre, à 19h. Iphone 6, Iwatch… autant de rumeurs qui ont alimentés les médias et que la keynote, le grand-messe de la marque à la pomme, confirmera ou non. Herbert Castéran, enseignant-chercheur en marketing à l'EM Strasbourg analyse pour nous la stratégie Apple.
Apple a sorti l'année dernière un iphone 5 « low-cost », le 5c. Apple a-t-elle choisi de se lancer dans les produits plus bon marché ?
Apple est coincé entre deux stratégies. L'une consiste à poursuivre les fondamentaux inculqués par Steve Jobs. C'est-à-dire, privilégier la rentabilité à long terme et de cultiver l'image de la marque. Même si c'est au détriment de la rentabilité à court terme. À l'inverse, l'autre stratégie consiste à maximiser le chiffre d'affaire à court terme, par exemple, en lançant des produits comme l'iphone 5c, plus accessibles, même si à long terme, cela peut avoir un effet néfaste. Actuellement, la gamme des produits apple est celle du luxe. Et c'est ce côté prestigieux du produit qui pourrait être remis en question dans le futur si l'entreprise privilégie le court terme. Ce soir, l'une de ces deux stratégies sera confirmée. Mais attention, car des déclinaisons de produits pourront être proposées les jours suivants.
Dans ce cas, Apple n'envoie-t-elle pas des signaux contradictoires aux consommateurs et au marché ?
Si, cela a commencé avec l'iphone 5c, mais aussi avec le choix de verser des dividendes en début d'année (en mars, il s'agissait de la première fois depuis 1995 N.D.L.R). Sous Steve Jobs, la politique choisie était la suivante : les actionnaires étaient rémunérés non pas avec des dividendes, mais uniquement grâce à la valeur de leur portefeuille en actions. C'était une façon pour Steve Jobs de dire que sa marque était appelée à réussir. En rétablissant le versement de dividendes, Apple montre qu'elle est en fait une entreprise « normale ». Ce qui s'ajoute aussi au fait qu'elle n'est plus productrice, jusqu'à maintenant, d'innovations majeures (comme l'iphone, première génération à l'époque N.D.L.R.). Elle avance par le biais d'innovations mineures (les nouvelles versions de son téléphone par exemple). Ce qui risque de contribuer à la banalisation de la marque.
Il y a donc bien eu une coupure entre l'Apple de Steve Jobs et celle de Tim Cook ?
Selon moi, oui. Et on peut le remarquer ne serait-ce qu'avec les techniques actuelles de communication utilisées par Apple. Sous Steve Jobs, le culte du secret était maintenu jusqu'aux Keynotes, en dehors d'accidents ponctuels (comme par exemple, le prototype d'iphone 4 « perdu » dans un bar). Désormais, l'entreprise fait appel, volontairement ou involontairement, au marketing viral. Elle bénéficie d'une communication extérieure aux circuits habituels, et surtout gratuite. Les blogs et les réseaux sociaux alimentent les rumeurs et les possibles fuites, mais aussi, les relaient. Ensuite la Keynote est là pour alimenter le mythe de l'entreprise. Cette entreprise cherche donc à créer le buzz avant l'annonce de ses produits. Ce qui permet ainsi aux concurrents d'abattre leurs cartes avant l'arrivée du produit d'Apple. Comme avec l'hypothétique Iwatch, qui a vue l'apparition des bracelets connectés, comme celui de Samsung. Même si Apple peut ainsi constater si le marché adhère ou non au concept, elle ne peut pas non plus revoir entièrement son produit, à cause des coûts d'ingénierie nécessaires pour la conception de tels produits. Néanmoins, créer le buzz est une méthode à double tranchant. À la compagnie de ne pas décevoir les attentes de ses clients…
Propos recueillis par Julien Pruvost