Plus le Brexit approche, moins on sait à quoi il va ressembler. En décembre, toute la communauté européenne célébrait l'accord obtenu entre les 27 et le Royaume-Uni. Maintenant qu'il faut le signer, Theresa May en rejette en bloc les principes.
Theresa May says "No UK prime minister could ever agree to the draft agreement," in PMQs, referring to the draft Brexit agreement she agreed to in December
— James Rothwell (@JamesERothwell) February 28, 2018
« Aucun premier ministre britannique ne pourrait jamais l’accepter », a lancé Theresa May devant la Chambre des communes mercredi 28 février. Accepter quoi ? Le texte détaillé de l'accord de divorce avec l'Union européenne, concocté par la Commission. Elle l'avait pourtant validé dans les grandes lignes en décembre.
Les options norvégiennes et canadiennes rejetées
La première ministre britannique veut « un nouveau modèle » pour la relation entre Londres et les 27. Jeudi 1er mars, elle a rejeté dans un long discours les partenariats extérieurs de l'UE existants. La solution canadienne, sur le modèle du CETA ? Elle ne va pas assez loin. La solution norvégienne et la reconnaissance du droit de l'UE qui va avec ? Trop contraignante.
Que veut Theresa May ? Une « relation équilibrée », avec un « mécanisme d'arbitrage indépendant » pour régler les différends entre Londres et Bruxelles, a-t-elle lancé lors de son discours. Cela ressemble fort au TIPP, ce partenariat transatlantique rejeté par l'opinion publique européenne. Theresa May rejette les accusations de picorage, de « cherry picking », sinon, dit-elle, « toutes les négociations internationales seraient du picorage ».
En réalité, elle se comporte comme si le Royaume-Uni était le seul partenaire extérieur des 27, se plaçant en position de force, alors que les tensions politiques qui minent Londres depuis le référendum du Brexit ne jouent clairement pas en sa faveur.
L'Irlande, équation insoluble
Autre sujet qui fâche : l'Irlande du Nord. En décembre, les parties, dont le Royaume-Uni, s'engageaient à ne pas recréer de frontière physique entre le Nord et le Sud. Pas de frontière, c'est le Nord qui reste dans l'union douanière. L'un ne va pas sans l'autre, comme le rappelaient les députés européens en décembre à Strasbourg. Bruxelles s'en tient à cette vision dans son projet d'accord de divorce, en proposant une « aire réglementaire commune » entre le Nord et le Sud de l'île.
Corollaire inacceptable pour Londres : l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Ecosse devraient être séparés économiquement de l'Irlande du Nord, un Brexit à deux vitesses en quelque sorte. Dans son discours du 2 mars, Theresa May a catégoriquement rejeté cette éventualité et souhaite toujours trouver une solution permettant de sortir de l'Union douanière et de créer un « partenariat douanier » entre les deux blocs de l'île, sans donner de détails sur cette option.
Il est maintenant urgent de régler les objectifs contradictoires du Brexit, que ce soit sur l'avenir de la relation commerciale ou celui de l'île d'Irlande. Si certains sur place rêvent d'une réunification, la solution la plus simple serait évidemment qu'il n'y ait pas de Brexit du tout. Une relation « sans friction », comme celle que souhaite Theresa May.
Laurent Rigaux