L'île italienne de Lampedusa, débordée, est forcée de transférer des centaines de personnes vers d'autres centres d'accueil. (Photo : AFP / Alberto Pizzoli)
Près de 4.000 migrants ont été secourus en pleine mer, cette semaine. L'une des explications de cette augmentation serait l'aggravation de la guerre en Libye. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, doit s'entretenir vendredi avec ses homologues européens pour évoquer le problème.
"Ils n'ont pas d'autre choix que de venir en Europe. (...) Ils ne peuvent même pas marcher dans la rue sans risquer de se faire tabasser, voire se faire tuer." Contacté par l'AFP, Flavio Di Giacomo, porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), s'inquiète de la situation. Il y a dix jours, un naufrage a fait plus de 300 morts, d'après des rescapés. En seulement une semaine, au moins 3.800 personnes (en majorité des Africains de l'Ouest) ont été secourues au large des côtes italiennes. C'est déjà beaucoup plus qu'en février 2014.
Les violences en Libye expliqueraient en partie cette augmentation. Totalement morcelé et sous contrôle de milices rivales, le pays connaît une véritable guerre civile. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, reçoit vendredi ses homologues de Chypre, d'Espagne, de Grèce, d'Italie, de Malte et du Portugal ainsi que la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, pour aborder la question.
Pillés et sommés d'embarquer
Un nouveau phénomène vient compliquer le problème : en Libye, des milices, qui s'apparentent parfois à des gangs criminels, volent et battent leurs victimes avant de les obliger à monter à bord d'embarcations, hors d'état de naviguer. "Ils nous ont forcé à partir sous la menace d'armes, raconte un survivant à l'OIM. Ils ont frappé beaucoup d'entre nous et pris toutes nos affaires." Amnesty International décrit des bateaux équipés de moteurs de faible puissance, avec trop peu de carburant pour traverser la Méditerranée.
Les faiblesses de l'opération Triton
"On s'attend à énormément d'arrivées" à Lampedusa, confie à l'AFP Flavio Di Giacomo. Le maire de l'île italienne, Giusi Nicolini, dénonce l'inaction de "l’Europe, totalement absente. Nul besoin d’être un expert en politique pour comprendre cela."
De nombreuses ONG pointent du doigt un changement de ligne de l'UE. Selon elles, le programme Triton, mis en place fin 2014 et géré par l'agence européenne Frontex, serait davantage chargé de combattre l'immigration clandestine que de venir en aide aux migrants en détresse. Contrairement au programme italien Mare Nostrum, lancé en octobre 2013. "Il est nécessaire d’établir immédiatement un système de secours en haute mer qui puisse répondre efficacement à cette urgence afin de sauver les migrants au large des côtes libyennes, a déclaré William Lacy Swing, diplomate américain et directeur général de l'OIM. Le système actuel Triton qui patrouille dans la Méditerranée n’est clairement pas adéquat pour faire face à cette situation."
L'année dernière, près de 170.000 personnes ont été sauvées par Mare Nostrum. Selon un rapport du haut Commissariat au réfugiés des Nations unies (UNHCR), 200.000 personnes (dont 60.000 Syriens) ont cherché à rejoindre l'Europe en 2014. Ce chiffre a été multiplié par dix en deux ans.
Gabriel Pornet