La modification de la constitution chinoise permet à Xi Jinping d'être réélu président sans limite du nombre de mandats. Les premières réactions d'intellectuels confirment le durcissement d'un régime de plus en plus autoritaire.
Xi Jinping est à la tête de la République chinoise depuis mars 2013. Crédits photo : Пресс-служба Президента России
Quelles mesures ont été prises par le comité central du parti communiste chinois ?
Dimanche 25 février 2018, l'agence de presse du parti communiste chinois a annoncé que la limitation à deux mandats de cinq ans à la présidence serait effacée de la constitution chinoise. Xi Jinping, au pouvoir depuis 2013, aurait dû quitter ses fonctions en 2023 après avoir été réélu formellement en mars prochain par l'Assemblée nationale populaire, sorte de Parlement chinois.
Xi Jinping exerce déjà les mandats de secrétaire général du parti, l'homme qui détient le véritable pouvoir en Chine, et de chef des armées, qui ne sont pas soumis à une limitation du nombre de renouvellements. Le comité central du parti a également proposé de mentionner la « pensée de Xi Jinping » dans la Constitution. Lors de son congrès en octobre dernier, le président l'avait déjà vue inscrite dans la charte du parti, un honneur que seul Mao Tsé-Tong, le fondateur du régime communiste, s'était vu attribuer.
Cette réforme est-elle une surprise ?
Une mesure de ce genre était attendue, mais pas forcément de cette ampleur : « Je ne m'attendais pas à une telle déclaration ouverte de la part du nouveau régime… Je pensais qu'il s'arrêterait avant » déclarait Susan Shirk au journal britannique The Guardian, ancienne chargée du bureau des affaires d'Asie de l'Est sous Bill Clinton et aujourd'hui enseignante à l'école des relations internationales de l'université de Californie.
Xi Jinping n'avait pas désigné de successeur au dernier congrès du Parti communiste, en octobre dernier, comme c'est le cas d'habitude, ce qui laissait imaginer qu'il resterait un mandat de plus, comme le relève Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques à Challenges.
Quelles ont été les réactions en Chine ?
Dans son pays, Xi Jinping reste peu critiqué notamment grâce à son bilan économique et diplomatique positif. Cette annonce décourage ses détracteurs de s'exprimer ouvertement. Leurs réactions ont été anticipées par le gouvernement qui a déjà censuré certaines entrées sensibles dans les moteurs de recherche sur Internet, comme « Yuan Shikai », ancien président de la République de Chine qui avait dissolu un parlement élu en 1913 et s'était auto-proclamé empereur. L'argument principal en faveur de la réforme est celui de la stabilité politique qui permettra de mener à bien les réformes économiques visant à soutenir la croissance chinoise.
Wu'er Kaixi, dissident qui s'était impliqué dans les événements de la place Tiananmen en 1989 et exilé à Taïwan, craint ,dans le Guardian, que les conséquences de cette décision ne soient « très graves : ça va être de pire en pire, c'est sûr... ». Avec le dissident Wang Dan et d'autres opposants politiques, il a signé une lettre ouverte condamnant cette réforme qu'il qualifie de pas vers la « tyrannie ».
La communauté internationale a-t-elle réagi à cette annonce ?
Cette mesure a été peu commentée par les autres puissances, sans doute pour éviter toute tension avec le président qui a favorisé l'ouverture économique du pays. La Chine s'est affirmée sur la scène internationale, comme le relevait l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, au point de s'autoriser une diplomatie virulente même face à ses grands partenaires.
En revanche, les premières analyses du monde universitaire redoutent un durcissement du régime. Susan Shirk, enseignante à l'école des relations internationales de l'université de Californie, a affirmé « que Xi Jinping se met en position de diriger la Chine en tant qu'homme fort, que leader charismatique – je n'ai pas de problème à dire dictateur – à vie. Cette règle formelle était le seul obstacle qui aurait pu l'empêcher de rester. L'éliminer révèle les intentions de Xi Jinping au grand jour. Il est l'auteur d'une manœuvre politique impressionnante par son succès. »
Xi Jinping est-il devenu indétrônable ?
Ces mesures sont prises dans un contexte d'affermissement du pouvoir personnel de Xi Jinping, avec un développement d'un culte de la personnalité, alors qu'il multiplie les purges d'opposants politiques et accroît la répression sur les défenseurs des droits de l'Homme.
Selon Steve Tsang, le directeur de l'école d'études orientales et africaines de Londres, « beaucoup de choses dépendront de la tendance économique dans les prochaines décennies. Si le taux de croissance se maintient à 6 ou 7 %, alors le monde sera différent dans 20 ans et la Chine sera dominante ». Le scénario contraire pourrait nuire à Xi Jinping, qui serait tenu pour responsable d'éventuels mauvais choix économiques ou politiques, en cas, par exemple, de crise majeure avec Taïwan.
Tom Rafferty, expert sur la Chine à l'entreprise d'analyses et de conseil « Economist Intelligence Unit », estime auprès de CNN (en anglais) que « Xi Jinping est parti pour diriger la Chine jusqu'à ce qu'il meure, décide de se retirer ou soit victime d'une purge. »
Léa Schneider