Le projet de loi contre les dérives sectaires, qui contient un article sur le délit d'abandon de soin, a été adopté mercredi 7 février. Isabelle, présidente de la branche alsacienne de l’Association de défense des familles et des individus victimes des sectes, fait le point sur la situation en Alsace.
Un projet de loi contre les dérives sectaires vise à créer un délit de « provocation à l'abandon ou à l’abstention de suivi médical », condamné d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. © Freepik
Lithothérapie, aromathérapie, hypnose… Depuis la crise sanitaire, les médecines alternatives explosent. Si l’exercice illégal de la médecine et l’abus de faiblesse étaient déjà condamnés, le projet de loi contre les dérives sectaires vise à créer un nouveau délit : la « provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical ». Il sera condamné d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.
Le Sénat avait supprimé cet article lors de l’examen du projet de loi. Dans un avis consultatif, le Conseil d’État avait, lui, estimé que « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ». Isabelle, qui a souhaité garder l’anonymat pour « se protéger du harcèlement lié à cette thématique » est présidente de l'ADFI Alsace, l’Association de défense des familles et des individus victimes des sectes. Elle se réjouit de son côté de ce projet de loi qu’elle considère comme une avancée.
Votre association aide les victimes de sectes, est-ce que les dérives thérapeutiques augmentent ?
Toutes les pratiques issues du développement personnel et du New Age peuvent entraîner des dérives. Il y a des coachs qui en profitent parce que ça rapporte de l’argent et d’autres qui peuvent exercer une emprise. On observe des abandons de soins, des personnes qui passent à côté d’un diagnostic et des radicalisations qui aboutissent à des ruptures familiales et sociales.
Nous avons de plus en plus de signalements de familles à ce sujet. Si les dérives thérapeutiques sont très visibles depuis le confinement, elles existent depuis des années. Dans les années 1990, déjà, le vaccin de l'hépatite B est accusé de provoquer des maladies neurologiques.
L’Alsace est-elle particulièrement touchée par le phénomène ?
Nous sommes à la frontière de l’Allemagne et de la Suisse, qui sont très portées sur certaines dérives comme l’anthroposophie [mouvement de pensée qui se veut proche de la nature. Il est appliqué dans de nombreux domaines notamment la médecine avec des médicaments issus de plantes et de minéraux, ndlr]. Le siège de la Société anthroposophique est d’ailleurs en Suisse.
Il y a beaucoup de médecins alternatifs dans les environs. Certains de mes amis vont voir des médecins en Allemagne qui leur font des prises de sang pour détecter tout un tas de choses ou qui soignent la maladie de Lyme avec des poudres de perlimpinpin. Les gens peuvent dépenser des milliers d’euros là-dedans.
Que pensez-vous de l’article qui vise à condamner d'un an de prison et de 15 000 euros d’amende la provocation à l’abandon ou à l'abstention de soin ?
Actuellement, la loi n’est pas assez punitive. Ce projet de loi va dans le bon sens puisqu'il est très dissuasif. Mais les dérives sectaires sont très difficiles à prouver. Nous sommes confrontés à la liberté de croyance. On ne peut pas forcer quelqu’un à ne pas croire à une thérapie alternative dont il a l’impression qu'elle lui fait du bien. Avec l’association, nous trouvons d’autres stratégies pour protéger les victimes. Quand on s’enferme en communauté et qu’on se prend pour une élite, on en arrive vite à contourner la loi. Quand ces personnes entrent dans l'illégalité, c’est là qu’on peut intervenir.
Propos recueillis par Adélie Aubaret
Édité par Mina Peltier