5.000 rebelles devraient être formés sur le sol turc à compter du mois de mars. Photo: Fadi al-Halabi Agence France-Presse
A la suite d'un accord signé jeudi, les États-Unis devraient former au moins 5.000 rebelles syriens sur le sol turc. Mais des questions demeurent sur le profil des combattants qui seront concernés par le programme. Et surtout sur leurs cibles futures.
Il aura fallu plusieurs mois d'âpres négociations pour que les États-Unis et la Turquie signent un accord visant à entraîner des rebelles syriens. Mais cette signature ne signifie aucunement la fin des dissensions entre les deux alliés, notamment en raison de désaccords portant sur la composition et les futures missions de cette force. L'accord, similaire à ceux signés avec l'Arabie Saoudite et le Qatar, prévoit que des militaires américains équipent et assurent la formation de combattants sur le territoire turc. Le programme devrait débuter au mois de mars et concerner 5.000 rebelles au cours de la première année. Un programme de ce type existe déjà en Jordanie, où les forces spéciales américaines forment des combattants syriens depuis 2013.
Combattre Assad ou l’État islamique ?
S'ils sont parvenus à un accord, Américains et Turcs, alliés au sein de l'Otan, ne partagent pas exactement les mêmes buts. L'objectif principal de la Turquie n'est autre que la chute du régime syrien de Bachar-el-Assad. Les États-Unis visent surtout à lutter contre le groupe État islamique, qui contrôle plusieurs villes dans le nord de la Syrie. Une lutte menée depuis septembre 2014, principalement par le biais de frappes aériennes.
Or, cette politique américaine inquiète Ankara. La Turquie craint notamment que l’État islamique ne décide de représailles en menant des attentats sur son sol. Un rapport des services secrets turcs, relayé jeudi par l'agence de presse Reuters, indiquait que plusieurs cellules terroristes installées dans le pays travailleraient à la préparation d'attentats suicide. Et un évènement récent vient renforcer la crainte des autorités. Le 6 janvier, un attentat suicide commis dans le centre d'Istanbul par une jeune tchétchène revenu du djihad en Syrie avait causé la mort d'un policier.
La Turquie soupçonnée de soutenir certains djihadistes
Une autre question porte sur les modalités du recrutement des rebelles qui bénéficieront du programme de formation. La Turquie accueille près de 1,5 million de réfugiés syriens ayant fui les combats. Un vaste réservoir de combattants potentiels au sein desquels peuvent se trouver des éléments radicaux. Les États-Unis entendent donc se montrer très vigilants dans la sélection des rebelles, afin de ne pas entraîner des combattants proches de l’État islamique ou d'autres groupes hostiles à la politique américaine dans la région.
La Turquie, qui vise avant tout la chute du régime Assad, se montre moins regardante vis-à-vis des combattants djihadistes qui luttent contre l’État syrien. Elle est régulièrement accusée, y compris par son allié américain, de laisser des militants islamistes franchir sa frontière pour se rendre en Syrie. Un article paru la semaine dernière dans le journal Cumhuriyet, accuse même l'armée turque d'avoir facilité une offensive menée en mars 2014 par des djihadistes contre une ville tenue par le régime syrien, près de la frontière turque.
Autre source de désacord entre Ankara et Washington : l'armement des forces kurdes en Syrie. Les autorités turques excluent toujours de venir en aide aux Kurdes syriens qui luttent contre l’État islamique dans le nord de la Syrie, notamment autour de la ville de Kobané, libérée le 26 janvier. Ils affrontent aussi épisodiquement le régime d'Assad. Les autorités turques jugent ces rebelles trop proches du parti indépendantiste kurde du PKK. Les Etats-Unis fournissent, eux, une assistance à ces combattants sous la forme d'un appui aérien.
Raphaël Boukandoura