Depuis le début de l’année, le puissant syndicat IG Metall réclame des hausses de salaire et une réduction du temps de travail. Face au refus des industriels, IG Metall a annoncé samedi des grèves de 24 heures dans plus de 250 usines en Allemagne.
Samedi à Böblingen, dans le Bade-Wurtemberg, la 4e phase des négociations a échoué entre IG Metall et le patronat allemand. Au lieu des 3, voire 4 % d’augmentation habituellement demandés, le puissant syndicat exige une augmentation des salaires de 6 % pour les 3,9 millions d’employés qu’il représente. Et pour la première fois de son histoire, IG Metall abat la carte d’une réduction du temps de travail : une semaine de 28 heures. Refus catégorique des industriels ce week-end. Jörg Hofmann, président d’IG Metall, reproche à l’industrie de bloquer « la modernisation du monde du travail ». IG Metall a alors annoncé une grève de 24 heures, entre mercredi et vendredi. Un mouvement inédit qui va toucher 250 entreprises allemandes.
En Allemagne, le puissant syndicat IG Metall demande d'augmenter de 6% les salaires des 3,9 millions de salariés du secteur et la possibilité de passer à 28h https://t.co/lep9mECe4t
— Justin Delépine (@justin_delepine) 29 janvier 2018
IG Metall pèse lourd et peut se permettre d'être gourmand. Le syndicat représente le cœur de l’industrie allemande : l’automobile, l’électronique et le textile. Et surtout, il a toutes les cartes en main. L’économie allemande va très bien, tous les feux sont au vert. Bref, les entreprises allemandes croulent sous les commandes, mais ne peuvent pas toutes les honorer à défaut de main-d'oeuvre suffisante. Le chômage est historiquement bas : 5,3 % d’après l’Agence de l’emploi.
Le modèle « Trumpf »
Depuis 2016, l’entreprise Trumpf, spécialiste des machines de découpe laser, permet à ses employés de faire évoluer leur temps de travail en fonction de leurs conditions de vie. Une sorte d’emploi à la carte : pendant deux ans, ils ont la liberté de travailler entre 15 et 40 heures par semaine. Au siège de Ditzingen, un quart des salariés ont opté pour cette flexibilisation du travail. Et, contre toute attente, « ceux qui voulaient augmenter leur temps de travail étaient plus nombreux que ceux qui voulaient le réduire », souligne Renate Luksa, présidente du comité d’entreprise et membre du syndicat IG Metall.
En jouant le jeu de la flexibilisation du travail, Trumpf a finalement récolté plus de volontarisme de la part de ses employés, et du même coup du syndicat. Ce dernier a accepté que plus de 18 % des salariés de l’entreprise travaillent jusqu’à 40 heures par semaine ; son accord était la condition nécéssaire pour aller au-delà des 35h prévues par le code du travail. Un pari gagnant pour le DRH de l’entreprise, Olivier Maassen : la multiplicité des modèles de temps de travail est « une évidence pour la génération des Millennials ».
D’après l’Office fédéral des statistiques, 1,2 million des salariés allemands à plein temps aimerait pouvoir travailler plus. Une même part aimerait faire le contraire. En entamant le débat de la flexibilisation du travail, l’IG Metall se montre prêt à revenir sur le modèle des 35 heures. Un droit pourtant difficilement obtenu en 1984 après sept semaines de conflit social.
Le patronat va-t-il céder ?
Compte tenu du contexte économique favorable en Allemagne, les employeurs assurent être d’accord pour une augmentation salariale inférieure à 5 %. Mais refusent de payer plus ceux qui veulent travailler moins. Et s'ils se disent prêts à introduire une flexibilité du temps de travail, c'est d'abord pour multiplier les contrats de 40 heures hebdomadaires.
En cas de grève, des entreprises comme Daimler ou Siemens pourraient être paralysées. La dernière grève dure d’IG Metall remonte à 2003. L’organisation avait tenté d’obtenir les 35 heures aux « métallos » de l’ex-Allemagne de l’Est qui travaillent toujours 38 heures par semaine. Le syndicat avait échoué.
Simon Cardona