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05/09/17
16:20

Ethnocide en Birmanie

Plus de 123 000 Rohingyas, population musulmane originaire de Birmanie, se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les violences qui sévissent dans l'état d'Arakan. Les affrontements entre la minorité musulmane Rohingya et l’armée birmane ont fait près de 400 morts depuis le 25 août. 

Quelle est la situation actuelle dans l'État d'Arakan ?

Selon l'Organisation des Nations unies (ONU), plus de 123 000 musulmans Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh voisin pour fuir les violences dans l'Arakan. Cet Etat pauvre et reculé à l'ouest de la Birmanie, appelé Rakhine par les autorités, connaît un regain de violence entre une rébellion indépendantiste musulmane Rohingya et l'armée birmane.Vendredi 25 août, les rebelles de l'Arakan Rohingya Salvation Army – l’ARSA, qui dit vouloir défendre les droits bafoués de la minorité musulmane - ont organisé et revendiqué les attaques simultanées d'une vingtaine de poste de police. En réaction, l'armée birmane a lancé une vaste opération. Après dix jours de combat, le pouvoir a annoncé un bilan de 400 morts.

Depuis octobre 2016 et une attaque de l'ARSA, l'armée mène des opérations ultra-violentes dans la région. Des réfugiés témoignent d'incendies systématiques de villages et d'exactions assimilables à des crimes de guerre comme des viols ou des meurtres de civils.

Quelle est la situation des Rohingyas ?

Les Rohingyas, considérés par l'ONU comme « la minorité la plus persécutées au monde », sont un million dans l’État d'Arakan. Selon l'ONU, près de 400 000 vivent dans des camps à la frontière avec le Bangladesh qui décide régulièrement de fermer ses frontières face à l'afflux de nouveaux réfugiés.

Ils sont stigmatisés depuis l'indépendance de la Birmanie, où la nationalité leur est refusée. « En marge de la société, ils n'ont pas le droit de se déplacer hors de l'Arakan. Ils ne peuvent pas pratiquer leur culture, leurs traditions, leur langue. Leur identité culturelle est détruite. En ethonologie, nous appelons cela un ethnocide », explique Salomé Deboos, directrice de l'Institut d'Ethnologie de l'Université de Strasbourg et spécialiste des minorités musulmanes en Asie du Sud. Dans un pays à 90 % bouddhiste, les membres de cette ethnie musulmane sont également exclus du marché du travail, des écoles et des hôpitaux. « Ils survivent grâce aux cultures vivrières et aux ressources de la mer. Mais quand la mousson est catastrophique comme cette année, les cultures sont détruites. C'est une catastrophe aussi bien sanitaire qu'alimentaire », poursuit la chercheuse.

Comment expliquer la spirale de violence ?

Avec la montée du nationalisme birman exacerbé par un courant bouddhiste fondamentaliste, les violences anti-musulmanes se multiplient. Depuis les années 90, le cycle des violences ne semblent pas se calmer. Pour Salomé Deboos, « l'occident doit prendre conscience que le bouddhisme n'est pas seulement une philosophie source de paix mais aussi une religion avec ses excès. Depuis les années 90, il y a une résurgence des mouvements bouddhistes traditionalistes qui prônent le repli identitaire et nourrissent les conflits avec l'islam ». Les enjeux économiques sont également forts. Les autorités birmanes ne veulent pas perdre ce territoire de forêts tropicales, riche en ressources naturelles. « Le bois de teck intéresse particulièrement les autorités », détaille l'ethnologue.

 

Quelle est la réaction d'Aung San Suu Kyi face aux exactions rapportées contre les Rohingyas ? 

La « Dame de Rangoon » adopte une attitude ambiguë. La figure de l'opposition à la junte militaire, prix Nobel de la paix 1991, au pouvoir depuis le printemps 2016, garde le silence sur le sort des Rohingyas. Elle a accusé les « terroristes » Royingyas d'avoir utilisé des enfants soldats lors d'attaques. Elle nie l'existence d'un nettoyage ethnique, expression pourtant utilisée par le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations unies. Le gouvernement refuse également l'envoie d'une mission de l'ONU sur place. Selon Salomé Deboos, Aung San Suu Kyi fait tout pour que son gouvernement ne soit pas renversé par la junte militaire. « Elle est prise entre plusieurs feux. Pour le moment, elle donne la priorité au maintien de la paix à l'échelle du pays pour éviter un nouveau coup d'état. Mais dans le même temps, en tant que prix Nobel de la paix, elle jouit d'une position médiatique internationale et je suis certaine qu'elle cherche une ouverture pour entamer la marche vers la reconnaissance des Rohingyas ». La jeune Pakistanaise prix Nobel de la paix 2014 Malala Yousafzai a critiqué hier son homologue Birmane pour son silence. Fin novembre, le pape François se rendra en Birmanie pour y rencontrer Aung San Suu Kyi. Il tentera à son tour de la sortir de son mutisme.

 

Marine Ernoult 

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