Kimi Raikonnen et sa Ferrari lors des essais de Jerez en Espagne (Crédit Photo Flickr/Paul Williams)
Deux semaines après les premiers essais hivernaux de Jerez (Espagne), le petit monde de la F1 se retrouve mercredi à Bahreïn pour une deuxième période d'essais. À un mois du Grand Prix d'ouverture à Melbourne, le 16 mars, pilotes et ingénieurs ont encore fort à faire pour se plier à la nouvelle réglementation technique.
Pannes en tous genres, surchauffes, séances avortées. En janvier dernier, les premiers essais de pré-saison à Jerez ont été un calvaire pour certaines écuries. La faute au nouveau règlement technique qui a fait suer sang et eau les ingénieurs, sans que ceux-ci puissent trouver la formule miracle. Dans les paddocks, on savait depuis l'annonce du règlement en juillet dernier que la formule 1 allait faire face à une révolution technique. Et on ne fait pas de révolution sans couper des têtes.
Sacrée journée à Jerez. Des écuries pas prêtes, des avaries avant même de démarrer, des pannes au bout de 1 tour, des looks incroyables 1/2
— Thibault_Larue_F1 (@FrenchF1) 28 Janvier 2014
Les équipes ont dû totalement repenser leurs monoplaces 2014, d'où les retards à l'allumage inquiétants constatés à Jerez. Moteur, aérodynamique, consommation d'essence, tout y est passé.
Des moteurs mi-thermique, mi-électrique !
Le plus grand bouleversement, c'est l'arrivée du moteur V6 hybride, en lieu et place des moteurs V8 en vigueur la saison passée. Le groupe propulseur (c'est la nouvelle terminologie), est désormais composé d'un moteur thermique d'1,6 litres (2,4 en en 2013), mais également de deux batteries électriques censées compenser la perte de puissance du moteur traditionnel (environ 150 chevaux de moins pour le V6). La gestion de ces deux batteries s'avère cruciale, tant au niveau performance pure que fiabilité.
Autre changement d'importance : la consommation d'essence. Cette année, une monoplace ne pourra consommer que 100 kilos d'essence pour couvrir la distance d'un Grand Prix. L'an dernier, une monoplace consommait un peu moins de 150 kilos par course. Aller le plus vite possible avec le moins de carburant possible : c'est l'équation sur laquelle ont planché les concepteurs des voitures de 2014.
Pour des raisons de sécurité, le nez des voitures a été abaissé, sa hauteur passant de 55 centimètres à 18,5 cette année. Or, l'air passant sous le bolide est décisif pour maintenir une bonne adhérence (grâce à un système créant une dépression d'air sous la voiture et la plaquant au sol). Pour les ingénieurs chargés de dessiner les bolides, il a fallu trouver un compromis, entre abaissement du nez obligatoire et adhérence nécessaire.
Vettel et RedBull en difficulté, Mercedes en avance
Pendant six mois, les équipes et les motoristes ont planché dans leur coin sur ces nouveautés. Et ces réflexions ont accouché d'options bien différentes.
Grand perdant de la loterie hivernale : Renault. Le moteur français qui équipe la RedBull de Sebastian Vettel a littéralement pris l'eau lors des premiers essais. Seulement 658 kilomètres parcourus pour les trois écuries équipées par Renault contre 3 874 pour les moteurs Mercedes ! La firme allemande a semble-t-il gagné la bataille de la fiabilité, mettant Nico Rosberg et Lewis Hamilton, les deux pilotes de son équipe fanion, en position de force.
L'écurie RedBull, quadruple championne du monde des constructeurs, a vécu des premiers essais catastrophiques : seulement 92 kilomètres parcourus, contre 1 368 pour l'écurie Mercedes. Il semblerait qu'en plus des défaillances de Renault, RedBull ait commis quelques erreurs. En privilégiant une aérodynamique similaire à 2013, Redbull a omis les risques de surchauffe que le nouveau moteur et ses batteries électriques (plus volumineux) allaient occasionner sur le châssis de la RB10. D'où les pannes et les débuts d'incendies aperçus à Jerez.
Du côté de Toro-Rosso et Caterham, également motorisées par les équipes de Viry-Châtillon, le bilan n'est guère plus réjouissant. Lotus-Renault n'a même pas fait le déplacement à Jerez.
Graphique - Distance en kilomètres couverte par chaque équipe à Jerez. #F1 pic.twitter.com/RY6BerPLC6
— Grégory Demoen (@GregF1i) 2 Février 2014
Le "NoseGate"
Mais ce qui choque le plus les suiveurs, c'est le design de ces F1. Le dilemme aérodynamique a été résolu (ou pas) de différentes manières par les écuries, chacune choisissant des options bien différentes et rarement très esthétiques. En décembre dernier, Cyril Abiteboul, le manager français de la modeste écurie Caterham déclarait à Reuters que les voitures feraient faire « des cauchemars » aux enfants. La découverte de la Caterham nouvelle version à Jerez semble lui donner raison :
We have the first on track photos of the CT05: http://t.co/WqGhCFIc8z pic.twitter.com/3178L4ycGh
— Caterham F1 Team (@CaterhamF1) 28 Janvier 2014
Sur sa page Facebook, Jean-Eric Vergne, pilote Toro-Rosso, se moque du look de sa voiture.
(Crédit Photo : Scuderia Toro Rosso)
L'écurie Lotus a choisi une option radicalement différente avec un double nez qui ne passe pas inaperçu dans les paddocks.
(Crédit photo : Lotus F1 Team)
Bouleversement technique = bouleversement sportif ?
Le plateau 2014 sera donc très divers, tant du point de vue moteur qu'aérodynamique. La nouvelle donne technique a rebattu les cartes. Sébastian Vettel, quatre fois champion du monde, n'aura peut-être pas cette saison une voiture à la hauteur de son talent. Si Renault a semble-t-til résolu certains soucis liés à son moteur, l'écurie autrichienne a pris un retard considérable dans le développement et son option aérodynamique pourrait ne pas être la bonne. Confirmant son retour en forme de l'an passé, Mercedes semble transformer l'essai en ce début de saison du point de vue de la fiabilité, ce qui devrait être décisif lors des premiers Grand Prix. Ferrari semble aussi à son avantage, de même que McLaren, qui sort d'une saison 2013 catastrophique. En queue de peloton, Lotus, absente des premiers essais, et donc RedBull. Des innovations, des choix stratégiques risqués et une fiabilité qui reste à démontrer : le début de saison devrait être riche en surprises.
Maxime Mainguet