Confrontées à la fermeture des remontées mécaniques, les stations de sport d'hiver de la route des Crêtes, dans la région, tentent de compenser les pertes financières de l’alpin en proposant des activités nordiques.
La station du Lac Blanc contient 70 kilomètres de pistes de ski de fond. © Cyrielle Thevenin
Les parkings sont bondés, la neige domine le décor. Un tableau naturel pour une mi-février dans les Vosges alsaciennes. Mais en regardant de plus près, un détail détonne. Si le bas des pistes grouille de monde, plus le profil s’élève, moins les skieurs sont nombreux. En cause : les remontées mécaniques sont à l’arrêt depuis le début de la saison, sans perspectives de réouverture. "Ça fait forcément mal de les voir ainsi", confirme Arnaud, loueur de ski à la station du Lac Blanc (Orbey, Haut-Rhin). Comme tout le secteur du ski alpin, il a été contraint d'adapter son activité. Désormais, les raquettes, luges et autres skis de fond ont remplacé les skis alpins.
"En février, la vallée est bondée normalement. Cette année, ce n'est pas le cas", observe Arnaud, loueur de ski. © Cyrielle Thevenin
À la sortie de son chalet, Arnaud et Nathalie s’essaient justement aux raquettes avec leurs enfants, Délia, 9 ans, et Elias, 6 ans. "Nous avions réservé en septembre… On est un peu déçus de ne pas skier mais c'est quand même sympathique", déclarent-ils. Comme eux, Hervé et Florence ne s’imaginaient pas renoncer à leur séjour annuel à la montagne. Skis de fond aux pieds, ils reviennent de leur excursion du jour à un rythme modéré. "Nous n’avons pas pris de cours alors, on a du mal", sourit Hervé. "C’est dur", confirme son fils cadet Pierre, 9 ans, guère enchanté par l’expérience. Florence est plus enthousiaste : "J'aime beaucoup ! C'est moins traumatisant, plus reposant, on est plus proche de la nature." Christophe, 51 ans et son fils Hugo, 19 ans, sont eux "prêts à tout" pour faire du ski alpin. Ils sont montés en raquette en haut des pistes juste pour le plaisir de la redescente. "Je voulais voir ce que j'avais dans le ventre", avoue Christophe en rangeant ses skis dans sa voiture. Pari gagné, mais ce sera la seule expérience : la piste est trop mauvaise.
Elias, Nathalie, Delia et Arnaud (de gauche à droite) ont troqué les skis alpins pour les raquettes. © Cyrielle Thevenin
Florence, Antoine, Pierre et Hervé (de gauche à droite) se sont mis au ski de fond. Une activité appréciée par les parents, moins par les enfants. © Cyrielle Thevenin
Un afflux difficile à maîtriser
Jusqu'à cette semaine, la neige était pourtant présente en masse dans la station. Un petit don du ciel pour les professionnels de la montagne, qui ont pu attirer grâce à elle de nombreux touristes, venus profiter de la nature et redécouvrir leur région. Première activité à en bénéficier, le ski de fond a connu un réel essor cette saison. "On a une progression de 100% de notre fréquentation, affirme André Grob, responsable du ski de fond à la station de Markstein - Grand Ballon (Haut-Rhin). Certains week-ends, c'est la folie des grands jours. Les gens ne savent plus où aller et les piétons et utilisateurs de raquettes empiètent sur les pistes de fond".
Tire-fesses, télésiège et autres remontées mécaniques : tous sont à l'arrêt forcé cet hiver. © Cyrielle Thevenin
Face à tous ces randonneurs, difficile parfois pour les stations de parvenir à faire face à cet afflux. "Avec les remontées mécaniques, on parvient à centraliser les pratiques. Là, la masse de personnes est diluée et c'est difficile", explique Michaël Barthelmé, directeur du syndicat mixte du Lac Blanc. D'autant qu'une grande partie de ces nouveaux touristes ne connaissent pas bien la montagne, ce qui a pu générer certains problèmes; à Noël notamment. "On trouvait des personnes en ski alpin sur les pistes de ski de fond, d'autres venaient en jogging - baskets dans la neige et nous appelaient à l'aide deux heures après", se souvient-il. Il constate également que la zone de quiétude des animaux est de moins en moins respectée.
Autre difficulté, celle de parvenir à assurer la sécurité. Plusieurs accidents de luge ont été relevés cet hiver. Et les stations n’ont pas pouvoir de verbalisation et se limitent à de la prévention. D’autres moyens manquent, financiers ceux-ci. Près de 20 000 euros de pertes ont déjà été enregistrés pour la station du Lac Blanc, selon lui. Et le succès du ski nordique ne parviendra pas à compenser les pertes engendrées par la fermeture des remontées. "Une bonne saison de ski alpin, ça nous rapporte 1,8 million d’euros en ventes de forfait. Une bonne saison de ski de fond, c'est 80 000 euros", chiffre Michaël Barthelmé.
Michael Barthlemé craint une "deuxième année noire", après l'hiver 2019-2020 perturbé par un manque d'enneigement. © Cyrielle Thevenin
Difficile, dans ces conditions, de retrouver le sourire. Le 16 janvier, le Gouvernement a autorisé la réouverture des remontées mécaniques pour les mineurs licenciés. Mais, à quatre jours des vacances scolaires dans le Grand Est, la météo devient capricieuse. En cette mi-février, les températures sont fortement remontées, à plus de 10 degrés. "Avec cette hausse du thermostat, il va falloir damer le soir et laisser geler la nuit", indique André Grob. Du côté du Lac Blanc, l'état d'esprit est plus morose. Ce réchauffement est vu comme un pied de nez, au moment où les remontées mécaniques peuvent enfin ouvrir partiellement. Dans son bureau, Michaël Berthelmé soupire : "On a envie de dire : vivement que ça se termine, qu'on passe à autre chose et qu'on prépare l'été !"
Arthur Massot et Cyrielle Thevenin