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Élu sans surprise chef de son parti lundi 14 septembre, Yoshihide Suga a pris aujourd'hui la succession de Shinzo Abe. Adepte d'abdos et fils de cultivateur de fraises, il s'affiche dans la continuité de son prédécesseur à la tête du gouvernement japonais.
"Personnalité manquant de relief", "peu amène", "austère". La nomination mercredi 16 septembre de Yoshihide Suga en tant que premier ministre de la troisième puissance économique mondiale ne crée pas d’émules dans la presse et au Japon. Homme de confiance de l’ancien chef de gouvernement Shinzo Abe, dont il était chef de cabinet puis porte-parole, M. Suga a pris lundi la tête du parti libéral-démocrate (PLD) qui bénéficie de la majorité au Parlement avec le parti centriste Komeito.
Nouilles au sarrasin et abdos
Pour contrebalancer un manque criant de popularité, Yoshihide Suga n’a pas hésité à se présenter sous un nouveau jour aux yeux de la population. Le journal britannique The Guardian affirme ainsi qu’il "commence et termine ses journées en faisant 100 abdos". Surtout, il a récemment clamé son amour pour les pancakes et les noba, des nouilles au sarrasin.
Le nouveau leader du pays au Soleil levant devra gommer une image plutôt négative, y compris auprès de l’opinion publique japonaise. Crédité de moins de 5 % d’avis favorables en juin, présenté comme "désagréable envers les médias", "maire de l’ombre" de Yokohama par le passé, il est aussi désigné comme un "homme politique très adroit pour éliminer ceux qui ne vont pas dans le sens voulu".
Un profil atypique
Contrairement à la plupart des "barons" du parti, Yoshihide Suga n’appartient à aucune des sept factions composant la formation située à droite. Celles-ci se sont rapidement entendues sur son nom en raison de la "continuité" qu’il incarne vis-à-vis de Shinzo Abe. Il a déjà affirmé son intention de poursuivre l’oeuvre de son prédécesseur, resté sept ans au pouvoir. "Même orientation diplomatique, même politique monétaire accommodante, même désintérêt pour les questions environnementales", résume Le Monde sur son site.
Le nouveau leader politique présente toutefois un "profil bibliographique" opposé à son ancien mentor. "Si la plupart des principaux législateurs japonais sont issus de familles politiques de l’élite, M. Suga est le fils d’un cultivateur de fraises et d’un instituteur du nord rural du pays", informe le New York Times en préambule de son portrait. Le jeune Suga a ainsi travaillé dans "une fabrique de carton et à un marché aux poissons", ajoute El Mundo, pour payer ses études de droit à l’université.
Période d'incertitudes
Âgé de 71 ans, le successeur de Shinzo Abe fait face à de multiples défis. Il devra gérer la crise pandémique et ses conséquences, comme la pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale et, à plus long-terme, au vieillissement de la population japonaise. Le maintien des Jeux Olympiques à l’été 2021 sera également un enjeu de prestige pour le pays sur la scène internationale. Dans cette période d’incertitudes, la plus grande reste peut-être celle relative à sa durée dans le fauteuil de Premier ministre. Prévues initialement à l’automne 2021, les élections législatives pourraient être avancées en octobre pour conforter l’assise au pouvoir du Parti libéral-démocrate dans un contexte favorable. La frilosité de l’opinion japonaise au changement pourrait ainsi être le meilleur allié de Yoshihide Suga.
Clément Aubry