Après trois attentats en une semaine, plus de 140 morts et 250 blessés, l'Afghanistan est à nouveau à feu et à sang. Lundi 29 janvier, l'académie militaire d'Afghanistan à Kaboul a été attaquée par l’État Islamique. Cinq soldats ont été tués et dix autres sont blessés.
Samedi, un attentat à l'ambulance piégée, revendiqué par les Talibans, faisait 103 morts dans la capitale. Jeudi dernier, cinq personnes de l'ONG britannique "Save the Children" ont été tuées à Jalalabad, la cinquième ville du pays. L'attaque a été revendiquée par les Talibans. Quelques jours plus tôt, l'attaque de l'Hôtel Intercontinental à Kaboul, elle aussi perpétrée par les Talibans, durait près de 15 heures et faisait 22 victimes, dont plusieurs Américains.
Les 34 millions d'Afghans sont désormais pris en tenaille entre les Talibans, l’État Islamique et l’État Afghan.
Un pays de plus en plus contrôlé par les terroristes
« Nous sommes déterminés à assurer que l'Afghanistan ne redevienne jamais un refuge pour des terroristes », a encore répété Donald Trump au forum de Davos la semaine dernière. Pourtant, les Talibans et l’État Islamique gagnent du terrain.
Ces attentats sont pour la plupart revendiqués par les Talibans. Seize ans après avoir été chassés du pouvoir, et malgré l'envoi de renforts américains l'année dernière, près de 40 % du territoire sont contrôlés ou disputés par les Talibans.
De plus, l’État Islamique s'est récemment implanté dans le pays. Depuis 2015, les rangs de Daech ne cessent de gonfler. Traditionnellement implantée dans l'Est, l'organisation terroriste compte désormais des combattants dans le Nord, près de la frontière avec l'Ouzbékistan. Il y aurait entre 600 et 800 soldats de Daech dans le pays selon l'Etat-major américain en Afghanistan. Dépassée, l'armée régulière afghane doit désormais combattre dans plus des deux tiers des provinces du pays.
Un pouvoir central affaibli
À cela s'ajoute un pouvoir central très corrompu. Plusieurs attaques visaient des lieux militaires ou gouvernementaux hautement sécurisés, laissant penser que les organisations terroristes avaient des appuis à l'intérieur.
Trois ans et trois mois après son entrée en fonction, le président Ashraf Ghani est isolé, y compris dans son propre camp. Les batailles politiques intestines bloquent l'action du gouvernement en matière de sécurité. Lors des attaques de la semaine dernière, des manquements des forces de sécurité et de renseignements ont été dénoncés par des parlementaires. En effet, au sein du gouvernement, les regards sont d'avantage tournés vers la prochaine présidentielle prévue pour 2019. Dans ce contexte, la gouvernance du pays est quasi paralysée par la rivalité entre le président d'origine pachtoune et le chef de l’exécutif, Abdullah Abdullah, d’origine tadjike.
Une politique américaine floue
En août 2017, Donald Trump dévoilait le nouveau plan américain pour l'Afghanistan. Le président des Etats-Unis excluait tout retrait des troupes américaines et se disait même prêt à intensifier les efforts militaires. Par ailleurs, le plan visait à amener les talibans à se mettre à la table des négociations. Mais les récents attentats viennent le contredire. Depuis le début du conflit, les revendications des Talibans sont claires : il n'y aura pas de négociations tant qu'il y aura des soldats américains sur le sol afghan.
De plus, la donne régionale a changé depuis le mois dernier. Alors que le Pakistan voisin était censé faciliter d'éventuelles négociations et jouer un rôle de médiateur, Donald Trump a gelé les 900 millions de dollars d'aide militaire versés au pays, l'accusant de protéger les groupes terroristes qui trouvent refuge sur son sol. Le Pakistan a rétorqué avoir aidé les Etats-Unis à « décimer » Al-Qaïda, pour n’obtenir en retour que « des invectives et de la méfiance ».
Julie Munch