Le Pôle Nord connaît une vague de chaleur exceptionnelle tandis que l’étendue de sa banquise se trouve à un minimum historique pour cette période de l’année.
Les températures enregistrées en ce moment au pôle Nord sont de 25°C supérieures à la moyenne en cette saison. Crédits : Natalia Kollegova
Au-delà du cercle Arctique, dans l’obscurité de la nuit polaire, deux tristes records sont en train d’être battus : celui des températures et celui du volume de glace de mer (celle qui se forme et fond tous les ans) à cette époque de l’année.
La semaine dernière, les relevés de l’Institut météorologique danois ont révélé que les températures en Arctique ont excédé de 25°C la moyenne de la période 1958-2012. Du 16 au 24 février, il a fait 6°C au cap Morris Jesup, une station météo à 650 km du pôle Nord, au lieu des -30°C habituels en cette saison.
Now over 24 hours + in spite of a small dip down to -3.5C* overnight** #KapMorrisJesup is again above 0C .
Station is right under orange blob in N #Greenland.
*Obs have not been QC'd by climatologists yet
**European night - it's permanently night in high #Arctic now pic.twitter.com/RbvxKdvFpT— Greenland (@greenlandicesmb) 21 février 2018
Déjà, en novembre 2016, les températures avaient été supérieures de 15 à 20°C par rapport à la normale. Les records sont désormais battus pratiquement chaque année, mais février 2018 est nettement hors des standards. D’après le chercheur sur le climat, Zack Labe, la température dans une zone si proche du pôle Nord est la plus haute enregistrée depuis février 1958.
Closest to the North Pole (>80°N latitude), #Arctic temperatures are the highest on record for the month of February in this data set.
Red is 2018. Blue [1958] to yellow [2017] lines for each year. "Average" temperature is the bold, light blue line. https://t.co/kO5ufUWrKq pic.twitter.com/jzP6CmvpXO
— Zack Labe (@ZLabe) 22 février 2018
Ce dégel est dû au déplacement vers l’Europe du vortex polaire (tourbillon de vent) qui maintient habituellement l’air froid au dessus du continent glacé. Un air très doux a alors envahi la banquise, engendrant un pic de température. Ce phénomène s’est produit dans une atmosphère plus chaude à cause du réchauffement climatique, deux fois plus rapide en Arctique que sur le reste de la planète. Une étude publiée par la revue Nature en 2015 montre que le Pôle Nord est exposé à des événements de plus en plus intenses avec des températures extrêmes.
Le graphique montre que les températures de l'air en Arctique en janvier 2018 diffèrent des moyennes habituelles. Le jaune, l’orange et le rouge indiquent des températures plus élevées que la moyenne ; le bleu et le violet révèlent des températures inférieures.
Glaces au plus bas
Dans le même temps, selon l’Institut météorologique américain, la banquise est à son plus bas niveau jamais enregistré pour un mois de janvier, depuis que les observations par satellite ont commencé en 1979. Elle court sur une superficie de 13 millions de kilomètres carrés, soit 9,4% de moins que la moyenne pour la période 1981-2010, comme le met en évidence le National Snow and Ice Data Center.
L'étendue des glaces de mer dans l'Arctique en janvier 2018 est de 13,06 millions de kilomètres carrés. La ligne en magenta montre l'étendue moyenne de 1981 à 2010 pour ce mois.
La glace de mer a diminué de plus de 30% depuis 1990. D’après le programme sur l’Arctique de l’Institut météorologique américain, l’ampleur à laquelle la banquise fond depuis le début du XXIe siècle n’a jamais été observée au cours des 1500 dernières années.
Amplification du réchauffement climatique
Glace de mer réduite comme peau de chagrin, températures hors normes, ces deux anomalies sont liées. Elles alimentent ce que les scientifiques appellent le « cercle vicieux du réchauffement climatique ». Les gaz à effet de serre entraînent un réchauffement de l’air et de l’eau en surface, qui limite la formation de banquise. En retour, si la superficie de la banquise diminue, celle-ci n’assure plus totalement son « effet miroir ». Quand les rayons du soleil arrivent sur une surface très réfléchissante comme la banquise, ils sont renvoyés vers l’espace. En revanche, lorsqu’ils arrivent sur une surface sombre telle que l’océan, ils sont absorbés et contribuent à réchauffer l’eau. Sans glace au-dessus qui joue le rôle d’isolant, cette eau réchauffe à son tour l’air. Donc une superficie plus faible de banquise favorise le réchauffement. Qui lui-même favorise une banquise de taille réduite.
Îles de la mer de Béring menacées
La disparition de la banquise bouleverse aussi l’activité humaine. Les villages le long de la mer de Béring (entre l'est de la Sibérie et l'ouest de l’Alaska), habituellement protégés des tempêtes, sont désormais exposés à la montée des eaux. Sans la glace comme tampon, les vagues endommagent les bâtiments installés sur le littoral, comme le montre cette vidéo prise sur l’île de la Petite Diomède :