Le monastère de Tibhirine, où vivaient les moines, se situe dans une région particulièrement reculée de l'Algérie (photo : Wikicommons).
Un homme prétendant être un ex-agent des services secrets algériens accuse l'armée algérienne, et non les islamistes, d'être responsable du massacre des moines de Tibhirine en 1996, indique une source proche de l'enquête.
Depuis 1996, le mystère autour de l'enlèvement et le meurtre des sept moines du monastère algérien de Tibhirine reste entier. La version officielle des faits présente encore des zones d'ombre. Près de vingt ans plus tard, la France continue sa propre enquête. Le nouveau témoignage, recueilli le 21 janvier dernier par le juge Marc Trevidic, accuse cette fois directement l'armée algérienne. Le témoin est un homme prétendant avoir été chargé dans les années 2000 d'infiltrer les rangs islamistes. C'est au cours de cette période qu'il a pu voir et entendre des éléments compromettants pour l'armée algérienne. Il évoque notamment des sommes remises à des familles de terroristes par les services algériens. L'une des anecdotes les plus troublantes s'est produite lorsqu'il a voulu quitter les services secrets, fin 2009, début 2010 : l'un de ses officiers l'aurait menacé de "lui faire la même chose que ce que l'un de ses supérieurs aurait fait aux moines".
Jusqu'à présent, la principale piste était celle d'un crime commis par le Groupe islamique armé (GIA), le principal ennemi de l'armée algérienne lors de la guerre civile algérienne. Un groupe terroriste responsable des attentats de 1995 à Paris, dont celui du RER B à Saint-Michel. L'attentat avait fait huit mort.
Cette version des faits est remise en cause dès 2004, lors de l'ouverture d'une nouvelle enquête en France. En 2009, la piste d'une bavure de l'armée algérienne est évoquée par un ancien attaché militaire français. L'armée algérienne aurait tué les moines lors d'un raid d'hélicoptères sur un bivouac de djihadistes. Ce dérapage aurait alors été maquillé en crime du GIA. Pour les familles des victimes, cette thèse est confirmée par le refus d'Alger de fournir à la France des prélèvements des dépouilles des moines pour les analyser.
Le nouveau témoignage doit toutefois être pris avec précaution : outre le fait que les propos rapportés aient été tenus plus de treize ans après la tuerie, l'homme entendu par le juge est actuellement menacé d'expulsion du territoire français.
Arnaud Salvat avec AFP