Au début de l'année, Martin Schulz était considéré comme le sauveur du SPD (parti social-démocrate allemand). Désormais son camp semble en difficulté pour les élections fédérales, prévues le 24 septembre. Le politologue allemand Michael Wehner explique les raisons de la chute dans les sondages du candidat.
Selon les derniers sondages seuls 28% des Allemands souhaitent que Martin Schulz devienne leur chancelier. (Crédit photo : Wikimedia Commons)
Quand Schulz a été nommé candidat à la chancellerie au début de l’année, il était considéré comme porteur d’espoir pour le SPD (parti social-démocrate). Le parti montait dans les sondages et comptait 4 600 nouveaux membres ont adhéré dans les deux semaines qui ont suivi sa nomination. Pourquoi Schulz a-t-il suscité un tel espoir ?
"Il faut prendre en compte la situation du SPD en février : le parti patinait, tout le monde pensait que Sigmar Gabriel (NDLR : vice-chancelier et à l’époque président du parti socialiste) serait celui qui défierait Angela Merkel et qu'il ne représenterait pas vraiment une alternative à la politique de la chancelière. En présentant Martin Schulz comme candidat, le SPD a réussi un coup de maître. Cet eurodéputé relativement méconnu a été soutenu à 100 % par les autres membres de sa formation et l’enthousiasme au sein du parti a provoqué un engouement médiatique. Les médias ont pris le train en marche. Le « Schulz-Effekt » (l'effet Schulz) était né."
Le phénomène Schulz est-il désormais révolu ? Seulement 28 % des Allemands le voit comme chancelier, contre 57 % pour Merkel…
"Les médias ont amplifié le phénomène Schulz. Ce n’était qu’un feu de paille, le SPD n’en a pas retiré beaucoup de capital politique. Cela s’est manifesté par trois pertes dans les élections des Länder en 2017 (NDLR : le SPD a perdu en Nord-Rhin-Westphalie, en Sarre et en Schleswig-Holstein).
La CDU (parti chrétien-démocrate) a aussi habilement étouffé le « Schulz-Effekt » : le parti a notamment durci sa politique d’asile des réfugiés et a ainsi réagi aux reproches qui l'accusaient d’être trop laxiste vis-à-vis des immigrés. De plus, Merkel est restée calme. Elle ne s’est pas laissée impressionner par le succès soudain de Schulz."
La politique d’asile a aussi été portée par le SPD. Est-ce que Schulz ne parvient pas à se différencier de la CDU sur beaucoup de projets parce qu’ils travaillent ensemble dans une grande coalition ?
"Oui. On l’a vu lors du débat télévisé dimanche soir. Il n’y avait aucune confrontation et aucune controverse. Depuis 2005, le SPD est coresponsable pour les décisions du gouvernement. Schulz peut donc difficilement attaquer la politique de son propre parti. Il marche sur la corde raide."
Dans sa campagne, Schulz mise sur l’équité sociale. Est-ce la bonne stratégie, étant donné que d’autres problèmes semblent plus urgents ?
"L’équité sociale a été le signe distinctif du SPD durant toute son histoire. Schulz doit donc jouer cette carte. Et en Allemagne, de grands problèmes sociaux existent : des gens vivants dans des situations précaires, des travailleurs à faible revenu ou encore des familles monoparentales. Pourtant, ce groupe d’électeurs ne suffit pas pour gagner une l’élection, car 95 % des Allemands pensent que leur économie va bien : la croissance est là et le taux de chômage baisse."
Martin Schulz compte aussi sur les indécis pour gagner l’élection. Peut-il encore l'emporter ?
"Avant la fermeture des bureaux de vote, le soir du 24 septembre, rien n’est décidé, bien sûr. Mais honnêtement, même avec les personnes indécises et les potentiels abstentionnistes, la perspective de victoire reste très faible. Il est assez clair qu’aucun vent de changement ne souffle en Allemagne."
S’achemine-t-on vers une nouvelle grande coalition avec Martin Schulz à sa tête ?
"Oui, la grande coalition est une option réaliste, comme une coalition de la CDU et la FDP (parti libéral-démocrate) ou bien une coalition « Jamaïque » (NDLR : CDU, FDP et Les Verts dont les couleurs de parti - noir, jaune et vert - forment le drapeau de l’île des Caraïbes). Martin Schulz ne pourra pas se dérober à une nouvelle grande coalition, car le SPD a toujours su prendre ses responsabilités. L’Allemagne ne peut pas rester sans gouvernement. En outre, Schulz est d’accord avec son prédécesseur Franz Müntefering, qui disait en 2004 : « L’opposition, c’est de la merde. Laissons-là aux autres, nous voulons gouverner » - même si le SPD reste le parti minoritaire. Mais si le parti social-démocrate réunit moins de 15 % de voix, cela risque d’être difficile de maintenir la grande coalition et de conserver Martin Schulz au sein du parti."
Clara Surges