La Bosnie est secouée depuis deux semaines par des manifestations. Des événements inédits depuis 1995 et la fin de la guerre. Pourquoi la situation a-t-elle dégénéré ?
Les manifestants défilent dans les rues de Sarajevo depuis deux semaines. Photo : Stefanogiantin/Flickr
Après la visite à Sarajevo, mardi, du Commissaire européen à l'élargissement, le ministre grec des Affaires étrangères était lui aussi en Bosnie mercredi matin. Objectif : renouer le dialogue entre autorités et manifestants. Alors que la presse locale parle déjà de "printemps bosnien", voici quelques éléments pour comprendre cette crise.
• Quelle est l'origine de la grogne ?
Parti le 5 février de Tuzla, ancienne ville industrielle du nord-est de la Bosnie, le mouvement a rapidement gagné les principales villes du pays. Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour protester contre le chômage élevé et la paralysie politique du pays. Les plus radicaux ont incendié le siège des institutions régionales de plusieurs grandes villes. Ces heurts auraient fait environ 130 blessés.
Actuellement, les opposants se réunissent au travers de forums citoyens. Ils sont inivités à débattre ensemble par les réseaux sociaux. Ces réunions n'ont pas de leader et ne revendiquent aucune affiliation politique. C'est la première fois depuis les années 1990 que les revendications ne semblent pas trounées vers des questions nationalistes mais plus vers l'emploi. L'ensemble du pays est concerné par le mouvement :
Pour connaître la situation dans les six principales villes du pays, cliquez sur les puces rouges. E.W./CUEJ
• Que demandent les manifestants ?
Les principales revendications concernent les salaires et les privilèges des politiciens. Cette ex-république yougoslave de 3,8 millions d’habitants connaît le plus fort taux de chômage en Europe : 44% de la population active. Le salaire mensuel moyen y est de 420 euros, et près d’un habitant sur cinq vit dans la pauvreté, selon des statistiques officielles citées par l'AFP.
Les Bosniens reprochent à la classe politique d'être toujours engluée dans des querelles politico-ethniques. Près de vingt ans après les accords de paix qui ont mis fin au conflit en Bosnie, les partis serbe, croate et bosniaque (musulman) restent incapables de s’entendre, malgré les pressions de l’Union européenne.
• Comment réagissent les autorités bosniennes ?
Pour l’instant, les autorités n'ont pas apporté de réponses aux revendications des manifestants. Des gouvernements locaux, dont celui de Sarajevo, sont déjà tombés sous la pression de la rue. Ces événements interviennent dans un contexte particulier, à sept mois des élections présidentielles et législatives.
• Que fait l'Union européenne ?
Déjà critiquée pour son inaction dans le réglement du conflit bosnien entre 1992 et 1995, l'UE tente aujourd'hui de se faire entendre. Mardi, le commissaire européen à l'élargissement s'est déplacé à Sarajevo pour rencontrer les deux parties. "Je demande aux responsables politiques de ne pas ignorer la voix des citoyens, a-t-il déclaré à l'agence Reuters. Il est certain que le système politique en Bosnie doit être plus adapté aux besoins des citoyens, en créant les conditions favorables à l'emploi, en rendant la justice plus efficace et la vie plus juste".
Mercredi après-midi, le ministre grec des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, s'est rendu à Sarajevo pour rencontrer à son tour les responsables politiques.
• Quelles sont les défis à venir pour la Bosnie ?
A court terme, il est probable que l'UE décide de renforcer sa pression si les tensions persistent. La Bosnie, déjà en retrait par rapport à ses voisins dans le processus européen d'intégration, n'aura pas d'autre choix que de coopérer, si elle ne souhaite pas repousser encore l'échéance de l'adhésion.
En attendant, le pays reste paralysé par la structure institutionnelle très complexe héritée de l'accord de paix de Dayton, qui fait toujours office de constitution. Ce texte prévoit un partage de pouvoir entre Serbes, Croates et musulmans, ce qui provoque en permanence un blocage politique à cause de disputes interethniques persistantes.
Esteban Wendling