« Privilégiés », « capables de bloquer la France », « accrochés à un statut dépassé », n'en jetez plus, la coupe est pleine ! L'image des cheminots est affaiblie par les éléments de langage de la réforme en cours. Plus d'un Français sur deux serait pour supprimer leur statut. Certains cheminots s'emparent des réseaux sociaux pour démeler le vrai du mythe.
Ils s'appellent Sylvain, Amélie, Cyril, Isaac ou encore Kevin. Ils sont conducteurs ou chefs de bord. Des cheminots connectés, qui racontent en ligne leur quotidien. Certains ont des blogs, où ils partagent leur passion pour les trains, pour la SNCF, pour le service public. Pour ces cheminots 2.0, la réforme annoncée par Emmanuel Macron ne passe pas. Pire, les contrevérités et affabulations sur leur statut les font bondir.
Voila j’ai donc fini ma semaine, je serais de retour sur les lignes dimanche à 17h pour un découché Boulogne 2 jours de repos qui feront du bien, je privilégierais mon compte perso durant ces 2 jours, un peu de distance ne fait pas de mal vu l’actualité. Belle soirée
— Amélie_Chef De Bord (@Amelie_Picardie) March 1, 2018
Amélie, chef de bord à Amiens, fan de l'AS Monaco
Amélie est une tweeteuse compulsive. 16 600 messages en un peu plus d'un an. Depuis l'annonce de la réforme, elle se lance dans le fact-checking. Les 28 février, dans une longue succession de messages, elle fait le tour de ses «privilèges». Elle compare ses congés et RTT à ceux de sa soeur qui travaille dans le privé, propose «pour faire équitable pour tout le monde» de supprimer les billets gratuis pour les politiques et les militaires, publie son salaire de base (1269,09 euros nets), et « découche une à deux par semaine pour le service ».
Je vous parle un peu de mes privilèges! 1/ J’ai 28 congés par an, 116 repos imposés (2 consécutifs placés sur n’importe quel jour) Exemple cette semaine repos vendredi samedi, et la semaine d’après jeudi vendredi... et 10 repos compensateurs imposés dans l’année (RTT)
— Amélie_Chef De Bord (@Amelie_Picardie) February 28, 2018
Cyril, chef de bord, tient aussi à rétablir la vérité sur ces congés. Selon BFM-TV, les cheminots auraient 22 jours de RTT par an. En réalité, ils en ont 10. Certains en ont plus, en compensation de sujétions de travails spécifiques (travail de nuit, le week-end par exemple).
Cher @BFMTV, encore un article mensonger. Je n'ai pas 22 RTT, 10, c'est la règle. Ma base brut 1816,39€ (20 ans) Oui des primes car je travaille les nuits, dimanches & fériés, je ne rentre pas tous les soirs chez moi... Quelles sont vos intentions ?
— Cyril *Chef de Bord (@SNCFcyril) February 21, 2018
Sylvain, agent de circulation, « fainéant en 3x8. Nanti vivant sous le seuil de pauvreté »
« Le salaire moyen d'un cheminot est de 3 090 euros brut, soit 100 euros de plus que le salaire moyen en France. » L'information a été reprise par de nombreux médias. Cette comparaison avec l'ensemble du privé scandalise Sylvain. Il propose de comparer le traitement moyen à la SNCF avec celui des entreprises de plus de 500 salariés, ce qui inverse le résultat.
C'est une idée assez scabreuse de comparer le salaire moyen dans une entreprise avec l'ensemble des salariés. Ca donne quoi le chiffre mensuel moyen brut de 3094€ de la #SNCF face aux salariés des autres entreprises de + de 500 salariés ? Merde, sont payés largement moins... pic.twitter.com/hFDqOwmz0F
— Sylvain, cheminot (@amv_ac) March 1, 2018
Ces tweets jouant la transparence suscitent de nombreuses réactions et contre-attaques. Notamment sur la retraite dorée dont bénéficieraient les cheminots. Sylvain publie alors sa simulation de pension. Résultat : au mieux, pour le moment, 1259 euros nets par mois.
Il est vrai que, quand je fais la simulation de ma retraite, je suis mort de honte devant les fortunes que je vais amasser et l'âge auquel je vais partir.pic.twitter.com/icL4kVUqoB
— Sylvain, cheminot (@amv_ac) March 1, 2018
Mais parfois, trop c'est trop.
Réforme de la SNCF, moi, je dis: "laissons faire". La majorité veut de la merde libérale, qu'on les laisse en manger, double ration, triple ration, jusqu'à ce qu'ils aient les dents du fond qui baignent. Raz le cul de tenter de faire entendre raison à ce tas d'imbéciles.
— Sylvain, cheminot (@amv_ac) February 26, 2018
Au-delà des réseaux sociaux, les cheminots entendent défendre leur statut en brandissant la menace d'une grève d'un mois, à partir du 22 mars.
Laurent Rigaux