Les supporters Ultras d'al-Ahli, équipe de football du Caire, manifestent contre les autorités ce mercredi 15 février dans la capitale égyptienne. Un nouvel exemple des passerelles entre la politique et l'univers du football.
Le drame du 1er février 2012 ne passe pas. Les supporters d'al-Ahli, équipe de football cairote, reprochent aux autorités égyptiennes de n'avoir rien fait pour empêcher des violences meurtrières lors de la rencontre face à Port-Saïd. 74 personnes sont mortes lors des affrontements qui ont remis au centre de la contestation le rôle de l'armée.
Les Ultras d'al-Ahli en groupement politique
Les supporters les plus fervents d'al-Ahli, les Ultras, ont déjà pris part aux manifestations de janvier 2011 lors de la chute d'Hosni Moubarack. Au mois de novembre 2011, ils se joignent également aux heurts contre les violences policières sur la place Tahrir.
Abou Ali est un des membres fondateurs des Ultras du Ahli. Interrogé par France 24, il explique que ce n'est pas dans les habitudes du groupe de se mêler des questions politiques. Plus qu'un simple rassemblement d'Egyptiens concernés par la crise, les Ultras revendiquent leur qualité de supporters de football en reprenant notamment leurs chants: "O gouvernement, prends garde! Nous sommes en colère ce soir! Les supporters du Ahly vont mettre le feu! Que dieu nous apporte la victoire".
Seul changement, sur la place Tahrir, les manifestants remplacent les termes "les supporters du Ahly" par "le peuple égyptien". Début janvier 2012, ils ont même fondé un parti politique regroupant plusieurs groupes ultras du Caire avec pour objectif de “façonner l'avenir de leur pays”.
Livourne, tribune communiste
Dans le virage nord du stade Armando-Picci, les convictions d'extrême gauche s'expriment. Là où est né le parti communiste italien, à Livourne, les supporters ne cachent pas leurs affinités politiques, parfois stalinienne. Même si l'histoire du PCI est désormais finie, le militantisme reste présent.
Souvent trop indépendants pour se revendiquer d'un parti, les supporters de Livourne se sont déjà illustrés sur la scène politique. C'est le cas notamment le 20 décembre 2009 quand l'arbitre de la rencontre Sampdoria-Livourne est obligé de suspendre quelques minutes le match à cause de slogans anti-Berlusconi virulents. Les supporters réclamaient à leur président le recrutement d'un certain Tartaglia qui n'est autre que l'agresseur de l'ancien chef du gouvernement italien. Les tifosi de Livourne font partie d'une mouvance de supporters dits antifascistes.
SS Lazio de Rome, tribune fasciste
l'opposé de Livourne, se situe la tribune de la Lazio de Rome. Longtemps, les supporters se sont entichés de Paolo Di Canio, joueur connu pour ses sorties polémiques et notamment une affection particulière pour le salut nazi adressé en particulier aux tribunes d'adversaires politisés, à Livourne par exemple.
Parmi les soutiens les plus farouches, le groupe de supporters des Irredicibili. Créé en 1987, lors de Lazio de Rome-Padoue, ce groupe ultra est une émanation de "l’Associazione Mr.Enrich" (présente depuis 1981) classée à l’extrême droite. En 2000, la tribune nord du stadio Olimpico a ainsi affiché son soutien à Arkan, le criminel serbe décédé quelques jours plus tôt.
Atletic Bilbao, tribune autonome basque
L'Atletic Bilbao a pour spécificité de recruter exclusivement des joueurs basques (français, espagnols) ou de promouvoir la jeune garde locale. Une politique soutenue par les supporters des Leones envers et contre tout. Sixième du dernier championnat, l'Atletic Bilbao est un club cantonné au milieu de tableau. Pour autant, les supporters continuent de soutenir cette politique de promotion basque. Dans les années 1990, selon un sondage publié par El Mundo, 76% des fans du club disent qu'ils accepteraient mieux une relégation de leur équipe plutôt que de voir des joueurs "étrangers au pays basque" porter le maillot de l'Atletic.
Socrates, quand le politique vient du terrain
En pleine dictature militaire, au Brésil, un club de football, les Corinthians va devenir un petit îlot de résistance. A la tête de celle-ci, Socrates, frère aîné de Rai, gloire du Paris Saint-Germain des années 1990, mais surtout footballeur et médecin.
Couramment appelé “la démocratie corinthienne”, un système d'autogestion a été mis en place par les joueurs.
Dans les colonnes de So Foot, Socrates explique que l'ambition de l'équipe était de passer au-dessus du statut "joueur-travailleur pour participer pleinement à la planification et à la stratégie d’ensemble du club. Cela nous a amené à revoir les rapports joueurs-dirigeants”.
Concrètement, tous les points relatifs à la vie collective comme les horaires d'entraînement étaient soumis au vote. Les joueurs de l'équipe vont jusqu'à choisir Ze Maria, joueur de l'équipe, comme entraîneur en 1982. Le symbole est fort: comme il le faudrait pour le Brésil, c'est un travailleur, un membre choisi par le peuple qui est responsable de la destinée du club ou du pays.
En 1984, Socrates quitte le Brésil après le refus du Congrès de rétablir une élection présidentielle libre. Le mouvement perd son leader le plus charismatique et les vieux dirigeants reprennent leur club en main. Le dimanche 4 décembre 2011, Socrates décède. Ce jour-là, les Corinthians remportent leur cinquième titre. Joueurs et supporters rendent hommage au docteur, le poing levé.
Fabien Piégay