Depuis des semaines, les séparatistes préparaient l'offensive de Debaltseve. Après de violents combats, l'armée a déserté la ville ce mercredi. Une décision pas forcément de mauvais augure, selon un expert.
Mercredi matin, l'armée ukrainienne a quitté la ville de Debaltseve, un point stratégique entre les deux "capitales" séparatistes Donetsk et Lougansk. "C'est sa situation géographique qui constituait sa valeur pour les combattants pro-russes. Ils possèdent désormais un territoire cohérent", explique Florent Parmentier, spécialiste des questions géopolitiques à Sciences Po Paris. En effet, la ville qui comptait 26 000 habitants en 2013 constituait "une poche gouvernementale au sein du territoire des républiques auto-proclamées de l'est du pays".
Parmi les scénarios probables,"l'accalmie peut être espérée", estime Florent Parmentier, car "sans les militaires ukrainiens, de facto, les occasions de se battre diminueront". Déjà, samedi, avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, un responsable séparatiste considérait que la trêve ne concernait pas Debaltseve.
La fin des combats ne résout pas tous les problèmes, de nombreux sujets qui fâchent persistent. Parmi eux, les points cruciaux du statut politique et de la reconstruction économique de la région. Ou la question du sort des séparatistes. En effet, l'accord "Minsk 2" signé jeudi dernier, qui propose un plan de paix entre les deux parties, concède davantage d'autonomie aux territoires à l'est de l'Ukraine. Mais il laisse de côté la question des séparatistes. Autrement dit, le gouvernement de Kiev devra choisir : "soit ces derniers sont des personnes respectables et le dialogue est envisageable, soit ils sont considérés comme des terroristes et toute négociation sera impossible", analyse Florent Parmentier.
Pour l'instant, l 'accord n'est donc qu'une "solution partielle", assure le professeur, et "les questions qui restent sont plus politiques que militaires". Elles pourraient être évoquées dès ce mercredi soir dans la conversation téléphonique entre les présidents français, ukrainien, russe et la chancelière allemande.
A 700 km de la ligne de front, le chef de l'Etat ukrainien Petro Porochenko sera "pragmatique", souligne Florent Parmentier. Il devra tenir compte d'une opinion publique partagée. A l'Ouest, la population attend des signes forts du président, convaincue d'une guerre d'agression. Mais à l'Est, les habitants devraient se satisfaire de la situation. Convaincue que l'armée ukrainienne n'a pas hésité à bombarder les civils, cette population est devenue "plus anti-Kiev que pro-russe" estime le spécialiste.
Aurore Dumser
Photo Bandeau : Anatolii Stepanov / AFP