Les deux candidats se targuaient chacun d'avoir remporté la primaire dans l'Iowa, lundi 3 février. Ils se retrouvent quasiment à égalité.
Le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, était le grand favori des sondages dans l'Iowa. Photo Matt Johnson / CC BY-SA 2.0
Après s'être revendiqués victorieux chacun à leur tour, Pete Buttigieg et Bernie Sanders sont finalement quasiment à égalité dans le premier vote des primaires présidentielles démocrates qui s'est tenu lundi 3 février, dans le petit État rural de l'Iowa.
Selon les résultats, portant sur 97% des bulletins dépouillés, l'ancien maire centriste de South Bend, Pete Buttigieg, a obtenu 26,2% des suffrages. Il est talonné par le sénateur socialiste, Bernie Sanders, avec 26,1%. La sénatrice progressiste Elizabeth Warren reste à 18,2%, tandis que l'ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden, se place en quatrième position avec 15,8% des voix.
Des « incohérences » dans les chiffres
Le coup d'envoi des primaires, qui désignera l’un des douze candidats qui affrontera Donald Trump à la présidentielle américaine en novembre, avait rapidement viré au fiasco technique. Les représentants locaux du parti ont été incapables de publier les résultats officiels lundi 3 février avant minuit. Ils se sont justifiés en évoquant des « incohérences » dans les chiffres qui leur étaient parvenus.
Un cafouillage qui serait dû, selon certains médias américains, à la difficulté à transmettre les résultats via une nouvelle application sécurisée. Le parti a depuis recompté manuellement les voix obtenues par chaque candidat.
Un cafouillage instrumentalisé
« On s’attendait à un résultat serré, mais finalement, le parti n’a pas été capable de dire qui avait gagné, déclare à CUEJ.info Anne Deysine, spécialiste des questions politiques et juridiques aux États-Unis. C’est un raté total, qui laisse la porte ouverte aux critiques ».
Après un an de campagne électorale, la confusion engendrée par ce premier vote alimente les théories du complot et les accusations contre un parti jugé incompétent par ses détracteurs. À commencer par le premier d’entre eux. Dans un tweet, Donald Trump a ironisé sur le « désastre absolu » du caucus de l’Iowa (scrutin qui fonctionne comme une assemblée de citoyens).
« Rien ne fonctionne, exactement comme lorsqu’ils dirigeaient le pays. […] La seule personne qui peut revendiquer une très grande victoire dans l’Iowa la nuit dernière est “Trump“. », a déclaré le chef de l’État.
The Democrat Party in Iowa really messed up, but the Republican Party did not. I had the largest re-election vote in the history of that great state, by far, beating President Obama’s previous record by a lot. Also, 97% Plus of the vote! Thank you Iowa!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) February 4, 2020
« Ce cafouillage va être instrumentalisé par le locataire de la Maison-Blanche pour tenter de semer la division parmi les démocrates et réalimenter les craintes et la fureur des partisans de Bernie Sanders », estime la spécialiste. En 2016, le sénateur du Vermont avait été battu par la candidate Hillary Clinton durant la primaire démocrate.
Une dynamique chamboulée
L’absence de résultat a surtout privé les candidats de l’élan habituel engendré par ce premier scrutin. Depuis 1972, le lancement des primaires dans l’Iowa est en effet un moment clé et incontournable dans la course à la Maison-Blanche.
Cette tradition est pourtant régulièrement critiquée, comme l’explique Anne Deysine : « Ce n’est pas un État représentatif des États-Unis, car il est essentiellement blanc et agricole. » Même si l’Iowa n’octroie que peu de délégués, un bon résultat ou une contre-performance peut néanmoins changer la dynamique d’une candidature.
Cette débâcle n’a cependant pas empêché certains candidats de s’annoncer vainqueurs. À l’instar du sénateur Bernie Sanders, favori des sondages dans le petit État du Midwest. Son équipe de campagne avait communiqué ses données, se basant sur 40 % des bureaux de vote. Selon ces chiffres, le sénateur aurait obtenu 28,62 %, devant Pete Buttigieg (25,71 %) et Elizabeth Warren (18,42 %). « Quand les résultats seront annoncés, j’ai le sentiment que nous allons avoir un très très beau succès ici en Iowa », s’était félicité le sénateur du Vermont.
« Encore un mois de suspens »
Arrivé quatrième avec 15,8% des voix, l’ancien vice-président Joe Biden, en tête de la quasi-totalité des sondages au niveau national depuis plusieurs mois, avait pourtant prédit un vote « serré ».
« Le candidat arrivé en tête dans l’Iowa peut remporter beaucoup d’argent, un avantage indéniable pour la suite de la campagne, précise Anne Deysine. Mais là, l’effet d’impulsion de cette victoire s’est perdu. D’ailleurs, les candidats sont déjà en route pour le New Hampshire, dont l’élection aura lieu le 11 février. »
Deux autres États – le Nevada et la Caroline du Sud – devront aussi se plier au processus des primaires ce mois-ci. « Cela va donner une première tendance sur les candidats favoris, mais tout va vraiment s’accélérer mardi 3 mars, lors du Super Tuesday » (en français « super mardi »). Ce jour-là, une quinzaine d’États et de territoires – dont la Californie et le Texas – voteront simultanément. Pour la spécialiste, tout n’est donc pas encore joué : « Il reste encore un mois de suspens. » Et peut-être davantage.
Laurie Correia