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Le « Grexit » a de nouveau été évoqué jeudi par Valéry Giscard d’Estaing. Une idée qui fait de plus en plus son chemin dans les solutions avancées pour sortir la Grèce de la crise économique. Que se passerait-il si le pays franchissait le pas ? Deux cas de figures sont possibles. Explications.
Alexis Tsipras, le nouveau Premier ministre grec, s'est fait élire sur un programme "irréalisable avec une monnaie forte", a estimé jeudi Valéry Giscard d’Estaing. L'ancien président français a déclaré dans Les Echos que "la Grèce ne peut régler ses problèmes aujourd'hui que si elle retrouve une monnaie dévaluable". Une position qui se rapproche de celle des Economistes atterrés, un collectif d'économistes anti-libéraux qui s'opposent à la politique d'austérité menée depuis 2010.
Ces économistes défendent une sortie de la Grèce de la zone euro et une annulation de sa dette. Un retour à la drachme, l'ancienne monnaie nationale grecque, permettrait à Athènes de baisser la valeur de sa monnaie (dévaluer), pour devenir plus compétitive sur le marché international. "Le pays ne peut se satisfaire d'une monnaie comme l'euro, indexée sur les performances de l'Allemagne", a déclaré David Cayla, maître de conférences en économie à l'université d'Angers et membre des Economistes atterrés. En favorisant les exportations, les économistes misent sur des bénéfices commerciaux suffisants pour compenser la hausse des prix induite par l'inflation. Cette mesure est aussi censée favoriser la production nationale au détriment des produits anciennement importés, devenus plus chers.
Grâce à cet excédent, la Grèce serait en mesure d'équilibrer son budget et de financer le service public. Les économistes en faveur de cette hypothèse tablent sur un retour de la croissance d'ici à deux ans.
Le gouvernement obligé de faire tourner « la planche à billets »
Cette vision est pourtant loin de faire l'unanimité. La majorité des économistes plaide pour le maintien de la Grèce dans l'euro. Pour eux, un abandon de la monnaie unique n'est ni souhaitable ni souhaité. "La Grèce serait alors contrainte de se déclarer en défaut de paiement, ce qui la priverait de l’accès aux marchés financiers durablement du fait d’une perte de confiance des créanciers. Et de nombreuses entreprises – financières ou non – seraient contraintes de déposer le bilan", analyse Céline Antonin, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques.
Ces économistes soulignent la faiblesse de la théorie précédente, qui cache des conséquences sociales dramatiques pour les habitants. La dévaluation ne pourrait qu'appauvrir les Grecs puisque leurs comptes bancaires seraient aussi dévalués. Patrick Artus, économiste chez Natixis, estime qu'Athènes devrait déprécier sa monnaie de 55% pour équilibrer ses comptes, en prenant en compte les niveaux de la dette, des déficits public et extérieur de la Grèce. Le salaire moyen des Grecs ne s'élevait pas au-delà de 817 euros en 2013, selon la principale caisse d'assurance sociale du pays. Concrètement, une dévaluation pourrait faire tomber du jour au lendemain le salaire moyen en-dessous de 400 euros .
Autre argument avancé : l'inflation. Le pays serait obligé de créer de grandes quantités de monnaie en faisant tourner « la planche à billet », pour compenser le départ des investisseurs étrangers. Car selon eux, qui dit inflation dit dégradation du pouvoir d'achat pour les ménages. L’État ne pourrait donc empêcher la croissance de chuter à cause d'une réduction de la demande intérieure. Et l'avantage compétitif remporté sur le court-terme avec les exportations, ne résisterait pas au long-terme.
Cette sortie de l'euro détruirait en plus le système bancaire grec car les autorités grecques imposeraient un contrôle des capitaux. Cette mesure viserait à empêcher les investisseurs étrangers de fuir et la population d'ouvrir des comptes dans d'autres pays ou de retirer trop d'argent, provoquant ainsi un mouvement de « bank run » où les habitants se rueraient sur les distributeurs.
Si Alexis Tsipras affiche sa volonté de rompre avec la politique d'austérité mise en place par l'Union européenne, il a pourtant dû poursuivre les négociations avec l'Eurogroupe avant d'accepter une prolongation de six mois du plan d'aide.
Toutefois, une sortie de la zone euro ne peut se faire du jour au lendemain. Si Athènes voudrait prendre le large, il lui faudrait négocier avec l'Union européenne pour obtenir à l'unanimité l'adoption d'un amendement au traité de Lisbonne. Son article 50 ne prévoit pas l'abandon de la monnaie unique. Un point sur lequel est revenue jeudi la Commission européenne, en insistant sur le fait que l'appartenance d'un pays à l'union monétaire est "irrévocable".
Célia Garcia-Montero
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