Les négociations pour prolonger le programme d'aide à la Grèce ont échoué lundi, lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro. Les trois scénarios possibles après ce nouvel échec.
Le président de l'Eurogroupe et ministre néerlandais des Finances Jeroen Dijsselbloem (à g.) discute avec son homologue grec Yanis Varoufakis (à d.) à Bruxelles le mardi 17 février. Photo : AFP / Emmanuel Dunand
Nouvel échec lundi pour l'Eurogroupe qui n'a pas trouvé d'accord avec la Grèce sur son programme d'aide. Les ministres des Finances de la zone euro demandaient un prolongement du plan de redressement, qui s'achève le 28 février. Athènes a opposé un non catégorique.
Pour les Européens, menés par l'Allemagne, la Grèce doit accepter de mener à son terme le second plan d'aide internationale, 130 milliards d'euros accordés en 2012 en échange de réformes structurelles. Le gouvernement Tsipras refuse et veut obtenir un plan relais qui permettrait de négocier dans le calme "un nouveau contrat". Les mois gagnés permettraient au chef du gouvernement grec de défendre son programme anti-austérité et d'aborder la question de la dette du pays (175 % du PIB).
Compromis de dernière minute, sortie de la Grèce de la zone euro ou modération du gouvernement grec, quelles sont les issues possibles après ce nouvel échec ?
L'eurogroupe ne paraît pas vouloir céder. Son président Jeroen Djisselbloem a laissé une semaine à la Grèce pour accepter la prolongation du plan : "Il est très clair que le prochain pas doit venir des autorités grecques et au vu du calendrier, on peut utiliser cette semaine mais c'est à peu près tout", a-t-il affirmé lundi soir. "Il n'y a pas d'alternative à la prolongation du programme", a renchéri le commissaire européen aux Affaires économiques, le Français Pierre Moscovici.
Effrayée par les conséquences d'un refus, la gauche radicale grecque pourrait finir par céder : faute d'accord, la Grèce devra faire face à des échéances de remboursement en mars, juin-juillet et septembre. Le tout sans soutien européen et en ne pouvant se financer sur les marchés que de manière limitée. A court d'argent, l’État grec serait dans l'impossibilité de rembourser sa dette et de payer ses fonctionnaires. Ses banques n'auraient plus accès aux prêts d'urgence ELA accordés par la Banque centrale européenne (BCE) et pourraient vite se retrouver asphyxiées.
Mais accepter les exigences européennes signifierait pour Tsipras renoncer à ses promesses de campagne : la sortie du plan d'aide, la fin des privatisations, la hausse du salaire minimum ou les nouvelles embauches de fonctionnaires. Demander la prolongation du plan d'aide ressemblerait fort à une capitulation de la gauche radicale grecque.
Cette capitulation, Alexis Tsipras ne paraît pas vouloir y consentir. Elu sur un programme anti-austérité, le gouvernement grec "n'acceptera pas d'ultimatum", a indiqué ce mardi une source gouvernementale. Lundi, au sortir de la réunion, la demande européenne avait été jugée "absurde" et "inacceptable". L'alliance de la gauche radicale et de la droite souverainiste au sein du gouvernement est un gage d'intransigeance. Et le Premier ministre, tout juste investi, peut compter sur le soutien populaire : 25.000 personnes se sont réunies à Athènes dimanche pour l'appuyer.
A terme, pour pouvoir faire face au défaut de paiement et se financer, le pays pourrait se trouver dans l'obligation de compter sur la création monétaire d'une banque centrale redevenue nationale. Un choix qui signifierait la sortie de la zone euro et le retour à la drachme. Même si Alexis Tsipras ne prône plus cette hypothèse aujourd'hui, il a longtemps fait campagne sur ce thème.
Les marchés semblent juger possible la perspective d'un Grexit et la craindre. Le taux d'emprunt grec est repassé dès ce mardi matin au-dessus des 10 % sur le marché secondaire où s'échange la dette grecque déjà émise – le pays n'a toujours pas accès au marché primaire pour financer sa dette. La Bourse d'Athènes elle aussi dévisse, en baisse de 4,49 % dès l'ouverture. Mêmes mouvements, d'ampleur plus faibles, sur les principales places européennes.
Le chancelier autrichien Werner Faymann a appelé Athènes "à ne pas jouer" avec le risque d'une sortie de l'euro, s'effrayant d'une "contagion" vers d'autres pays européens, notamment du Sud. Mais cette crainte n'est pas partagée par tous : "Il y a 5 ans, si la Grèce était sortie de la zone euro, cela aurait entraîné l'Espagne, l'Italie, le Portugal. Aujourd'hui, ce ne serait plus le cas", aurait déclaré en privé François Hollande, cité par Europe 1. En janvier, la chancelière allemande avait jugé que le Grexit serait "supportable".
Le gouvernement grec y croit et continue de se montrer confiant : « Je n'ai aucun doute que dans les prochaines 48 heures, l'Europe va réussir à nous soumettre un document afin que nous commencions le vrai travail et mettions sur pied un nouveau contrat », a déclaré le ministre des Finances Yannis Varoufakis. « J'espère qu'on était en pleine dramaturgie ce soir mais je n'en sais rien », a concédé lundi une source bruxelloise, citée par Le Monde.
Les contours d'un éventuel compromis paraissent pour le moment bien flous. L'eurogroupe a accepté de faire disparaître le terme de troïka, honnie par les électeurs grecs. Rassemblant les créanciers du pays (FMI, Commission européenne, BCE), en charge de l'application du plan d'aide, elle a pris le nom d'« institutions ». Les ministres des Finances européens se sont également montrés favorables à ce que la Grèce utilise « toutes les flexibilités » du programme actuel, sans plus de précisions. Selon Yannis Varoufakis, le gouvernement grec « était prêt à ne pas appliquer pendant six mois son nouveau programme » en échange d'un nouveau plan. Mais celui-ci supposerait l'accord des gouvernements européens et, comme la prolongation du programme actuel, le vote de quatre parlements nationaux (Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Estonie). Et ceux-ci ont une position sur la Grèce encore plus stricte que celle de leurs gouvernements.
Prochain rendez-vous ce mardi à Bruxelles avec la réunion des ministres des Finances de l'Union européenne. Nul doute que la Grèce sera à nouveau au centre des discussions.
Alexis Boyer