Plus de deux ans après son lancement, Vero, réseau social plutôt confidentiel, refait parler de lui. Mais ses problèmes techniques dans un milieu où la concurrence est rude n'augurent pas d'un futur radieux.
Vero promet la gratuité à son premier million d'utilisateurs afin de gonfler ses rangs clairsemés malgré plus de deux ans d'existence. Crédit photo : Vero
Y-a-t'il de la place pour un nouveau réseau social ? Ces dernières années, les candidats comme Ello ou Peach ont été nombreux, mais à l'exception de ceux qui ont conquis des publics de niche, comme le réseau libre et géré par ses utilisateurs inspiré de Twitter, Mastodon, ils sont aujourd'hui très peu actifs. Un peu comme l'était Vero, qui, depuis son lancement en 2015 par le milliardaire libanais Ayman Hariri, fils de l'ancien Premier ministre du Liban assassiné en 2005 Rafic Hariri, n'avait jusqu'à ces derniers jours pas amassé une immense notoriété. Ce réseau qui promet la vérité (vero, en italien) compte pourtant bien faire sa place.
Beaucoup d'Instagram, un peu de Facebook, une pincée de Twitter
La formule de Vero s'inspire largement des réseaux à succès. Entre les hashtags qui permettent de voir les tendances et de faire des recherches sur des mots-clés ainsi que les arobases suivi du nom des utilisateurs, les internautes ne seront nullement dépaysés par ce condensé, disponible via une application et sur smartphone uniquement. Centré autour de l'échange et du partage de médias à « liker » et commenter (photos, vidéos, mais aussi livres ou lieux), il donne la possibilité de suivre ou d'ajouter en ami les autres comptes du réseau. Les contacts peuvent être triés selon le degré de proximité que l'on entretient, et les publications partagées avec des cercles spécifiques (du contenu public à celui uniquement visible par les « amis proches »).
Un réseau sans algorithme ni publicité pour lequel il faudra payer
L'absence de publicité est le premier argument de vente de Vero, qui met également en avant son fil d'actualité chronologique, rappelant les premières heures d'Instagram, et l'absence d'algorithmes jouant sur les contenus montrés aux utilisateurs, contrairement à ses plus éminents rivaux. Il promet de ne collecter « que les données nécessaires pour fournir aux utilisateurs une bonne expérience et pour assurer la sécurité de leurs comptes ». Celles-ci sont stockées au Royaume-Uni.
Pour inciter les internautes à s'inscrire, le site a annoncé que le premier million de personnes à franchir ses portes n'aura pas à débourser le moindre centime pour son compte, une goutte d'eau comparé aux 800 millions d'utilisateurs mensuels d'Instagram ou aux deux milliards d'utilisateurs revendiqués par Facebook. Mais l'appel d'air fonctionne : les téléchargements de l'application ont augmenté de 5 400 % en quatre jours, rapporte Le Figaro Tech. Les suivants devront payer un abonnement, dont le prix n'a pas encore été spécifié. Il ne devrait toutefois pas dépasser l'équivalent de quelques dollars par an, d'après un article de CNBC qui a interrogé son créateur.
Son modèle économique ne repose pas uniquement sur les potentiels abonnements. En intégrant un système de paiement en ligne directement dans son application, Vero compte toucher une commission sur les ventes réalisées par ce biais. Le site de Vero précise par ailleurs que les marques et autres « influenceurs » sont les bienvenus sur la plate-forme.
Les bugs et fonctionnalités hors-service sont légion avec l'afflux récent d'inscriptions. Crédit photo : capture d'écran Vero
Une application débordée par les inscriptions
Si en théorie tout fonctionne à merveille, en pratique, l'application était, les 26 et 27 février où nous l'avons testée, totalement impraticable. Nombre de fonctionnalités étaient hors service (impossibilité de poster une photo illustrant la vague de froid à Strasbourg par exemple), et les restantes étaient victimes d'interminables ralentissements. Des dizaines d'essais ont été nécessaires pour réussir à suivre un autre compte, et la seule chose relativement fonctionnelle semblait être le fil d'actualité. Toute la journée, le site internet de l'application a affiché un bandeau disant : « Nous subissons actuellement un traffic supérieur à la normale. Nous travaillons pour un retour à la normale le plus rapide possible. »
J'ai rejoint #Vero depuis ce matin :
- 21 abonnés / 14 contacts
- ça bug
- ambiance super austère, un peu en mode Google+
- ca va devenir payant : https://t.co/5HW3SEv4Y1MAIS....
C'est quand même chouette d'être curieux et de découvrir autre chose ! pic.twitter.com/ytO2mP5ljl
— Amélie (@SoGirlyBlog) 26 février 2018
La communication de Vero s'articule autour de la mobilisation de gros « influenceurs » d'Instagram et l'exploitation habile de sujets préoccupant les internautes (rejet de la publicité, exploitation des données, satisfaction au mieux modérée vis-à-vis des dernières mises à jour de Facebook et Instagram), comme l'explique cet article du site spécialisé Numerama. Pour réussir là où l'immense majorité de ses prédecesseurs ont échoué, le réseau devra non seulement fonctionner correctement, et surtout réussir à conserver ses abonnés dans la durée. Y parviendra-t-il ? Vero verra.
Pierre-Olivier Chaput