Liliana Ursu est l'artiste en résidence de la BNU pour le cycle "Ecrire l'Europe". La poétesse roumaine a vu son pays s'ouvrir depuis la chute du communisme, et une nouvelle génération pro-européenne émerger.
Liliana Ursu a publié une trentaine d'ouvrage en Roumanie, aux Etats-Unis et en Angleterre. Crédit : Sarah Bos.
"Les Roumains n'ont pas de statue de la liberté,
ni de proximité avec l'océan,
nous avons l'herbe fraichement fauchée,
et des uniformes qui ont changé dans la nuit."
C'est avec ces vers que Liliana Ursu, a réagi à la chute du régime communiste en Roumanie, en 1989. La poétesse et traductrice roumaine de 67 ans est l'artiste en résidence à la Bibliothèque nationale et universitaire (BNU), à Strasbourg pour les deux mois à venir. Entre conférences et ateliers d'écriture créative sur le thème "Ecrire l'Europe", l'auteure continue à suivre fébrilement les mouvements qui traversent son pays.
Depuis début février, des manifestations d'une ampleur inégalité depuis la chute de Ceaușescu, réunissant jusqu'à 500 000 personnes agitent la Roumanie, en réaction à un décret voté par le Parlement le 31 janvier dans la nuit. Celui-ci prévoyait la dépénalisation partielle des élus mis en examen pour des faits de corruption inférieurs à 200 000 lei (44 200 euros), ce qui aurait permis à une centaines d'élus d'échapper à une condamnation. Malgré le retrait du décret, une semaine plus tard, les Roumains continuent à descendre dans la rue pour réclamer la démission du gouvernement.
Vidéo: Euronews.
"J'ai lu ce matin, que le gouvernement avait été remanié, c'est une grande victoire !", s'enthousiasme Liliana Ursu, les lunettes vissées sur le nez. Celle qui est partie enseigner aux Etats-Unis grâce à des bourses dans les années 1990, vit aujourd'hui à Bucarest. Auteure reconnue, publiée aux Etats-Unis et en Roumanie, Liliana Ursu garde en elle la conviction que l'ouverture de son pays sur l'étranger a changé la donne.
Un attachement aux valeurs européennes
"La nouvelle génération a voyagé, elle est partie étudier ailleurs, ce qui était impossible sous le régime communiste, explique Liliana Ursu. Il n'est plus si aisé de manipuler une population qui a accès à toute information sur Internet."
Longtemps "découragée" par la fuite des cerveaux et le départ des jeunes générations de Roumanie, l'auteure observe avec fierté une mobilisation qui s'invite jusque dans les églises. "Nous sommes face à une révolution silencieuse, pacifique et démocratique. Tout ce que nous voulons, c'est de la normalité."
L'entrée dans l'Union européenne, a permis à la Roumanie de consolider ses acquis démocratiques. Des réformes ont été engagées et pour Liliana Ursu, l'élection en 2014 du président Klaus Iohannis, issu de la minorité ethnique allemande luthérienne, est une preuve du changement survenu dans le pays : "Les Roumains ont choisi un homme issu d'une minorité pour les représenter, c'est la preuve de notre attachement à un système juste." Un président qui soutient d'ailleurs les manifestations, et qui a appelé le gouvernement à démissionner.
Un avertissement au gouvernement
Selon l'auteure, c'est la volonté de s'accrocher aux valeurs européennes qui pousserait la population à autant se mobiliser. "L'héritage européen est profond en Roumanie, rappelle Liliana Ursu, ponctuant l'inteview en anglais de mots français. C'est un îlot de langue latine au sein d'une région aux langues balkaniques."
"Les valeurs européennes sont aujourd'hui respectées, les efforts pour éliminer la corruption sont engagés depuis 25 ans. Les mentalités changent, assure-t-elle. Aucun des pays gangrénés par la corruption, notamment dans les Balkans, n'ont connu un aussi grand mouvement de contestation. La poursuite des manifestations, c'est un avertissement envoyé au nouveau gouvernement."
Sarah Bos