La Commission européenne a annoncé, le 8 février, qu’elle allait ponctionner des fonds européens destinés à la Pologne. Une première dans l’histoire de l'UE. Coup de projecteur sur les sanctions applicables au sein de l’Union.
Un État membre de l’Union européenne peut être sanctionné de différentes manières. Il existe tout d'abord le recours en manquement. Celui-ci permet de poursuivre un État qui n'applique pas correctement le droit européen. C’est précisément le cas de la Pologne avec la mine de charbon de Turow où « une norme de l'Union européenne n’a pas été respectée », explique à Cuej.info Tania Rancho, docteure en droit européen et membre du collectif « Les Surligneurs » qui réalise du fact-checking juridique.
À l’origine de cette affaire : la mine de charbon de Turow en Pologne. En 2020, Varsovie décide de prolonger son exploitation jusqu’en 2026, sans concertation préalable avec l’Allemagne et la République Tchèque, alors que la mine se trouve à quelques kilomètres de leurs frontières. Prague saisit donc la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en septembre 2020, car la Pologne n’a pas appliqué la directive concernant l’évaluation des incidences de projets sur l’environnement.
Des sanctions politiques inapplicables
La CJUE ordonne donc la fermeture immédiate de la mine en mai 2021, mais la Pologne refuse d’obtempérer. Si un refus est constaté, la justice européenne peut à nouveau condamner le pays, cette fois au paiement d’une amende ou à une astreinte. C’est ce qui est décidé en septembre 2021 : la Pologne est condamnée à une astreinte de 500 000 euros par jour. « Donc, pour la mine de Turow, ça veut dire que la procédure a été assez longue avec plusieurs arrêts de la Cour, mais aussi des négociations entre la Pologne et la Commission européenne pour que Varsovie puisse se défendre », poursuit Tania Rancho. La ponction est donc la dernière étape dans cette affaire : « Cette fois, il n’y a plus de voie de recours. »
Outre la sanction financière, il est aussi possible d’appliquer une sanction politique au travers de l’article 7 du Traité de l'Union européenne (TUE) lorsque l’Etat ne respecte pas les valeurs fondamentales de l’Union. « L’idée, c’est d’empêcher la participation d’un pays à l’activité politique de l’Union parce qu’il ne respecte pas les valeurs de l’Etat de droit », détaille Tania Rancho. À terme, elle peut mener à la suspension des droits de vote de l'État membre au Conseil de l’Union européenne. Cette procédure a été amorcée contre deux pays : la Hongrie et la Pologne.
Cette dernière avait été employée par la Commission européenne en décembre 2017, à la suite d’une réforme qui remettait en question l’indépendance de la justice. Problème, il est très difficile d’arriver au bout de cette procédure : « C’est assez long, il y a plusieurs votes et, à un moment, il faut un vote à l’unanimité (sans le pays concerné, NDLR). Donc il suffit que deux pays, en l'occurrence la Pologne et la Hongrie, fassent une alliance pour que ça n’aboutisse pas. »
Faire évoluer le recours en manquement
Elle ajoute qu’il y a tout de même une évolution notable dans le recours en manquement. Si, auparavant, il était employé pour des questions techniques, son usage s'est désormais étendu. « À cause de la Hongrie et de la Pologne, cette procédure a été utilisée pour des questions de non-respect de valeurs de l’Union européenne. Il n’y a pas d'interdiction de le faire, c’est juste que la pratique évolue. » C’est ce qu’il s'est passé en octobre 2021, lorsque la Pologne a été condamnée à une astreinte d’un million d'euros par jour, toujours pour l’affaire de la réforme de la justice. Tania Rancho n’y voit pas une conséquence du blocage de l’article 7 du Traité de l'UE, mais plutôt une meilleure prise en compte des droits fondamentaux.
Nils Sabin